Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 17 février 2010 à 14h30
Récidive criminelle — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Certes, chaque crime odieux suscite l’horreur et conduit à s’interroger sur les comportements humains, sur la capacité de la société à apporter des réponses, sur celle des pouvoirs publics à appliquer les lois.

Toutefois, répondre à l’émotion que suscite un tel crime par une nouvelle loi, c’est laisser croire que la loi aurait en elle-même la vertu d’apporter une réponse immédiate et qu’il suffit de la modifier pour régler les problèmes. Le législateur ne devrait pas l’accepter.

Les effets de la loi pénale sur les criminels dangereux ne peuvent être immédiats, sauf à croire que la menace empêche le crime. Il n’est donc pas possible de statuer aujourd’hui sur les effets des lois que nous avons votées depuis 2005.

On sait aussi – les études menées sur de longues périodes le montrent – que les évolutions de la délinquance et de la criminalité dépendent de multiples facteurs et que l’existence d’un lien direct avec la loi pénale est difficile à démontrer.

Ainsi, la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs a instauré le suivi socio-judiciaire, après la sortie de prison, avec possibilité d’injonction de soins pour les délinquants sexuels. Comment mesurer les effets de cette loi sur des criminels lourdement condamnés postérieurement à 1998 ? Cela n’a pas empêché le législateur de voter la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, créant la surveillance judiciaire des personnes dangereuses, la surveillance électronique mobile et le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAIS. Selon le rapport de la commission des lois, la surveillance judiciaire est peu appliquée.

La loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs prévoit des peines plancher et le suivi médical et psychiatrique des personnes condamnées, notamment pour des infractions de nature sexuelle. Elle a rendu obligatoire l’injonction de soins, alors que, comme le souligne la commission des affaires sociales dans son rapport pour avis, tous les délinquants sexuels ne sont pas susceptibles de traitement.

Vous signalez, madame la garde des sceaux, 14 000 condamnations de récidivistes à des peines égales à la peine plancher, sans d’ailleurs qu’il soit possible de savoir – et pour cause – à quelle peine ils auraient été condamnés en l’absence de peine plancher. Là aussi, quel recul pouvons-nous avoir sur l’application de la loi de 2007 ?

La loi du 25 février 2008 a instauré la surveillance et la rétention de sûreté. Le Gouvernement entendait, avec cette loi, afficher sa volonté de mettre la population à l’abri de récidivistes dangereux. Nous avons combattu, à l’époque, ce dispositif qui permet, au nom d’une dangerosité supposée, d’enfermer des gens sans qu’ils aient commis une nouvelle infraction. Outre qu’un tel dispositif est inconcevable au regard de notre droit, le Gouvernement voulait le rendre rétroactif. Le Conseil constitutionnel ayant censuré cette disposition, vous vous appuyez aujourd’hui sur sa décision pour revoir la loi.

Un meurtre horrible, celui de Mme Marie-Christine Hodeau, a été l’occasion d’inscrire à l’ordre du jour le présent projet de loi, afin de poursuivre dans la même voie, sans s’interroger sur l’applicabilité des lois.

Le nombre de personnes emprisonnées est en constante augmentation. En moins de trente ans, la population carcérale a doublé. Les peines de sûreté, les peines plancher ont allongé les durées de détention. Faute de personnel, le long temps de la prison n’est pas utilisé pour soigner et pour réinsérer. Francis Évrard, kidnappeur du petit Enis, a ainsi été enfermé pendant trente-deux ans sans être soigné ni suivi sur le plan psychiatrique ! Hélas, la loi pénitentiaire, dont l’application est restée loin des ambitions affichées, ne permettra pas de modifier la situation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion