La loi de financement de la sécurité sociale couvre chaque année l'essentiel des dépenses de santé réalisées dans notre pays. La loi de finances, plus particulièrement la mission « Santé », ne regroupe quant à elle qu'une partie limitée des crédits engagés dans ce domaine ; elle ne comporte pas de dépenses de personnels et ne concerne que certains établissements publics du champ sanitaire. Pour autant, les crédits retracés dans cette mission ne sont pas de moindre importance. Il s'agit principalement : pour le programme 204, relatif à la « prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins », des subventions pour charges de service public, versées à certains agences sanitaires et pour le programme 183, relatif à la « protection maladie », du financement de l'aide médicale d'État (AME).
Pour 2018, les crédits de la mission sont fixés à 1,4 milliard d'euros, en hausse de 12 % par rapport aux crédits ouverts pour 2017. Cela résulte d'une progression de près de 10 % des crédits du programme 204 et de plus de 13 % de ceux du programme 183. Je m'en tiendrai, pour chacun de ces programmes, aux évolutions les plus marquantes qui me paraissent devoir retenir l'attention de notre commission.
S'agissant tout d'abord du programme 204, qui représente 35 % des dépenses de la mission, il financera en 2018, à titre principal ou complémentaire, quatre opérateurs sanitaires de l'État, contre huit en 2016. Cette évolution s'explique tout d'abord par la fusion de trois établissements au sein de l'Agence nationale de santé publique (ANSP) créée le 1er mai de l'année dernière. Notre commission avait salué cette simplification dans ce qui pouvait apparaître comme un maquis des agences sanitaires. Elle avait apporté son plein soutien à cette nouvelle structure appelée à devenir l'opérateur de référence en matière de veille, de prévention et de réponse aux alertes sanitaires. Nous avions en revanche exprimé une certaine réserve quant à l'instabilité qui caractérise le périmètre du programme depuis plusieurs exercices en raison de la multiplication des dépenses transférées à la sécurité sociale. Je rappelle que la loi de finances pour 2015 a transféré 134 millions d'euros de dépenses de l'État vers l'assurance maladie pour le financement de la Haute Autorité de santé (HAS), de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers (CNG) et en matière de formation médicale initiale. La loi de finances pour 2017 a ensuite transféré à l'assurance maladie la part du financement du fonds d'intervention régional (FIR) jusque-là assuré par l'État, pour un montant de 116 millions d'euros.
Ce mouvement se poursuit puisque le PLF pour 2018 prévoit le transfert à l'assurance maladie du financement de deux autres opérateurs qui disparaissent ainsi du programme 204 : il s'agit de l'agence de biomédecine (ABM) et de l'école des hautes études en santé publique (EHESP), pour un total de 23 millions d'euros et 538 équivalents temps plein (ETPT). Le Gouvernement présente cette évolution comme poursuivant un objectif de simplification des circuits de financement, l'idée étant notamment de privilégier, autant que possible, le principe du financeur unique. À mon sens, la volonté d'une plus grande lisibilité peut s'entendre. Elle ne doit cependant conduire ni à un désengagement de l'État, ni à un contrôle plus difficile pour le Parlement et pose, en tout état de cause, la question de la cohérence du programme pour les années à venir.
La progression des crédits du programme 204 -une première depuis quatre ans- s'explique en fait essentiellement par la montée en charge du dispositif spécifique permettant l'indemnisation des dommages imputables à la « Dépakine ». Ouvert depuis le 1er juin dernier, il permet, en l'absence de responsabilité établie, une indemnisation par la solidarité nationale sous la responsabilité de l'Office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux (Oniam). Pour assurer son financement, 77,7 millions d'euros sont prévus pour 2018, après 10 millions en 2017. Selon les informations qui m'ont été communiquées par le ministère de la santé, environ 14 000 personnes pourraient potentiellement être concernées mais les prévisions de recours à ce dispositif sont, pour l'heure, très incertaines. Il nous faudra donc réinterroger les autorités concernées dans le courant de l'année prochaine pour apprécier l'usage qui sera fait de ce mécanisme ad hoc mis en place par le législateur.
En ce qui concerne les dépenses relatives aux opérateurs sanitaires, les objectifs d'économies qui leur sont assignés s'avèrent, comme les années précédentes, particulièrement exigeants. Ils se traduisent en effet par une réduction de 2,5 % du plafond d'emplois, soit la suppression de 57 ETPT, et par une diminution de 5 % des crédits de fonctionnement. Des efforts supplémentaires de mutualisation pourraient en outre être demandés aux agences : après la mise en place d'un système d'information financier et comptable commun à l'ANSP, l'Institut national du cancer (Inca) et l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le Gouvernement indique vouloir approfondir l'étude de la faisabilité d'une stratégie immobilière commune et la possibilité de regrouper sur un site unique un pôle d'agences en matière de produits et de pratiques.
Dans ce contexte, les agences interviennent dans un cadre à la fois fortement contraint et évolutif, nécessitant une bonne capacité d'adaptation. À cet égard, une attention toute particulière doit être portée à la situation de l'ANSM qui, vous le savez, est l'agence à la fois la plus nombreuse et la plus exposée compte tenu de l'importance de ses missions. Au-delà de sa compétence principale, centrée sur l'autorisation de mise sur le marché des médicaments, l'agence s'est vue investie de nouvelles obligations en application de la loi « santé » de 2016 : je pense notamment à la certification des logiciels d'aide à la prescription (LAP) et d'aide à la dispensation (LAD), à l'évaluation de la méthodologie des essais interventionnels ou encore de ses nouvelles fonctions en matière de lutte contre les ruptures d'approvisionnement. A la suite du prochain transfert de l'Agence européenne du médicament (EMA) en dehors du Royaume Uni, l'ANSM doit par ailleurs être en mesure de récupérer l'instruction de nouveaux dossiers d'autorisations de mise sur le marché.
Dans ces conditions, il me paraît plus que légitime que les crédits alloués pour 2018 soient en augmentation, avec une subvention de l'État de 118 millions d'euros contre 112 millions en 2017. Cette mesure est nécessaire car le fonds de roulement de l'agence s'est trouvé dès la fin de l'année 2016 à la limite de son niveau prudentiel en raison de la succession de soldes déficitaires. L'effort portant sur le plafond d'emploi a quant à lui été légèrement minoré par rapport aux autres agences, mais il reste non négligeable, avec une suppression de 20 ETPT.
En ce qui concerne l'ANSP, elle fait face à une mobilisation importante de ses ressources pour la gestion des crises sanitaires qui se sont multipliées au cours des mois passés. Dans ce domaine, la réactivité de l'agence n'a pas été altérée par la fusion, ce qui est un élément très positif. En revanche, depuis la suppression de la dotation de l'assurance maladie l'année dernière, l'agence dépend à hauteur de 90 % d'un financement de l'État et les crédits relatifs aux actions de prévention ne sont plus sanctuarisés. L'importance prise par les urgences et les alertes sanitaires ne doit pas remettre en cause sa capacité à s'investir pleinement et efficacement dans sa mission de prévention et de promotion de la santé. Ce risque bien réel renvoie plus largement aux conséquences de la régulation des dépenses de l'État, que l'on observe en particulier sur la mission « Santé » dont les crédits de prévention s'érodent chaque année. Pour 2018, on note une baisse de 5 millions d'euros des crédits de prévention engagés par l'administration centrale. Il en résulte un simple saupoudrage des dispositifs existants, l'essentiel des dépenses étant une fois de plus renvoyé à l'assurance maladie.
J'en viens au programme 183 qui couvre principalement l'AME. Comme vous le savez, celle-ci permet la prise en charge des soins des personnes étrangères en situation irrégulière sous une double condition : résider en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois et disposer de ressources inférieures à un plafond identique à celui exigé pour le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Le dispositif est financé par l'État et géré par l'assurance maladie. Pour 2018, la dotation globale pour les dépenses d'AME est fixée à 924 millions d'euros contre 815 millions en 2017, soit une progression de 13 %. Selon le Gouvernement, cette évolution prend en compte l'évolution tendancielle des bénéficiaires de 5,3 % par an observée jusqu'en 2016.
Depuis cette date, le nombre de bénéficiaires a connu un infléchissement, que l'année 2017 semble confirmer : les prévisions font état de 306 000 bénéficiaires de l'AME de droit commun cette année, contre un peu plus de 316 000 fin 2015. Au regard du contexte international et de la densification des flux migratoires, cette tendance apparaît contre intuitive ; les services ministériels que j'ai auditionnés n'ont eux-mêmes pas pu apporter d'éléments d'explication probants à cette évolution. En tout état de cause, il faut à mon sens reconnaître l'effort de sincérité réalisé par le Gouvernement cette année pour mettre fin à la sous budgétisation chronique de ce programme. La dette cumulée de l'État vis à vis de la Cnam au titre des dépenses d'AME est désormais apurée.
Des efforts sont également réalisés pour améliorer la maîtrise du dispositif. Au-delà de l'introduction d'un contrôle ciblé sur 10 % des dossiers, soit un taux nettement plus élevé que pour les autres dispositifs, l'instruction de l'ensemble des demandes d'AME en métropole sera, à compter de 2018, centralisée auprès des trois caisses les plus concernées (Paris, Bobigny et Marseille). L'objectif poursuivi est une harmonisation et une sécurité accrues des procédures ainsi qu'une diminution des coûts de gestion. Il semble en outre que la demande des caisses d'accéder aux informations détenues par le ministère de l'intérieur s'agissant des titres de séjour ait enfin été entendue. Selon les informations qui m'ont été transmises, une telle possibilité pourrait être ouverte d'ici fin 2018. Je m'en félicite car il y a deux ans, notre commission avait, à mon initiative, déposé un amendement en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances.
Je termine en précisant que le reste des crédits du programme 183 est constitué de la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), qui ne revêt malheureusement plus qu'un caractère très subsidiaire (8 millions d'euros pour 2018) par rapport au financement par la branche AT-MP. Nous avons déjà eu l'occasion de le déplorer lors de l'examen du PLFSS. Telles sont, Monsieur le Président, mes chers collègues, les principales observations que je souhaitais formuler sur la mission « Santé » du PLF pour 2018. Je vous remercie.