Les crédits du sport qui figurent au programme 219 connaissent, en 2018, une évolution radicale qui trouve son origine dans une redéfinition des missions et des moyens respectifs du Centre national pour le développement du sport (CNDS) et du budget du ministère des sports.
Cette remise à plat a été l'occasion d'interrogations sur l'évolution réelle des crédits, en baisse de près de 7 % dans le texte déposé à l'Assemblée nationale. Je vais revenir dans le détail sur la réalité des chiffres qui permet aujourd'hui de nuancer fortement cette première impression négative.
Toutefois, si les crédits du ministère se maintiennent - contrairement aux craintes qui ont pu être exprimées compte tenu des engagements pris par le Gouvernement, je suis préoccupé des moyens dévolus à la préparation des Jeux olympiques et paralympiques. Plusieurs indices me laissent penser que nous n'avons pas encore pris la mesure de cet événement exceptionnel et que les très hautes ambitions aujourd'hui affichées en termes de médailles ne s'appuient pas sur des engagements financiers à la mesure de l'événement.
Quels sont les objectifs de la nouvelle ministre des sports que l'on retrouve dans ce budget ? Il y en a deux principaux :
- l'amélioration de la performance du sport de haut niveau dans la perspective des Jeux de 2024 doit permettre de faciliter la détection des potentiels et de favoriser les conditions sportives et matérielles des athlètes ;
- le développement des pratiques sportives pour tous, tout au long de la vie, et la promotion du sport comme facteur de santé afin de parvenir à « 3 millions de pratiquants supplémentaires ».
Un point sur les chiffres clé du budget qui sont censés traduire ces ambitions. Si l'on considère l'ensemble des crédits consacrés au sport dans le projet de loi de finances tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale, la baisse est effectivement d'environ 7 %, les crédits s'établissant à 481,6 millions d'euros en 2018 contre 517,4 millions d'euros en 2017.
Le CNDS voit ses recettes fiscales affectées divisées par deux, à 133,4 millions d'euros, avec des missions recentrées sur le sport pour tous, ce qui pose la question du financement des équipements au niveau local. Par voie de conséquence, les crédits du programme 219 augmentent fortement puisqu'ils passent de 247,39 millions à 348,23 millions en crédits de paiement. Cette hausse des crédits se concentre de manière très majoritaire sur les dépenses d'intervention du titre VI qui passent de 176,92 millions d'euros à 278,56 millions d'euros en 2018.
En termes de répartition des crédits par actions, la hausse des moyens accordés au programme 219 bénéficie essentiellement à l'action n° 1 « Promotion du sport pour le plus grand nombre », qui voit ses crédits passer de 35,67 millions d'euros à 89,67 millions d'euros et à l'action n° 2 « Développement du sport de haut niveau », dont les moyens passent de 160,93 millions d'euros à 209 millions d'euros.
Ces crédits supplémentaires doivent permettre, selon la ministre des sports, de soutenir les fédérations avec une enveloppe de 3 millions d'euros supplémentaires, d'accompagner nos athlètes de haut niveau grâce à une enveloppe de plus de 10 millions d'euros destinées aux aides personnalisées et d'engager la préparation des Jeux olympiques et paralympiques.
Pour revenir un instant sur le montant global des crédits, nous sommes nombreux à avoir fait part de nos inquiétudes concernant le devenir des projets déjà engagés par le CNDS dont le financement se trouve menacé à compter de 2018. Cette crainte a été entendue puisque le ministre de l'action et des comptes publics a annoncé l'ouverture d'une enveloppe de 20 à 30 millions d'euros dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR) au profit du CNDS. J'ai été informé que l'enveloppe devrait s'élever à 27 millions d'euros et qu'elle devrait servir à abonder le fonds de roulement du CNDS pour une utilisation essentiellement en 2018.
Il aurait, sans doute, été plus vertueux de modifier directement les crédits prévus par le projet de loi de finances (PLF) 2018 mais sans doute que Bercy ne voulait pas se déjuger. Il n'en reste pas moins que si l'on tient compte des 2,2 millions d'euros qui ont également été ajoutés lors du débat à l'Assemblée nationale pour désengorger la filière sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), les crédits consacrés au sport ne baissent plus que de 5,72 millions d'euros ce qui représente environ -1,1 %.
La situation est donc moins critique que l'on pouvait le redouter mais l'avenir du CNDS n'en est pas moins encore incertain. Il devrait, certes, conserver une part territoriale à hauteur de 108 millions d'euros et comme je l'ai annoncé son fonds de roulement, qui s'établit aujourd'hui à 49 millions d'euros, devrait être porté à 76 millions à l'issue du PLFR. Mais qu'adviendra-t-il du reste à payer des projets engagés en 2019 et 2020 ?
Concernant les missions futures du CNDS nous sommes également en droit de nous interroger. La rebudgétisation va-t-elle se poursuivre l'année prochaine ? Aucune garantie n'a, en réalité, été apportée en ce sens et certains pensent que Bercy pourrait souhaiter une rebudgétisation totale du CNDS... La direction du CNDS a d'ailleurs commencé à travailler à des modifications réglementaires - notamment du code du sport - afin d'ajuster les missions de l'établissement compte tenu des changements de périmètres décidés cet automne dans le débat budgétaire. Un changement de nom serait aussi à l'étude.
Le sort de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) semble plus clair puisqu'après plusieurs années difficiles, le PLF 2018 prévoit une hausse du budget de l'agence d'un million d'euros qui devrait permettre de ne plus puiser dans le fonds de roulement. Cette éclaircie s'est toutefois accompagnée d'un coup de tonnerre à la suite de la suspension temporaire dont fait l'objet le laboratoire de l'AFLD de Chatenay-Malabry depuis le mois de septembre. Elle oblige à délocaliser les examens des échantillons des contrôles en Belgique et en Italie pour un coût de 360 000 euros, auquel s'ajoute une perte de recettes estimée à 250 000 euros. Cette perte globale de 610 000 euros a été amortie par un dégel des crédits à hauteur de 530 000 euros. Une inquiétude existe quant à la capacité du laboratoire à retrouver ses clients étrangers - en particulier sud-américains - à l'issue de la fin de la suspension qui pourrait intervenir mi-janvier dans le meilleur des cas.
Un autre souci concerne l'avenir du laboratoire lui-même qui n'est pas adapté à l'accueil des Jeux olympiques, compte tenu du nombre de contrôles à effectuer. Il semble aujourd'hui acquis qu'un nouveau laboratoire va devoir être construit dont le coût est estimé à entre 5 et 10 millions d'euros. On ne peut que saluer la volonté de partenariat avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et la probable localisation à Saclay, qui pourraient permettre l'émergence d'un cluster consacré à la lutte antidopage.
Un mot enfin des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) dont le transfert aux régions a été prévu par l'article 28 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation de la République. Nous sommes attachés à ce que le transfert de ces équipements s'accompagne des moyens correspondants et nous ne pouvons que nous satisfaire, de ce fait, que la subvention concernant la rémunération des personnels augmente en 2018, pour atteindre 52,66 millions d'euros afin de tenir compte des mesures salariales et que la subvention de fonctionnement soit stable à 4,83 millions d'euros.
J'en viens maintenant à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Je crois que nous sommes tous ici heureux du fait que la capitale et de nombreux territoires d'Ile-de-France (Seine-Saint-Denis, Yvelines) et en région (Marseille) aient été choisis pour organiser cet événement. Depuis quelques jours, nous savons que ce rendez-vous universel sera précédé par la coupe du monde de rugby, qui sera organisée en France en 2023.
Nous nous apprêtons donc à vivre des moments exceptionnels et même uniques si l'on se souvient que les derniers Jeux d'été ont été organisés en 1924 déjà à Paris et que les derniers Jeux d'hiver remontent déjà à 1992, il y a 25 ans ! Autant dire que la France ne peut pas manquer son rendez-vous avec le monde.
Il reste seulement six ans pour organiser les Jeux et surtout préparer nos athlètes afin qu'ils y soient performants. D'où l'importance des débats budgétaires de la période qui s'ouvre comme outil d'une dynamique collective allant du sport pour tous à la préparation olympique stricto sensu.
Même si notre commission est attachée au fait que les finances publiques doivent être protégées de tout accident financier tel que la Grèce a pu en connaître avec les Jeux d'Athènes, je crois que chacun d'entre nous est bien conscient qu'un événement exceptionnel doit bénéficier de moyens exceptionnels. D'où l'impérieuse nécessité de voir ceux-ci rapidement estimés et programmés en vue de leur mobilisation.
Nous avons interrogé la ministre sur le calendrier de mise en oeuvre du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJO) et nous savons maintenant que celui-ci devrait être opérationnel début 2018. Ce ne sont pas les dépenses du COJO qui nous inquiètent car ce dernier bénéficiera des contributions du Comité international olympique (CIO) pour 1,15 milliard d'euros et de la billetterie pour 1 milliard d'euros. Seule la prévision de recette des parrainages pour 1 milliard constitue un défi à relever.
Le vrai sujet concerne plutôt les infrastructures, qui doivent être livrées par un établissement public ad hoc, la SOLIDEO, créée par la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. Le budget de la SOLIDEO s'élève à plus de 3 milliards d'euros, répartis également entre le privé et le public dont un milliard à la charge de l'État. Une nouvelle ligne a été créée dans le budget, lors du débat à l'Assemblée nationale. Elle est dotée de 58 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 48 millions de crédits de paiement pour financer la SOLIDEO. 8 millions serviront aux dépenses de fonctionnement de l'établissement public et le reste au lancement des premières études pour les infrastructures.
À l'évidence, quelques incertitudes existent sur leur coût réel. L'estimation de 70 millions d'euros pour rénover le stade de France semble, par exemple, très en deçà de la vérité. Mais une chose est sûre, les moyens seront dégagés « coûte que coûte » et ce n'est qu'in fine que nous connaîtrons le coût réel des infrastructures nécessaires aux Jeux olympiques et paralympiques.
Ce qui m'inquiète ce n'est pas l'éventuelle hausse du coût des infrastructures qui devrait être limitée car l'essentiel des sites sont déjà construits, ce serait plutôt le manque de moyens pour accompagner nos athlètes. La ministre des sports nous a surtout fait part de ses intentions en ce domaine, notamment afin de renforcer la détection des sportifs à fort potentiel, mais pour l'heure aucun moyen nouveau n'apparaît.
Le cabinet de la ministre nous a indiqué, par exemple, qu'une hausse de 5 à 6 millions d'euros de l'enveloppe dédiée aux aides personnalisées serait nécessaire mais elle n'est pas aujourd'hui prévue dans le PLF.
Concernant les structures d'entraînement, le cas de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) est assez symptomatique : la subvention de l'État sera de 22,78 millions d'euros en 2018 contre 21 millions l'année dernière mais cette hausse s'explique surtout par des mesures salariales et ne comprend aucune mesure nouvelle pour tenir compte des Jeux olympiques (à l'exception de 100 000 euros pour l'installation du comité paralympique). Or les besoins sont importants.
À l'INSEP, par exemple, la restauration est aujourd'hui gérée par un partenariat public-privé (PPP) qui, selon le directeur de l'INSEP, ne tient pas compte des besoins spécifiques des sportifs de haut niveau. Il faudrait entre 5 et 6 millions d'euros pour rompre le contrat de PPP qui coure jusqu'en 2037 et réinternaliser cette prestation.
Autre exemple, alors que le nombre de médailles espéré a été fixé à 80, il manque un mur d'escalade à l'INSEP ainsi qu'un dojo pour le karaté, qui devient discipline olympique. Par ailleurs, il faudrait également une grande salle multisports pour le handball et le volley-ball. Ces trois équipements nécessiteraient à eux-seuls une enveloppe de 10 millions d'euros, selon la direction de l'INSEP.
Chacun comprend que les moyens vont augmenter progressivement, mais on ne peut partir de trop bas et un coup d'accélérateur sera nécessaire pour « élever notre niveau de jeu ».
Pour le Parlement, la situation n'est pas satisfaisante non plus car nous manquons en réalité de visibilité sur les efforts budgétaires à produire.
C'est pourquoi, au-delà de la loi olympique qui devrait être examinée en février prochain au Sénat, je souhaite proposer au Gouvernement de rapidement mettre en chantier une loi de programmation budgétaire pour préparer les Jeux olympiques et paralympiques sur la période 2019-2024 ainsi que la coupe du monde de rugby 2023. Une telle loi de programmation pourrait acter les moyens nécessaires à l'accompagnement des athlètes, au développement de l'INSEP, à la construction du nouveau laboratoire de l'AFLD ainsi, bien entendu, qu'aux infrastructures.
Une recette exceptionnelle pourrait utilement donner du corps à cette loi de programmation et il me semblerait à cet égard qu'une partie du produit des recettes de la vente de la Française des jeux - dont on nous dit qu'elle devrait intervenir prochainement - pourrait judicieusement être affectée à la préparation de nos athlètes.
En conclusion, comme je l'ai indiqué, le budget qui nous est présenté est en réalité quasiment stable compte tenu des ajustements annoncés dans le collectif budgétaire de fin d'année. Il nous faut maintenant faire preuve de plus d'ambition budgétaire pour garantir que les Jeux olympiques et paralympiques seront un succès.
Afin d'encourager la ministre des sports à donner encore plus de moyens à ses ambitions je vous proposerai de donner un avis favorable aux crédits du sport dans la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».