Un budget, c’est une arithmétique, mais c’est d’abord une politique. C’est vrai de ce budget comme des autres, et même de ce budget plus que des autres. En effet, il s’agit du premier budget de ce gouvernement, donc du plus important. C’est un point de départ qui va déterminer la trajectoire économique, financière et politique du quinquennat. C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur le Sénat pour l’examiner sur le fond, avec cet esprit de responsabilité qui est notre marque de fabrique, sans complaisance – comptez sur nous §–, mais aussi, bien entendu, sans manque d’objectivité.
L’objectivité doit nous permettre de reconnaître – nous l’avons fait – que nous nous trouvons devant un budget sincère, contrairement à celui qui nous avait été présenté l’an passé et que nous avions dénoncé. Elle nous conduira à reconnaître les mesures qui vont dans le bon sens et que nous pourrons voter, à l’instar d’un certain nombre de missions budgétaires.
Pour être objectif, il faut pouvoir juger et apprécier un budget avec des critères. Je vous en propose deux, qui me semblent être les critères principaux.
Premièrement, ce budget apporte-t-il des réponses à la hauteur de la situation de la France ?
Deuxièmement, ce budget est-il à la hauteur de ce qu’en dit le Président de la République ? Est-ce un budget de transformation ?
Pour ce qui concerne les réponses du budget, il faut savoir que la France supporte aujourd’hui deux énormes handicaps, que résume finalement l’expression « déficits jumeaux » : le déficit budgétaire et le déficit commercial. Je vais les évoquer successivement.
Que dit le budget sur le déficit budgétaire ? Quelles solutions y apporte-t-il ?
Voilà quelques mois, j’entendais le Premier ministre s’exprimant à cette même tribune évoquer les habitudes budgétaires de la France et parler d’« une addiction française ». Mettez-vous fin à cette addiction ? Non !
Le déficit de l’État va augmenter. La dépense publique va augmenter. Certes, comme nous l’avons dit ce matin, vous n’êtes pas comptable de la dérive de la masse salariale, mais vous êtes comptable des efforts que vous pourriez faire et que vous ne faites pas, notamment en matière d’économies sur les postes de la fonction publique de l’État. Or on ne compte que 324 postes en moins.
Cette situation aura des conséquences. Nous sommes le premier pays européen dont le ratio d’endettement ne baissera pas, ainsi que M. le président de la commission l’a dit tout à l’heure. Nous sommes, avec l’Espagne, l’autre pays européen qui apparaît toujours sur le radar de la procédure de déficit excessif. La Grèce ne fait plus l’objet de cette procédure depuis septembre dernier…
Enfin, nous venons hier de faire l’objet de remontrances, d’un coup de semonce de la Commission européenne, qui a du mal à croire à la confirmation de vos hypothèses.
Votre volonté de mettre fin à la dérive de la dépense publique, qui est un mal français, pose donc problème.
Le déficit commercial, quant à lui, exprime, mois après mois, la dégringolade de la compétitivité française, de « l’entreprise France ». Quelles solutions y apporte le budget ? Aucune, puisque, en 2018, les entreprises devront supporter plus de 3 milliards d’euros – et plus encore – de charges supplémentaires. Vous allez même en faire des collecteurs d’impôts, avec la retenue à la source.
Albéric de Montgolfier a proposé d’autres formules, plus contemporaines. On peut à la fois être moderne et ne pas peser sur les entreprises avec des tracasseries administratives. Vous avez préféré la CSG à la TVA, qui était la seule façon de taxer les produits chinois, …