Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 23 novembre 2017 à 15h00
Loi de finances pour 2018 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Encore faut-il se poser les bonnes questions : construire quoi, construire où et à quel coût ?

Ce n’est pourtant pas du tout ainsi que le Gouvernement aborde le problème. Certes, il affiche un discours volontariste, nous parle de réforme structurelle et de choc d’offre, mais je ne vois, dans ce PLF, que des mesures de rendement budgétaire.

Ayant dit cela, monsieur le secrétaire d’État, je ne plaide pas pour une augmentation sans fin des moyens destinés à la politique du logement, car j’ai bien conscience que les résultats ne sont pas à la hauteur des 40 milliards d’euros que nous y consacrons. Mais je ne crois pas non plus que la nécessaire réduction de la dépense publique, sans réforme structurelle préalable, sans vision d’ensemble, soit la bonne solution. Or c’est ce que vous faites dans ce PLF, à travers l’article 52, mais pas seulement.

Vous supprimez l’impôt de solidarité sur la fortune pour ne conserver qu’un impôt sur la fortune immobilière, qui touchera les seules classes moyennes et classes moyennes supérieures et pas les grandes fortunes.

Vous supprimez la taxe d’habitation pour ne conserver que la taxe foncière, laquelle restera la variable d’ajustement des budgets communaux.

Vous supprimez l’aide aux maires bâtisseurs – elle n’était pas très élevée, mais elle existait.

Vous recentrez le dispositif Pinel et celui du PTZ.

Vous supprimez la prime d’État pour les titulaires d’un plan d’épargne logement.

Vous supprimez l’APL-accession, alors que, dans le même temps, vous souhaitez voir la vente d’HLM atteindre 40 000 logements par an – j’ai un peu de mal à comprendre votre logique.

Vous taxez cette même vente d’HLM.

Vous abaissez à 50 millions d’euros la participation de l’État au FNAP, rompant la promesse d’une parité entre les moyens apportés par l’État et ceux des bailleurs sociaux.

Vous pérennisez le coup de rabot de 5 euros sur les APL, mesure inintelligente, selon le Président de la République, mais pérenne, puisqu’elle rapportera 400 millions d’euros en 2018.

Enfin, l’article 52 de ce PLF prévoit non pas un nouveau coup de rabot, le terme est trop faible, mais une extrême ponction de 1, 5 milliard d’euros sur les APL, doublée d’une baisse imposée des loyers, qui coûtera aux bailleurs sociaux près de 1, 7 milliard d’euros en raison des effets d’aubaine dont bénéficieront certains locataires.

Avec tout cela, monsieur le secrétaire d’État, vous pensez sérieusement déclencher un choc d’offre, trouver des investisseurs, publics ou privés – car il en faut pour construire – et mobiliser les collectivités territoriales très inquiètes pour leur dotation, pour leur autonomie budgétaire et en raison des emprunts qu’elles ont garantis ?

Vous aurez beau, dans un second temps, simplifier les normes et les procédures – ce que tout le monde réclame –, vous aurez beau engager une restructuration souhaitable des bailleurs sociaux, mais qui demandera du temps pour produire des effets, vous prenez le sérieux risque de donner un coup de frein au secteur du logement.

Qu’auront gagné l’économie française et le budget de l’État à retomber dans les mêmes erreurs, à retrouver la situation ayant suivi l’adoption de la loi ALUR de Mme Duflot ? N’avez-vous tout simplement pas mis la charrue devant les bœufs ? Il est encore temps de vous poser la question.

La politique du logement est un tout, une chaîne, dont la fragilisation d’un maillon fragilisera à coup sûr l’ensemble. Or ce maillon faible, dans ce PLF, c’est le logement social, avec 200 bailleurs qui pourraient se retrouver au tapis dès l’an prochain. Certains seront même, dès 2018, en autofinancement négatif, et beaucoup d’autres en autofinancement si faible qu’ils auront du mal à entretenir le parc existant.

Je connais bien la petite musique de fond, que l’on entend depuis longtemps à Bercy, selon laquelle les bailleurs sociaux sont assis sur un tas d’or et qu’on trouverait là une réserve de moyens disponibles. C’est oublier un peu vite, monsieur le secrétaire d’État, que tous les bailleurs ne sont pas dans la même situation : certains concentrent les publics allocataires de l’APL et seront donc particulièrement touchés par vos mesures ; quant aux « dodus dormants » – et il y en a –, ils ne sont pas majoritaires et se trouvent rarement en zone tendue.

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