Madame la présidente, madame la ministre chargée des affaires européennes, mes chers collègues, l’article 27 du présent projet de loi de finances traite du montant de la contribution de la France au budget européen pour l’année 2018. Le vote de cet article, même s’il est contraint, est l’occasion pour le Parlement d’apprécier chaque année la pertinence des priorités européennes mises en œuvre.
L’année 2018 s’inscrit dans un contexte particulier : le Brexit et les négociations en vue de son dénouement, l’arrivée à mi-parcours de la programmation 2014-2020, le contexte lié à la prénégociation du programme de l’après-2020.
Pour rappel, la France se plaçait en 2016 à la deuxième place des contributeurs nets en volume, après l’Allemagne. Notre pays était, dans le même temps, le troisième bénéficiaire en volume des dépenses européennes, après l’Espagne et l’Italie.
Ce budget de l’Union européenne bénéficie de manière très concrète à l’ensemble de nos territoires, ce qui n’est pas toujours correctement perçu par la population française, qui témoigne, comme la population d’autres pays européens, d’une certaine défiance à l’égard de l’Union. Je pense bien entendu à la politique agricole commune, qui contribue à garantir un revenu aux agriculteurs, concourt à l’aménagement de notre territoire et accompagne les efforts des agriculteurs vers la transition écologique. J’aurais pu également citer le Fonds européen pour les investissements stratégiques mis en place dans le cadre du plan Juncker, qui permet aujourd’hui de soutenir 57 projets sur l’ensemble du territoire, et dont la France est l’un des premiers bénéficiaires.
L’article 27 du projet de loi de finances pour 2018 évalue le montant de la contribution française à 20, 2 milliards d’euros, soit une hausse de 3, 8 milliards d’euros par rapport au montant qui devrait être effectivement payé en 2017. Cette progression s’explique essentiellement par la montée en charge des programmes de la politique de cohésion, après plusieurs années de sous exécution en début de programmation.
Le 18 novembre dernier, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord sur le budget, pour un montant légèrement inférieur à celui proposé par la Commission européenne.
Madame la ministre, dans la mesure où les crédits proposés dans le projet de loi de finances étaient fondés sur les chiffres de la Commission, le montant du prélèvement sur les recettes pour 2018 fera-t-il l’objet d’un ajustement à la baisse, comme cela était le cas pour les crédits prévus initialement au titre de l’année 2017 ?
L’année 2018 verra s’intensifier les négociations en vue de la programmation pour l’après-2020. À cet égard, un certain nombre de défis se posent à l’Union : comment combler la perte nette de recettes consécutive à la sortie du Royaume-Uni ? Comment financer de nouvelles priorités – la transition écologique, les enjeux migratoires ou la lutte contre le chômage des jeunes – sans sacrifier la politique agricole commune et la politique de cohésion ? Comment rééquilibrer le système de ressources propres ?
Depuis les années 1980, le budget européen dépend principalement des contributions des États membres. Or les budgets nationaux sont de plus en plus sous pression. Les États tentent de limiter leurs contributions au financement de l’Union, afin de réduire ce qu’ils considèrent comme un coût sur le budget national. C’est pourquoi il est urgent que l’Europe se dote de ressources propres.
Cette réforme du système des ressources propres doit être l’occasion de faire avancer l’harmonisation fiscale en Europe et de lutter contre la concurrence déloyale entre États membres qui, le scandale des « Paradise papers » nous l’a rappelé, prospère toujours.
Parmi les pistes en cours de discussion, le projet d’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés est certainement le plus ambitieux. Fondé sur le principe selon lequel « les impôts sont payés là où les bénéfices sont réalisés », il présenterait l’avantage d’accroître la justice fiscale, tandis qu’une part de son produit pourrait être affectée au budget de l’Union.
Des options plus pragmatiques, comme une taxe sur les chiffres d’affaires des grandes entreprises du numérique, les fameux GAFAM, doivent et peuvent être adoptées rapidement. Sur ces sujets, il importe en effet de progresser vite, car les attentes de nos concitoyens sont fortes. C’est une question de justice fiscale et sociale.
S’agissant des conséquences du Brexit, qui entraînera une perte de recettes d’environ 10 milliards d’euros nets par an, il nous faudra être vigilant sur la politique de cohésion. En effet, pour équilibrer le budget de l’Union, plusieurs pistes de réduction des dépenses sont à l’étude. Parmi elles, une baisse de 15 % à 30 % des crédits affectés à cette politique.
Cette politique est d’autant plus fragilisée que d’importants retards de mise en œuvre sont constatés dans tous les États membres, dont la France. La lourdeur des procédures de contrôle et d’audit semble y être pour beaucoup, mais aussi la prolongation du délai de mise en œuvre du dégagement d’office. Cette situation est dommageable pour les porteurs de projet, mais elle fait aussi peser un risque sur la bonne exécution du cadre financier.
Pourtant, la politique de cohésion constitue un lien essentiel entre l’Union européenne et les collectivités territoriales, y compris les plus pauvres et les plus isolées. À cet égard, la prise en compte de territoires homogènes au regard de leur richesse dans le cadre de la nomenclature des unités territoriales statistiques constitue un enjeu essentiel pour l’avenir.
Permettez-moi enfin d’insister sur le fait que le budget européen que nous voulons pour demain doit nous permettre de renforcer la vocation d’origine de l’Union, qui est d’assurer la prospérité, la solidarité et la lutte contre les inégalités. Il nous faut aussi donner à l’Union les moyens nécessaires pour être une puissance d’avenir, à la fois compétitive et capable de faire évoluer son modèle de développement. C’est à cette condition que l’on renforcera la souveraineté européenne garantissant la démocratie, la liberté et la paix.
En conclusion, pour revenir sur le seul aspect budgétaire, je recommande, au nom de la commission des finances, l’adoption sans modification de l’article 27 du projet de loi de finances pour 2018.