Intervention de Françoise Nyssen

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 novembre 2017 à 15h10
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « culture » - Audition de Mme Françoise Nyssen ministre de la culture

Françoise Nyssen, ministre :

Jean-Michel Blanquer et moi sommes d'accord sur l'éducation nationale artistique et culturelle. Il faut changer l'acronyme. Nous préférons parler de transmission artistique et culturelle, ou « TAC », plutôt que d'« EAC ».

Il faut de la clarté et de la cohérence dans le pilotage des crédits, d'où le choix d'un regroupement au sein du programme 224. Nous avons évalué que les opérateurs consacraient 30 millions d'euros à l'éducation artistique et culturelle.

Les ateliers de fabrique artistique sont des structures essentielles sur l'ensemble du territoire. Souvent mis en place dans des friches industrielles ou agricoles sur l'initiative d'artistes pour construire des espaces de travail, promouvoir les solidarités sociales et les transversalités artistiques, ils font vivre des espaces délaissés et contribuent au renouvellement durable de la création. Ils jouent surtout un rôle important en matière d'émergence d'artistes, d'animation territoriale et de lien social. À chaque déplacement, je demande à aller à la rencontre de collectifs de ce type, qui constituent un complément aux labels nationaux de création artistique. En 2018, 1,67 million d'euros de crédits vont du programme 131 « Création » vers le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Il ne s'agit nullement d'une suppression. Au contraire, je suis très attachée au rôle de ces structures dans nos territoires !

La contractualisation est effectivement la base. Les conventions entre l'État et les collectivités locales en faveur de la culture sont extrêmement nombreuses et diverses. Nous avons des conventions généralistes : contrats de plan, contrats de ville, contrats de ruralité... Mais il y a aussi des conventions propres au champ culturel : contrats « territoire-lecture », contrats locaux d'éducation artistique, villes et pays d'art et d'histoire, pactes et conventions de développement culturel... À l'heure actuelle, 1 000 conventions de ce type sont recensées dans le secteur culturel. Des réflexions sont engagées dans le cadre du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), en lien avec les associations d'élus. Nous proposons de maintenir la diversité des conventions et de rénover les conventions généralistes en en créant une nouvelle génération, avec un socle commun et une clause de solidarité, pour ancrer le dispositif dans la durée.

Avec le ministère de l'éducation nationale, nous travaillons dans le même état d'esprit. Nous rêvons - je pense que nous atteindrons cet objectif - d'introduire de la pratique artistique et culturelle dans les programmes. J'ai évoqué les jumelages et les partenariats, dont j'ai encore récemment discuté avec Jean-Michel Blanquer. Il y aussi des réunions interministérielles consacrées au plan Dauge pour les petites communes.

Nous avons remis en place le Haut Conseil pour l'éducation artistique et culturelle et nous allons travailler sur la formation des intervenants.

D'un point de vue sémantique, je préfère l'expression de « passeport culturel », à celle de « pass culture ». En effet, il est très symbolique de marquer l'entrée dans l'âge adulte de la citoyenneté, après un parcours d'éducation artistique et culturelle, par un « passeport culturel ». Cela apparaîtra comme une évidence. L'ensemble des acteurs publics et privés, associations d'élus, responsables de la vie culturelle dans nos territoires voudront être associés à cette démarche innovante. Nous avons mobilisé notre collègue Mounir Mahjoubi et des start-ups pour travailler sur l'outil. Il y a un pilote dans ce projet, et les idées bouillonnent. Les jeunes doivent être associés. D'ailleurs, ils sont ravis et attendent beaucoup de cette mesure. Il faut introduire dans le Pass culture l'idée de l'accès à la pratique d'un art et de la découverte de la vie culturelle, y compris pour ceux qui en sont le plus éloignés. On peut aussi réfléchir à des possibilités de mobilité, même si la question du financement se pose. Face à ce bouillonnement, il y aura une première réunion de partage en décembre.

La première dotation pour déployer cette expérimentation, qui sera en place à la rentrée prochaine, est de 5 millions d'euros. Les discussions sur le financement s'engageront dès la semaine prochaine avec les partenaires potentiels. Nous réfléchissons aussi sur les efforts tarifaires des établissements. Nous reviendrons vers vous dès que nous aurons un peu avancé. L'important est que le processus soit lancé et suscite l'enthousiasme des jeunes. Les choses avancent bien.

Je souhaite que les questions liées au statut des professeurs des écoles nationales d'art et à celui des professeurs d'enseignement artistique fassent l'objet d'un projet commun. Les discussions avec France urbaine et l'Association des maires de France sur le coût de la réforme sont en cours.

Le rapport de Roch-Olivier Maistre sur le projet de « Maison commune de la musique », rendu public le 15 novembre dernier, est disponible sur internet. Je souscris à son analyse de la filière musicale et de ses principaux enjeux, comme la connaissance des secteurs, l'appui à l'international, le soutien à la diversité de la création musicale et le soutien aux opérateurs de festivals... Le rapport propose la création d'un centre national de la musique, projet pertinent, demandé depuis longtemps mais jamais réalisé. Il y a une convergence entre la musique enregistrée et le spectacle vivant.

Nous avons également consulté les associations du secteur musical. L'ensemble des organisations syndicales et autres parties prenantes ont réagi extrêmement positivement à ce rapport. Le secteur de la musique classique contemporaine doit être soutenu. Lorsqu'on veut avancer, on crée nécessairement des angoisses tant que les mesures ne sont pas annoncées. L'angoisse est désormais retombée. Ce rapport, clair, d'une grande qualité, prône une politique ambitieuse de la musique. L'État doit jouer un rôle stratégique, prescripteur, garant de l'intérêt général, dans la politique musicale. Et il joue aussi un rôle au travers de ses structures déconcentrées. Le rapport propose un visage unique pour incarner la politique musicale au sein du ministère. Nos priorités sont le soutien à la création musicale, la diffusion et le rayonnement national et international, la pratique artistique et l'éducation artistique et culturelle. Cela passe aussi par le partage de la valeur à l'ère du numérique, sujet capital que nous avons évoqué hier à la réunion des ministres européens de la culture et de l'éducation.

Je suis très attentive à la concentration dans le secteur du spectacle vivant ou de la musique enregistrée. Nous avons lancé une étude : certains grands festivals captent les artistes, qui ne peuvent plus se rendre dans les plus petits festivals. Différents dispositifs ont déjà été mis en oeuvre, notamment pour les TPE ou les PME où souvent la création est émergente. Je connais très bien ce sujet. Le phénomène de concentration menace la diversité culturelle ; c'est un vrai danger, et nous devons trouver des solutions.

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