Intervention de Jean-Marie Bockel

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 novembre 2017 à 9h40
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « défense » - programme 178 « préparation et emploi des forces » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel, co-rapporteur pour avis :

Monsieur le Président, mes chers collègues, de manière liminaire, il est important de préciser que nous sommes globalement satisfaits de l'évolution des crédits du programme 178, même si nous sommes vigilants sur un certain nombre de points.

Les autorisations d'engagement progressent de 5,3 %, atteignant ainsi 8,817 milliards d'euros. Les crédits de paiement augmentent de 10,6 % par rapport à 2017 pour s'établir à 8,443 milliards d'euros. En valeur, l'augmentation de crédits de paiement est de 769,86 millions d'euros. Deux postes en bénéficient pour l'essentiel : les opérations extérieures (OPEX) et l'entretien programmé du matériel (EPM).

La hausse provient donc en partie du resoclage budgétaire des surcoûts des OPEX pour 125 millions d'euros, sur les 200 millions d'euros supplémentaires consacrés aux OPEX en 2018. La différence correspond aux 75 millions d'euros de titre 2 inscrits sur le programme 212. Ce premier « resoclage » budgétaire des surcoûts d'OPEX participe à la neutralisation de la hausse annoncée du budget de la Défense de 1,8 milliard d'euros pour 2018 et plus directement du programme 178. Nos rapporteurs du programme 146 vous en ont déjà parlé, il s'agit d'un mouvement de moyen terme qui devrait aboutir en 2020 à l'inscription sur l'ensemble de la mission « Défense » de 1,1 milliard d'euros au titre des OPEX. Cette perspective conduirait de fait à basculer le financement des OPEX de l'interministériel vers les armées seules, contrairement à ce qui était prévu pour cette période de programmation, grâce aux dispositions introduites dans la LPM à l'initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en 2013.

L'autre évolution expliquant l'accroissement des moyens du programme 178 est l'allocation de 450 millions d'euros supplémentaires en faveur de l'EPM. Grâce à cette augmentation, les crédits dédiés à l'EPM atteignent 3,78 milliards d'euros en 2018.

Cette allocation de moyens se répartit entre les armées :

- 1,5 milliard d'euros pour l'armée de l'air, soit 168 millions d'euros supplémentaires dédiés à la fois à l'effort de régénération des matériels anciens, à la mise en place de la formation modernisée et de l'entraînement différencié des équipages de chasse - la FOMEDEC - et à l'acquisition de systèmes sol-air moyenne portée terrestre par l'OCCAR (organisme conjoint de coopération en matière d'armement) ;

- 1,4 milliard d'euros pour la marine, soit 169 millions d'euros supplémentaires. L'augmentation est essentiellement liée à l'effort de régénération des matériels anciens décidés lors de l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) de juillet 2015 et au paiement des marchés d'entretien des sous-marins nucléaires d'attaque et des frégates ;

- enfin, 0,8 milliard pour l'armée de terre, soit 108 millions d'euros supplémentaires. Il s'agit là de mettre en oeuvre le nouveau modèle de maintenance des équipements terrestres appelé « MCO-T 2025 » reposant sur une externalisation de marché au profit des industriels et parallèlement une diminution des crédits du titre 2. C'est un vrai enjeu car le délestage d'activités de MCO vers le privé a été chiffré à près de 500 millions d'euros sur la période 2017-2022, montant qui ne tient pas compte de la surusure des équipements liés à la suractivité et la surintensité de leur exploitation en OPEX. Le financement de ce nouveau modèle de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres était prévu sur 2017 et 2018 mais n'est absolument pas garanti au-delà. C'est là un lourd tribut qui pèse sur la prochaine LPM, auquel nous devrons être attentifs. C'est le capital opérationnel de notre armée qui est en jeu !

Déjà dans la loi de programmation en cours, l'enveloppe nécessaire pour le total des besoins de maintien en condition opérationnelle à couvrir serait plus proche des 800 millions d'euros que des 500 millions d'euros distribués entre 2016 et 2017 au titre de l'actualisation en 2015 de la LPM, soit 300 millions d'euros manquants. Il me semble qu'il y a un risque réel de découvrir sur la prochaine LPM que les économies espérées et utilisées pour construire les budgets pendant cette période de programmation, les fameux « coûts de facteurs », c'est-à-dire l'évolution des indices économiques, ont été trop largement évaluées et qu'aux 300 millions d'euros déjà manquants au titre de l'entretien programmé du matériel il faille en ajouter d'autres. Nous recommandons donc vivement au gouvernement d'évaluer la possibilité d'avancer les livraisons de matériels neufs lorsque cela revient moins cher que d'entretenir des parcs vieillissants. Je pense notamment au remplacement des VAB par les Scorpions, même si la capacité de l'industriel ne rend cette solution viable qu'à partir de 2020.

Je souhaite également attirer votre attention sur l'enjeu que représente la prise en compte du Soutien à l'exportation (SOUTEX) dans la prochaine LPM.

Pour la période de programmation actuelle nous étions dans une situation paradoxale ! L'exportation de nos armements était une condition sine qua non pour maintenir en activité la chaîne de production du Rafale à son minimum de 11 appareils par an, sans que le ministère de la défense n'ait à acquérir 40 appareils en plus des 26 prévus par la LPM.

Dans le même temps, nous n'avions pas prévu les crédits nécessaires au financement du SOUTEX par les armées. Les industriels remboursent la participation des militaires au SOUTEX : mais concrètement, ils ne remboursent ni les soldes, ni les frais d'amortissement du matériel. Seules les dépenses supplémentaires sont remboursées. Or elles ne comprennent pas les frais supplémentaires de maintien en condition opérationnelle des matériels vieillissants, utilisés plus longtemps pour permettre à l'industriel de prendre à nos armées les frégates ou les Rafale qu'il n'a pas encore produits et qu'il exporte ainsi. Le maintien en service actif du Montcalm et du Primauguet en témoigne ! De même le recrutement nécessaire à la DGA pour assurer le SOUTEX du formidable contrat du siècle signé pour l'achat des sous-marins par les Australiens n'est aucunement pris en charge par les industriels ou prévu par la LPM.

Enfin, nous n'avions pas étudié dans la LPM actuelle les modalités de retour attendu des opérations dites de SOUTEX une fois les objectifs d'exportation atteints et largement dépassés. La modulation à la baisse des coûts de l'EPM devrait pouvoir être programmée en LPM. La prochaine loi de programmation militaire ne doit pas faire l'économie d'une profonde réflexion sur ces enjeux !

Enfin, mes chers collègues, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 178.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion