Intervention de Claude Kern

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 novembre 2017 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « action extérieure de l'état » - examen du rapport pour avis - contrat d'objectifs et de moyens entre l'état et campus france pour la période 2017-2020 - communication - examen de l'avis

Photo de Claude KernClaude Kern, rapporteur pour avis :

Notre examen porte sur les crédits affectés à la diplomatie culturelle et d'influence de la France qui sont regroupés au sein de l'un des quatre programmes de la mission « Action extérieure de l'État ». Ce programme 185 représente près d'un quart des crédits de la mission. Dans ce programme 185, j'ai concentré mon étude sur les crédits qui financent notre réseau d'action culturelle, notre réseau d'enseignement français et en français et notre politique de promotion des études et de la recherche en France.

Les crédits du programme 185 ont été les grands sacrifiés du précédent quinquennat : de plus de 750 millions d'euros en 2012, ils sont tombés à moins de 685 millions d'euros cinq ans plus tard. Pour 2018, les crédits se stabilisent, mais à un niveau très bas, laissant les opérateurs de ce programme dans une situation de grande pénurie et d'inquiétude sur leurs missions.

L'Institut français et les alliances françaises obtiennent pour 2018, grosso modo, le maintien de leurs crédits. Doit-on s'en réjouir ? Oui, si l'on considère que c'est la première fois depuis sa création en 2010 que l'Institut français ne voit pas ses crédits diminuer ... mais non lorsque l'on constate que nos moyens ne sont plus du tout à la hauteur de nos ambitions dans le monde, qu'après ce « quinquennat meurtrier » ils ne remontent pas pour autant et que, malgré la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens (COM), l'Institut ne dispose toujours d'aucune visibilité budgétaire.

Quant aux alliances françaises, elles sont certes largement autofinancées mais certaines petites alliances risquent de pâtir de la suppression de la réserve parlementaire qui représentait près de 500 000 euros pour le réseau et qui ne sont pas compensés. J'ajoute que la situation financière et judiciaire de la Fondation Alliance française est actuellement préoccupante.

Je dois reconnaître qu'en examinant notre réseau culturel avec l'oeil du néophyte, je me suis tout d'abord interrogé sur la pertinence du double réseau qui est le nôtre pour mener des actions culturelles à l'étranger et y dispenser des cours de français : d'un côté, 124 instituts français pilotés par le ministère, avec l'appui de l'Institut français, et de l'autre, 825 alliances françaises, chapeautées par la Fondation Alliance française. Dans la très grande majorité des cas il n'y a pas de « doublons » (sauf peut-être à Madrid ou à Pékin) et les réseaux sont géographiquement complémentaires. Mais animer deux réseaux, faire connaître deux « marques », développer des outils distincts, ce n'est spontanément ce que je jugerais le plus efficace. Le Président Macron a annoncé qu'il avait confié à M. Pierre Vimont une mission sur le rapprochement des deux réseaux, c'est courageux mais la tâche sera difficile. Nous devrons rester très attentifs dans les prochains mois à ce que le rapprochement qui nous sera éventuellement proposé n'aboutisse pas à « casser ce qui fonctionne ».

Les crédits de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) sont également stables en apparence. Mais ils sont passés de 420 millions d'euros en 2012 à 340 millions d'euros en 2017, en raison, notamment, d'une annulation de crédits de 33 millions d'euros opérée cet été. L'AEFE connait ce fameux « effet de ciseaux » entre charges et ressources qui aboutit, in fine, pour ne pas renoncer à la qualité de l'enseignement, à l'augmentation des frais annuels de scolarité, passés, en 2012, de 4 000 euros en moyenne à 5 000 euros quatre ans plus tard. Le Président de la République a annoncé, le 2 octobre dernier, que les moyens de l'AEFE seraient sanctuarisés, nous y serons attentifs.

S'agissant de Campus France, le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui nous est soumis est succinct, assez peu ambitieux, il tire un bilan plus que rapide du précédent COM et ne dit rien sur les moyens de l'opérateur ; or nous savons pertinemment que ces moyens sont insuffisants. Le budget de Campus France reste stable cette année alors que la mobilité étudiante mondiale explose et qu'elle rapporte chaque année près de deux milliards d'euros nets à la France. Quant aux bourses « d'attractivité », leur montant a été divisé par deux en dix ans alors que, pendant le même temps, l'Allemagne augmentait les siennes de 6 % par an. Et pourtant, malgré toutes les faiblesses de ce projet de COM, je vous propose d'émettre un avis favorable. Campus France est, en dépit de contraintes budgétaires fortes, un établissement dynamique, qui a de belles réussites à son actif comme France Alumni et qui accomplit un travail remarquable pour attirer les étudiants étrangers ; je ne voudrais pas qu'un avis défavorable décourage ses personnels.

Les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2018 pour l'action culturelle extérieure sont loin de déclencher chez moi un enthousiasme débordant et je suis véritablement inquiet pour la pérennité de notre influence dans le monde. Chaque année du précédent quinquennat, notre commission a alerté le Gouvernement sur cette situation, rien n'y a fait. Cette année, certes, les moyens ne baissent plus, mais ils ne se redressent pas non plus : le Gouvernement nous propose de laisser les opérateurs dans leur état actuel de pénurie. Nous avons tenu hier soir, à l'initiative de notre présidente, un très intéressant débat en séance publique sur l'avenir de l'Institut français et plus généralement sur la diplomatie d'influence de la France. Le ministre s'est montré à l'écoute et nous a dit : « message reçu ». Je vous propose donc de lui faire confiance et d'émettre un avis favorable sans enthousiasme et assorti de moult réserves sur les crédits du programme 185. Restons vigilants !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion