Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « La France est solidaire de l’Europe, quoi qu’elle fasse et quoi qu’elle veuille. Elle l’a été dans la souffrance, elle l’est dans son économie, elle le sera dans son destin. La France a une tâche européenne qu’elle ne peut éluder ». Je sais qu’il est de bon ton de citer Albert Camus, même si cela peut paraître un peu décalé, voire incongru, dans le cadre d’une discussion budgétaire.
Ces superbes mots de Camus, dont on oublie parfois qu’il fut un penseur incisif et visionnaire de l’Europe, ont été écrits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans une Europe exsangue qui venait de se déchirer comme jamais auparavant. Ils méritent, à mon sens, d’être rappelés aujourd’hui, à une époque où notre continent est traversé par de multiples crises et s’interroge sur son avenir, sa cohésion et le sens à donner encore aux mots de solidarité entre les peuples et les nations qui le composent.
Ces superbes mots de Camus ne sont sans doute pas si incongrus et inutiles à rappeler quand il s’agit de donner un peu de sens et de profondeur à l’article 27 du projet de loi de finances, dont le moins que l’on puisse dire est que sa formulation est des plus concises et des plus arides : 34 mots pour plus de 20 milliards d’euros engagés, ce qui fait environ 594 millions d’euros le mot ! §Ce n’est ni donné ni clair…
Je ne m’étendrai pas ici sur le mode de calcul un peu complexe de notre contribution annuelle au budget européen, d’abord, parce que les orateurs qui m’ont précédé l’ont fait avec brio, comme le feront aussi ceux qui me succéderont, et, ensuite, parce que cela contribuerait à éluder une partie pourtant essentielle du débat qui doit être attaché à la discussion de cet article : quelle Europe voulons-nous et de quels moyens sommes-nous prêts à nous doter pour y parvenir ? Mais, avant d’effleurer cette question, je voudrais procéder à un ou deux constats, qui résultent de la lecture strictement comptable de cet article.
Premier constat : la contribution de la France au budget de l’Union européenne augmente de 8 % par rapport à l’an passé, après avoir connu une baisse par rapport à l’exercice antérieur. Je m’en réjouis fortement, car, même s’il ne s’agit que de l’une des variables qui impactent le calcul de notre niveau de contribution, cela signifie que notre revenu national brut s’améliore et surtout que les données prévisionnelles de la Commission européenne qui fondent ce calcul témoignent d’une confiance retrouvée en notre économie, en tout cas en la sincérité de nos comptes.
Second constat : la France est, après l’Allemagne, le deuxième pays contributeur au budget de l’Union. Mais ce que ce projet de loi de finances – comme les précédents – ne peut malheureusement ni dire ni faire apparaître dans les recettes du budget de l’État, c’est que notre pays est aussi le troisième bénéficiaire en volume des aides accordées par l’Union.
Certes, et très formellement, la France reste un contributeur net d’environ 9 milliards d’euros. C’est le sens même de la solidarité entre nations et régions sur laquelle s’est fondée, puis a prospéré, l’Union européenne depuis sa création. C’est cette solidarité qui a aussi permis d’instaurer une paix durable au sein de l’Union, et il est bon aujourd’hui, je crois, de le rappeler.
En réponse à celles et ceux qui, à gauche comme à droite – surtout à l’Assemblée nationale, dont j’ai relu les travaux portant sur cet article –, entament aujourd’hui l’antienne thatchérienne du « I want my money back ! », il est bon aussi de rappeler que cette contribution nette de la France, qui les gêne tant, n’intègre naturellement pas les apports positifs du plan Juncker en matière d’investissements dans notre pays et moins encore la dynamique positive – évidente, mais plus difficile à chiffrer précisément – pour notre économie de notre appartenance à l’Union. Ceux qui doutent encore de cette dynamique n’ont qu’à se pencher sur ce qui commence à se passer de l’autre côté de la Manche depuis la décision de nos voisins britanniques de quitter l’Union.
Madame la ministre, précisément parce que la nature de la construction de notre budget national laisse à penser que l’Europe nous coûte beaucoup plus cher qu’elle nous rapporte, j’avais il y a quatre ans, dans un rapport sur la citoyenneté européenne commis pour le compte de notre belle commission des affaires européennes, …