Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai, sur le projet de loi de finances pour 2018, quelques points d'inquiétude.
Le programme 178 est au coeur de la mission défense puisqu'il porte les crédits de la préparation opérationnelle de nos armées, gage de notre réactivité, de notre efficacité et de la sécurité des personnels. Or l'activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés, de près de 10 %. L'indisponibilité des équipements aéronautiques, la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT), l'opération Sentinelle et les renoncements qu'elle a impliqués, ainsi que le nombre élevé d'OPEX expliquent en grande partie les difficultés des armées à atteindre le niveau de réalisation des activités et d'entraînement prévu.
L'amélioration attendue de la mise en place de régimes d'entraînement différencié tarde à se concrétiser. Le retard pris dans la mise en place de la formation modernisée et entraînement différencié des équipements de chasse (FOMEDEC), Sentinelle et la montée en puissance de la FOT ont empêché la pleine mise en oeuvre de l'entraînement différencié.
Autre point de vigilance, la trop lente remontée de la disponibilité technique opérationnelle (DTO). Mon collègue vous a parlé de l'enjeu que représente la prise en compte des besoins budgétaires dans la prochaine LPM, je voudrais, pour ma part, vous parler de ce qui me semble être une « fausse bonne solution » dans le domaine de la DTO.
La DTO des hélicoptères de l'armée de terre augmente de 10 % par rapport à 2017, mais elle ne permet encore de remplir que 58 à 66 % du contrat opérationnel selon la flotte concernée. Un taux aussi médiocre que celui des équipements de la marine dédiés aux fonctions de surveillance maritime. Engagement du personnel de maintenance dans l'opération « Sentinelle », vieillissement des parcs, déficit de régénération, actions de « rétrofit » qui augmentent l'encours chez l'industriel, la DTO des équipements de l'armée de terre est à la peine. Tout comme celle des équipements aéronautiques !
S'il faut soutenir les efforts et fixer un niveau de crédits compatible avec la réalité du contrat opérationnel réalisé et les conditions réelles d'utilisation des équipements en OPEX, la réorganisation de la chaîne complète de soutien prend du temps, et les résultats ne peuvent s'améliorer que progressivement. Les tentations de « table rase » ou d'externalisation totale ne nous semblent ni efficientes ni réalistes !
Le capital opérationnel de nos armées, humain et matériel, est soumis à rude épreuve. Il nous appartiendra d'être particulièrement vigilants pour tenter de le préserver dans le cadre de la prochaine LPM. Ayant assisté à une revue périodique de la flotte, à la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques - SIMMAD, nous sommes convaincus de l'engagement des services de soutien dans cette bataille de la restauration du niveau de DTO.
Dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, nous avons examiné la situation des services de soutien, éternels sacrifiés du ministère. Pour rappel, ils ont subi de plein fouet la révision générale des politiques publiques, les efforts de déflations prévues par la présente LPM puis la remontée en puissance de la FOT, sans augmentation de leurs propres effectifs ni même arrêt de leur déflation.
Il est urgent, et indispensable de placer les services de soutien au coeur de la réflexion de la prochaine LPM pour éviter l'érosion de la capacité de projection de nos armées.
L'arrêt de la déflation des personnels a déjà été décidé pour le service du Commissariat des armées pour la fin de la période de programmation actuelle. Cette décision était indispensable vu les difficultés que connait ce service auquel on demande en plus de mettre en oeuvre 3 des 12 priorités du plan famille annoncé par la ministre.
La même décision doit impérativement être prise pour le service de santé des armées-SSA qui est au bord de la rupture. Depuis le début de l'actuelle LPM, le SSA a perdu 1 600 hommes soit 8 % de ses effectifs. Le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manque 100 ! Les personnels projetés effectuent 200 % du contrat opérationnel. Alors que les déficits de personnels sont déjà criants dans certaines spécialités telles que les chirurgiens orthopédistes ou les dentistes, la surprojection de ces personnels finit par les pousser à quitter le service. 10 % du contrat opérationnel du SSA en OPEX est d'ores et déjà assuré par des réservistes, et la directrice du SSA travaille activement à l'augmentation de leur nombre. Dans ces conditions, il est impératif que la déflation de 330 personnels prévus d'ici la fin de la LPM soit suspendue. Dans le cas contraire, il n'est pas impossible d'imaginer que la projection de personnels médicaux ne soit plus possible que la France perde ainsi sa capacité à se projeter ! Le SSA a prouvé sa capacité à fournir un effort de réforme très impressionnant, nous avons tous en mémoire notamment la fermeture de l'hôpital du Val-de-Grâce, nous devons prendre conscience qui ne peut guère fournir un effort supplémentaire dans l'état actuel de ses effectifs.
Pour toutes ces raisons, je recommande l'abstention sur l'adoption des crédits du programme 178 et de la mission défense.