Intervention de Sophie Taillé-Polian

Réunion du 23 novembre 2017 à 15h00
Loi de finances pour 2018 — Article liminaire

Photo de Sophie Taillé-PolianSophie Taillé-Polian :

Le ton de mon intervention risque de dissoner par rapport à celui des précédents orateurs.

L’écart avec la trajectoire imposée que le TSCG autorise sur un seul exercice, vous l’utilisez, monsieur le secrétaire d’État, en supprimant l’ISF, en instaurant la PFU – mesures qui n’auront qu’un effet très incertain sur la croissance et l’emploi – et en menant une violente charge sur des politiques directement tournées vers les Français les plus modestes, comme l’emploi et le logement.

Dans ces conditions, on ne peut être que très inquiet pour le projet de budget pour 2019, qui devra à la fois transformer le CICE et rattraper le différentiel observé sur cet exercice par la Commission européenne. Il y aura donc de nouvelles très lourdes baisses de dépenses publiques. Elles seront subies, une fois de plus, par ceux qui ont pour seul capital le service public. Vous évoquez la société du risque ; il est sûr que les Français les plus modestes vont en subir les effets.

Plusieurs pays européens, plusieurs parlementaires ont demandé la révision du mode de calcul du fameux solde structurel, assez défavorable à la France. J’ai demandé au commissaire Pierre Moscovici, lors de son audition, où en était la Commission européenne sur cette question. Il nous a répondu que « les problèmes de soldes structurels ont fait l’objet de travaux qui n’ont pas été validés par les ministres des finances ». Il est vrai que nous n’avons pas entendu le Gouvernement sur ce dossier, pourtant essentiel pour respecter nos engagements européens, tout en préservant nos services publics et en répondant à l’urgence sociale. Mais cela, préserver nos services publics et répondre à l’urgence sociale, ne semble pas être votre problème.

À quoi sert un gouvernement de la zone euro si les règles actuelles étranglent l’action publique de l’État, vecteur majeur de redistribution ?

On le voit bien, même les meilleurs élèves de l’Europe subissent des crises politiques liées aux montées des nationalismes, lesquels sont exacerbés par la hausse des inégalités. Parce que la vertu d’un pays européen n’est pas mesurée par sa situation sociale, mais par un calcul baroque de solde structurel, dont tout le monde sait qu’il n’est que très théorique.

Pour conclure, je tiens à dire que vous avez utilisé les marges de manœuvre existant sur cet exercice pour favoriser les plus aisés au détriment des plus défavorisés, sans satisfaire pour autant la Commission ; vous n’avez pas renégocié le mode de calcul de ce fameux solde structurel ; vous n’avez pas cherché, et vous ne chercherez pas, à utiliser les flexibilités prévues par le TSCG, notamment la non-prise en compte dans le déficit des dépenses de défense.

Vous opposerez certainement à mes arguments le poids de la dette. Tous ici, vous parlez d’addiction à la dépense publique. Je pense surtout que notre société a une addiction à la pauvreté et au creusement des inégalités, ce dont, finalement, vous vous satisfaites.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion