La faute peut provoquer un accident.
La sécurité de la circulation est le premier argument avancé en faveur des véhicules robotisés. Dans le rôle de l'argument massue, un constat : 90 % au moins des accidents routiers sont imputables à des erreurs humaines, de part et d'autre de l'Atlantique. Remplaçons l'humain par un robot et les erreurs humaines disparaîtront ! Prise à la lettre, cette proposition est irréfutable. Encore faut-il apprécier correctement ses conséquences.
Tout d'abord, la robotisation n'est pas suffisamment poussée pour qu'une substitution immédiate permette de remplacer tous les chauffeurs dans tous les véhicules par tout temps et quelle que soit la route.
Ensuite, à défaut de commettre des erreurs humaines, les robots pourraient en commettre d'autres, tout aussi graves.
Enfin, lorsque le progrès de l'intelligence artificielle et des équipements aura permis cette substitution, nous connaîtrons une période de coexistence entre conducteurs humains et robots. Rien ne permet d'affirmer qu'elle sera totalement pacifique. Il est même probable qu'elle provoquera des accidents, puisque la communication entre capteurs implantés sur un véhicule et conducteurs humains d'une autre voiture n'a rien de simple. À ce jour, les véhicules autonomes essayés sur les voies de circulation n'ont guère occasionné d'accidents. Je rappelle notamment que l'accident mortel ayant impliqué une Tesla en mars 2016 sur une voie rapide aux États-Unis était imputable au fait que cette voiture était conduite comme si elle avait été entièrement autonome, alors que ce modèle assurait une assistance très poussée à la conduite, pas un dispositif robotisé.
Au demeurant, l'éventuelle maîtrise totale de tout le parc automobile par l'intelligence artificielle pourrait faire peser sur tous les usagers de la route une menace de cybersécurité à une échelle et avec des conséquences totalement inédites.
La perspective que je viens d'évoquer relève du long terme, mais les enjeux industriels sont déjà présents. En effet, les équipements nécessaires à la conduite automatisée peuvent apporter une assistance considérable aux conducteurs humains. Je ne mentionnerai que deux exemples. Tout d'abord, le régulateur de vitesse adaptatif équipe toujours plus de véhicules en circulation ; s'il était généralisé, il n'y aurait plus de carambolages ! Le même dispositif apportera un service identique à un véhicule autonome. Le deuxième exemple concerne un équipement qui existe dans les laboratoires, mais n'est pas encore utilisé. Il s'agit d'une caméra placée à l'avant d'un véhicule - notamment d'un camion ou d'un bus - dont l'image est transmise aux véhicules qui suivent. Ainsi, les conducteurs pourraient voir sur un écran ce qui se passe au-delà de leur champ de vision. Un robot qui dirigerait un véhicule bénéficierait tout autant d'une semblable liaison.
Il serait facile de multiplier les exemples illustrant un point capital : le véhicule autonome et connecté de demain sera fabriqué par ceux qui maîtrisent aujourd'hui les techniques d'assistance poussée à la conduite.
L'évolution vers la conduite totalement automatisée ira-t-elle ou non jusqu'à son terme le plus extrême ? L'avenir nous le dira, mais nous savons dès aujourd'hui que la partie industrielle sera jouée entre les acteurs qui auront imposé - très bientôt - la supériorité de leurs solutions.