Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la contribution française au budget de l’Union européenne est un moment fort du débat parlementaire consacré à l’Europe. Celui que nous menons aujourd’hui ne fait pas exception à la règle, et, à la lumière des éléments apportés par le rapporteur spécial de la commission des finances, le groupe Les Républicains votera en faveur du prélèvement sur recettes tel qu’il est proposé. Mais nos discussions revêtent cette année une dimension supplémentaire, puisqu’elles entrent en résonance avec le débat sur la refondation de l’Europe. En effet, la mue que l’Union européenne va devoir opérer ne saurait se satisfaire d’un statu quo budgétaire. Très clairement, le prochain cadre financier pluriannuel, dont les premiers contours seront présentés en mai 2018, devra faire face à d’importants défis.
Le premier d’entre eux est bien évidemment le Brexit. Au-delà des négociations sur la facture dont le Royaume-Uni devra bien sûr s’acquitter à son départ, le Brexit entraînera un manque à gagner d’environ 10 milliards d’euros par an pour le budget européen.
Par ailleurs, un certain consensus semble se dessiner sur la nécessité d’une action commune dans le domaine des « nouvelles priorités » que sont la défense, la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ou encore la gestion des frontières extérieures et des migrations. S’il faut à mon sens s’en féliciter, il n’en reste pas moins que les ambitions affichées devront se matérialiser par des niveaux de financement crédibles, comme cela est proposé, par exemple, dans le domaine de la défense via l’initiative d’un fonds européen spécifique.
Selon la Commission européenne, le besoin de financement découlant de ces priorités se chiffrerait à 10 milliards, voire à 15 milliards d’euros par an. Sans même évoquer la question des différents projets de budgets spécifiques à la zone euro ou celle des crédits accordés à d’autres objectifs politiques majeurs, ce serait donc, au bas mot, 20 milliards à 25 milliards d’euros annuels qu’il faudrait trouver. Si l’on s’en tient, comme cela me semble souhaitable, à l’impossibilité pour l’Union européenne d’émettre de la dette, la solution de cette équation ne peut donc passer que par deux leviers : d’une part, une réduction des dépenses et, d’autre part, une augmentation des recettes.
S’agissant des dépenses, permettez-moi tout d’abord d’insister sur la nécessité de leur passage en revue systématique à l’aune des principes de subsidiarité et d’efficacité. En effet, si l’Europe n’a pas vocation à régenter les détails de notre vie quotidienne, elle n’a pas non plus vocation à financer ce qui relève à l’évidence de l’action nationale, voire locale. La clarification que nous devrons mener sur la répartition des compétences entre l’Europe et les États membres devra ainsi trouver son corollaire au niveau budgétaire, en recentrant les financements communautaires sur l’ensemble des défis communs.
Chaque euro dépensé devra faire la preuve de sa valeur ajoutée, c’est-à-dire être investi dans des domaines et des projets pour lesquels l’action européenne n’est pas seulement appropriée, mais indispensable et, surtout, efficace. À cette fin, une « culture d’évaluation de la dépense » doit se faire jour au niveau européen, en miroir de l’évaluation législative désormais à l’œuvre. Mais nous devons également avoir à l’esprit que la réflexion sur les dépenses accentuera nécessairement la pression sur la politique de cohésion et la politique agricole commune, ces dernières représentant les deux tiers du budget. Si l’on souhaite préserver autant que possible leur financement – tout particulièrement celui de la PAC, à laquelle mon groupe est profondément attaché –, il faudra les faire évoluer.
S’agissant de l’augmentation prévisible du volet « recettes », si la composition de ce dernier n’est pas modifiée, c’est la ressource d’équilibre fondée sur le revenu national brut, dite ressource RNB, qui sera une nouvelle fois mobilisée pour faire face aux besoins financiers. Pour notre pays, contributeur net dont le prélèvement sur recettes représente tout de même le quatrième poste de dépenses de l’État, cela constituerait un effort supplémentaire non négligeable.
Dès lors, et même si je suis convaincu que le budget de l’Union européenne est bien plus qu’un simple jeu à somme nulle opposant des contributeurs à des bénéficiaires, il faudra à mon sens engager une réflexion sur la manière de prendre en compte la participation des contributeurs nets dans le calcul de leurs déficits publics. En effet, il serait pour le moins difficile de comprendre qu’une contribution française en hausse significative puisse éventuellement se traduire par des difficultés à respecter les critères du pacte de stabilité et de croissance.