Intervention de Jacques-Bernard Magner

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 novembre 2017 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « sport jeunesse et vie associative » - crédits « sport » et « jeunesse et vie associative » - examen du rapport pour avis

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits Jeunesse et vie associative :

Trois éléments caractérisent les crédits consacrés au programme 163 « Jeunesse et vie associative » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 : la poursuite de l'effort financier en matière de service civique ; la reconduction des crédits en faveur des actions 1 et 2 hors réserve parlementaire ; la fin de la réserve parlementaire qui a une conséquence non négligeable sur les crédits à la disposition des associations.

Je commencerai par l'aspect le plus positif, la volonté du nouveau Gouvernement de soutenir le développement du service civique. L'objectif fixé pour 2018 est de permettre à 150 000 jeunes d'exercer une mission de service civique et 446,7 millions d'euros y sont consacrés. Certes, le Gouvernement actuel reste prudent sur ses objectifs à moyen terme. Mais, l'utilité du service civique est reconnue et il reste une des politiques « phare » en direction de la jeunesse.

En revanche, je serai plus critique sur la promesse de campagne du candidat Macron d'établir un service universel national. Mes inquiétudes sont de deux ordres.

D'une part, le coût d'un tel dispositif : compte tenu du nombre de jeunes impliqués (600 000 à 800 000) et de la durée du service prévu - un mois -, cette mesure a vocation à coûter plusieurs milliards d'euros.

D'autre part, les objectifs poursuivis par cette disposition me paraissent trop nombreux pour rendre le projet cohérent. Je les rappelle brièvement : donner aux jeunes Français une formation militaire (même si cet objectif semble désormais abandonné sous la pression des armées) ; leur apprendre les gestes qui sauvent et la conduite à tenir en cas de catastrophe naturelle ou d'attaque terroriste ; faire un bilan de l'état de santé de chacun ; détecter les difficultés scolaires, notamment l'illettrisme ; fortifier l'engagement citoyen à travers une expérience de la vie en collectivité ; enfin, aider les jeunes à préparer leur entrée dans la vie professionnelle.

Non seulement ce projet ne me paraît pas abouti, mais il me semble redondant par rapport à certaines initiatives telles que la journée de défense et de citoyenneté qui intègre déjà certains objectifs mentionnés précédemment. Il n'est donc pas besoin de créer une telle « usine à gaz » qui coûterait très cher.

La deuxième caractéristique du programme 163 pour 2018 est la reconduction des crédits en faveur de l'action 1 « Développement de la vie associative » pour 23,3 millions d'euros et de l'action 2 « Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire » - pour 69,7 millions d'euros - hors réserve parlementaire. Il me paraît important de souligner que, si on prend en compte la réserve parlementaire dont ces actions bénéficiaient chaque année, ces crédits sont en baisse notable. À périmètre constant, les crédits diminuent de 2,4 % pour l'action 2 et même de près de 30 % pour l'action 1.

Je rappelle que dans le projet de loi de finances pour 2017, le montant total de la réserve parlementaire s'élevait à 146 millions d'euros, dont 60 millions d'euros pour les associations et fondations. Uniquement sur le programme 163, le montant de la réserve parlementaire a plus que doublé sur la période 2014/2017. Il atteignait 9,7 millions d'euros en 2017.

Le projet de loi de finances pour 2018 ne prévoyait pas initialement de compensation des crédits alloués au titre de la réserve parlementaire. Néanmoins, devant l'émoi suscité par sa suppression « sèche », un amendement du Gouvernement a été adopté à l'Assemblée nationale afin d'abonder, à hauteur de 25 millions d'euros supplémentaires, le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), financé par le programme 163. Je ne peux que me féliciter de cet amendement gouvernemental. Toutefois, les 25 millions d'euros supplémentaires ne compensent que partiellement les 60 millions d'euros de baisse de subventions qui affecte toujours le milieu associatif.

D'une manière générale, en ce début de quinquennat, les mesures affectant de manière négative les associations s'accumulent. La plus emblématique - et certainement la plus douloureuse - fut le changement brutal de politique décidé par le Gouvernement en juillet dernier concernant les contrats aidés.

Dans la plupart des gouvernements précédents, le plafond de contrats aidés décidé en loi de finances initiale a toujours été dépassé en cours d'année. L'année 2017 n'a pas fait exception et 70 % de la dotation étaient déjà consommés au 30 juin 2017. Le nouveau Gouvernement a certes dégagé des crédits supplémentaires, mais il a fixé un nouveau plafond - entre 310 000 et 320 000 - largement inférieur aux 400 000 contrats aidés enregistrés les années précédentes. En outre, il a durci les critères d'attribution. Par conséquent, de nombreuses personnes, dont le renouvellement du contrat pour 2017 avait été considéré comme acquis, ont dû être licenciées. Outre l'aspect humain, le non renouvellement brutal des contrats aidés a désorganisé l'activité de nombreuses associations et remet même en cause la pérennité des plus petites et donc des plus fragiles financièrement, qui ont proportionnellement plus recours aux emplois aidés.

Je remercie donc la présidente d'avoir appuyé la demande de mission d'information que j'avais formulée sur l'impact de la réduction des contrats aidés sur le secteur associatif et que je vais réaliser avec notre collègue Alain Dufaut.

Dans le projet de loi de finances pour 2018, seuls 200 000 contrats aidés sont prévus, avec un taux de prise en charge par l'État qui passe de 72,5 % à 50 %, tandis que les emplois d'avenir sont supprimés. Pourtant, l'actuel Gouvernement ne pourra pas s'exonérer d'une réflexion sur le financement d'activités reconnues utiles au niveau social mais qui ne peuvent être rentables économiquement sous peine d'être réservées à une minorité. À cet égard, le secteur social, médico-social et sanitaire privé non lucratif est particulièrement représentatif. Dans ce secteur, la pression des prescripteurs - Agence régionale de la santé, État, collectivités territoriales - sur les coûts est telle que les associations sont incapables d'équilibrer leurs comptes sans avoir recours à des emplois en partie subventionnés. Parallèlement, il existe une vraie attente de la part des Français de voir ces métiers, dont l'utilité sociale est incontestée, exercés par du personnel formé. Mais la qualité a un coût ! Tant que l'État ne sera pas disposé à l'assumer, les associations - je pourrais dire la même chose pour les collectivités territoriales - seront confrontées au dilemme suivant : réduire les services proposés, ou les faire exercer par un personnel peu rémunéré. Il est donc temps de reconnaître que la plupart des contrats aidés du secteur non marchand répondent à une demande sociale qu'il conviendrait surtout de financer correctement. C'est d'ailleurs ce que fait le Gouvernement en matière d'accompagnement des élèves handicapés, à travers la transformation d'un peu plus de 6 000 contrats aidés en « contrats d'accompagnement d'élèves en situation de handicap ».

Au-delà de la suppression des contrats aidés, d'autres mesures figurant dans le projet de loi de finances pour 2018 risquent de mettre à mal le modèle économique des associations. C'est le cas de la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune, remplacé par un impôt sur la fortune immobilière (IFI). En réduisant fortement la base d'imposition de ce nouvel impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et surtout pour les patrimoines les plus élevés, cette réforme risque d'avoir un impact négatif sur le montant des dons. La diminution structurelle des concours financiers de l'État en direction des collectivités territoriales a également un impact négatif sur les associations.

On comprend donc que le milieu associatif soit particulièrement prudent au regard de la politique du nouveau Gouvernement le concernant. Le 9 novembre dernier, le Premier ministre a présenté son plan de développement pour la vie associative. Cette intervention avait surtout vocation à rassurer les associations sur les intentions du Gouvernement, en mettant en avant le compte d'engagement citoyen, le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires ainsi que la baisse des cotisations salariales qui remplacera le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) à partir de 2019 et touchera donc toutes les associations employeuses. Pour autant, peu de mesures concrètes ont été annoncées et le Premier ministre a renvoyé à mars 2018, date à laquelle devrait être présenté par le Haut conseil à la vie associative, un plan d'action pour la vie associative.

En ce début de quinquennat, il me paraît important d'affirmer que la reconnaissance du secteur associatif, de l'engagement de ses bénévoles et du travail fourni - qui constitue une véritable plus-value sociale - devra se traduire par une valorisation du bénévolat et des financements, notamment au service de la capacité d'innovation sociale des associations. Ces dernières ont également besoin d'une meilleure visibilité, ce qui passe à la fois par des mesures pérennes et qui ne créent pas de complexité supplémentaire.

En conclusion, et compte tenu du contexte budgétaire très contraint, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la jeunesse et de la vie associative. En effet, en dépit des critiques que j'ai pu émettre sur la politique gouvernementale, le budget de la mission jeunesse et vie associative poursuit - à l'exception notable des contrats aidés, mais ils ne figurent pas dans le programme 163 - la politique engagée au cours de la législature précédente. Néanmoins, je reste prudent sur la stratégie du Gouvernement pour soutenir et encourager la vie associative à moyen terme et attends avec impatience les mesures concrètes qui seront annoncées au premier trimestre 2018.

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