Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il convient de replacer l’examen du projet de loi de finances pour 2018 dans un contexte économique, social et financier national, mais aussi international, notamment européen. L’Europe a renoué avec une phase de croissance plus soutenue, à hauteur de 2 % environ sur l’année 2017, mais ce chiffre est encore, en France, sensiblement inférieur à la moyenne de la zone euro. En revanche, notre endettement est nettement supérieur à la moyenne européenne, et ce ratio d’endettement, qui se rapproche des 100 % du PIB, ne pourra s’améliorer que très lentement au cours des prochaines années. En termes de déficit public et de balance du commerce extérieur, nous ne figurons pas non plus parmi les bons élèves de l’Europe.
Ce simple constat devrait conduire ceux qui ont gouverné ou soutenu les politiques menées au cours de la dernière décennie à la plus grande modestie, ainsi qu’à une certaine réserve, dans leurs critiques et leurs propositions.
Face à cette situation, notre pays doit diminuer son endettement et réduire en priorité les déficits budgétaires de l’État et des administrations sociales. Cet endettement est une véritable épée de Damoclès pesant sur nos finances publiques ; il pourrait nous plonger dans une crise budgétaire très grave si les taux d’intérêt venaient à remonter. La charge de la dette se situe déjà dans une fourchette de 40 milliards à 50 milliards d’euros par an, c’est-à-dire l’équivalent du budget de l’éducation nationale.
Dans le même temps, nous devons transformer notre économie et la rendre plus compétitive et créatrice d’emplois. En réduisant les charges sociales patronales et salariales et en allégeant la pression fiscale sur les agents économiques, nous permettrons aux entreprises de se développer par l’innovation et l’investissement. Ces mesures sont complétées par un programme de réformes sans précédent, engagées ou en préparation, qui portent sur les négociations sociales et le droit du travail, la formation professionnelle, l’apprentissage et l’indemnisation du chômage.
Simultanément, nous devons conserver des leviers pour améliorer le pouvoir d’achat des Français et renforcer la solidarité à l’égard des plus défavorisés. Cette équation est difficile, mais le pari est tenable, car le Gouvernement propose une rigueur budgétaire s’appuyant sur une maîtrise des dépenses – certes, celle-ci nous paraît encore insuffisante – et non sur une majoration des prélèvements obligatoires.
Cette ligne de conduite contribue au retour d’un climat de confiance avec les partenaires économiques, confiance qui est l’un des moteurs essentiels de notre attractivité, de l’investissement et du développement des entreprises. Selon un récent sondage – n’en déplaise aux grincheux –, jamais l’envie d’entreprendre dans notre pays n’aura été aussi forte et appréciée que depuis quelques mois.
Ce cycle vertueux et dynamique, il nous appartient de l’accompagner, en soutenant la politique budgétaire du Gouvernement et même en incitant ce dernier à améliorer ses performances, tout en conservant bien entendu la liberté d’amender certaines dispositions qui ne nous paraîtraient pas adaptées aux objectifs poursuivis.
Dans ce projet de loi de finances, le Gouvernement a fait des choix clairs, que l’on retrouve logiquement dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Il privilégie – donc, il augmente – les budgets de la défense, de la sécurité, de la santé, de la justice et de l’éducation, autant de priorités auxquelles on peut facilement adhérer. Parallèlement, il oriente les capitaux vers l’économie productive, en réformant l’ISF. Cette mesure, critiquée par des opposants de droite ou de gauche, pour des raisons d’ailleurs diamétralement opposées, remplace d’anciens dispositifs d’exonérations et de déductions fiscales complexes et peu lisibles. Si ce choix est contestable, il est assumé, et il semble quoi qu’il en soit préférable de privilégier l’activité et le travail par rapport à la rente.
Pour ce qui concerne les collectivités locales, je souhaite qu’un dialogue rénové permette une meilleure compréhension.
En 2018, l’enveloppe normée sera stable ; elle ne comporte donc pas de baisse de dotations. Quant à la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, elle sera neutre pour les collectivités ; elle leur assurera même une certaine liberté ou autonomie financière, dans la mesure où le taux voté donnera un produit qui sera entièrement perçu.
La technique du dégrèvement est rassurante. Néanmoins, rien ne nous garantit qu’elle sera conservée dans la durée. C’est là une source d’inquiétude à laquelle il conviendrait de répondre, les collectivités ayant besoin de visibilité s’agissant des méthodes adoptées pour les dispositifs de compensation – en la matière, elles ont par le passé été échaudées. Il s’agit bien, en l’occurrence, d’un dégrèvement, et non d’une compensation ; mais qui nous prouve qu’il s’agira toujours, en 2022, d’un dégrèvement ?
Concernant la maîtrise de l’évolution des dépenses des collectivités, le choix du périmètre semble judicieux ; la méthode de la contractualisation est la bonne, mais la base de négociation, c’est-à-dire l’évolution tendancielle des dépenses de fonctionnement, n’est pas acceptable. Vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, un objectif de 1, 2 % ; l’estimation du Sénat, qui donne un chiffre de 1, 9 %, est certainement plus proche de la réalité et plus conforme à la méthode qui a été utilisée pour le calcul analogue concernant l’État.
Par ailleurs, si l’on veut maintenir le niveau des services et les capacités d’investissement, la maîtrise des dépenses des collectivités passera par des réformes structurelles dans la répartition et la manière de gérer les compétences. Il faut redonner de la souplesse et plus de liberté aux élus, en réhabilitant le principe de subsidiarité, un peu abandonné depuis dix ans. Les réformes de la dernière décennie ont peut-être engendré, dans un certain nombre de cas au moins, davantage de surcoûts que d’économies, avec l’inconvénient supplémentaire d’éloigner la décision du citoyen.
Nos craintes portent également sur la politique du logement, qui, si elle n’est pas amendée, pourrait avoir des effets contraires aux objectifs poursuivis : le risque est d’accentuer les fractures territoriales au détriment des régions et des territoires les moins attractifs. Il conviendrait, a minima, d’améliorer l’atterrissage du dispositif Pinel et d’aborder avec plus de discernement le financement de la baisse des APL. Si certains opérateurs sociaux disposent de réserves significatives, d’autres risquent d’être fragilisés par l’assèchement de leurs capacités d’autofinancement et seront conduits à renoncer au lancement de nouveaux programmes.
Nous n’approuverons pas toutes les modifications votées par la commission des finances – je pense notamment à celles qui remettent en cause la ligne directrice de ce budget. Si, toutefois, nous souhaitons certaines inflexions, nous aborderons ce débat avec une appréciation d’ensemble positive à l’égard du projet présenté par le Gouvernement.