… aggravée par le recours à la procédure accélérée ? Il s’agit là d’une récidive législative réitérée en dépit des injonctions !
Il est également significatif que l’expression « amoindrir la récidive » ait été utilisée par le Président de la République dans son courrier du 25 février 2008 missionnant M. Lamanda, quatre jours après la décision du Conseil constitutionnel censurant deux dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté, dont sa rétroactivité, contraire à un principe élémentaire de notre droit, comme l’avait d’ailleurs fort justement souligné la commission des lois.
Selon M. le rapporteur, dont nous saluons encore une fois le travail, le sens de l’humain et la capacité à amoindrir les excès de la majorité des députés, « le rapport Lamanda a suggéré de modifier sur certains points, d’ailleurs limités, la loi du 25 février 2008 […], afin d’en corriger les lacunes ou les insuffisances ». C’est dire les difficultés posées par des lois découlant d’affaires médiatiques.
Nous déplorons, une fois encore, la réaction législative à des faits divers médiatisés, suscitant à très juste titre l’indignation et l’exaspération de nos concitoyens ; mais ni les discours sécuritaires ni les lois sécuritaires ne résoudront les problèmes, et nous le savons tous. Je ne suis en effet pas convaincu que les analyses et les objectifs des uns et des autres soient très éloignés.
Ceux qui, voilà moins de trente ans, s’opposaient à l’abolition de la peine capitale, au motif qu’elle entraînerait une multiplication des crimes de sang, égaraient sciemment l’opinion ; ceux qui, aujourd’hui, soutiennent que l’alourdissement des peines freinera la récidive l’égarent tout autant.
Ces lois à répétition manifestent clairement une certaine défiance à l’égard des magistrats, qui n’appliqueraient pas la loi avec suffisamment de sévérité. Peines plancher, rétention de sûreté : il s’agit d’encadrer davantage leur pouvoir d’appréciation. Pour les gardes à vue, ne vous méfiez pas des avocats ! Pour les sanctions, ne vous méfiez pas des magistrats ! Quel triste constat, sinon, pour l’image de notre justice…
Le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale est inquiétant. Il faut reconnaître qu’il diffère de celui du Gouvernement. Avec un grand sens de la mesure et de la diplomatie, M. le rapporteur a estimé que certaines orientations « soulevaient des difficultés juridiques et pratiques ». Hommage lui soit rendu !
Nous savons tous qu’il ne faut point considérer la récidive comme un problème général, que l’apparition de la sanction résoudrait. Les formes de récidive sont en effet très diverses, c’est pourquoi l’individualisation des peines est indispensable.
Nous savons tous que le problème de l’irresponsabilité pénale pour maladie mentale n’est toujours pas correctement réglé : l’ancien article 64 a-t-il vraiment été amélioré ? C’est une question que l’on doit se poser aujourd’hui.
Nous savons tous que le meilleur moyen d’éviter la récidive à l’expiration d’une peine d’emprisonnement, c’est de préparer la sortie du détenu, surtout lorsque l’incarcération fut longue. Car le danger de la sortie, c’est aussi la solitude !
Protéger les victimes, éviter la récidive : ce sont des objectifs que nous partageons tous, sans aucun angélisme, en tant que responsables convaincus que la société doit se protéger des comportements délictuels.
Je me souviens des propos du rapporteur du projet de loi pénitentiaire sur la variabilité des taux de récidive selon le type d’établissement pénitentiaire.
Il est particulièrement regrettable que le présent projet de loi ne soit pas accompagné des études d’impact nécessaires, notamment sur les traitements hormonaux.
Toute récidive est une récidive de trop. Cela étant, raisonnons au-delà de l’affichage et du sensationnel : en moyenne, le taux de récidive est de 2, 5 % à 3 % pour les crimes – nous sommes d’accord pour dire que c’est beaucoup trop – et de 6, 5 % pour les délits, mais avec des différences considérables selon le type de délinquance. Marteler l’opinion publique avec la récidive criminelle, ce n’est pas de la politique pénale, c’est de la politique à usage médiatique, voire électoral.
Ne pas tenir compte du rapport de la Commission d’analyse et de suivi de la récidive, qui concluait que « l’essence de la peine est d’être aménagée », ce n’est pas choisir l’efficacité.
Oui, la récidive régresse lorsqu’il y a libération conditionnelle ; oui, elle régresse avec les peines alternatives à l’emprisonnement ; oui, elle régresse en fonction des conditions de détention ; oui, elle régresse grâce à un suivi socio-judiciaire. La surpopulation carcérale, souvent dénoncée à juste titre par M. le rapporteur, l’absence de préparation à la sortie : voilà des facteurs de récidive. Notre collègue Yves Détraigne, lors de la séance du 26 juillet 2007, avait précisément déclaré qu’« il faut en finir avec les sorties non préparées, c’est-à-dire les sorties sèches ».
Le rapport de M. Lecerf et celui, tout à fait admirable, de M. About contiennent des analyses pertinentes, humaines, correspondant à la réalité du terrain, témoignant d’une connaissance approfondie des problèmes. Mais nous estimons qu’il existe une certaine inadéquation entre ces analyses et les textes législatifs successifs.
Avant même que l’on ait eu le temps d’évaluer l’application des lois précédentes, l’Assemblée nationale a porté de un à deux ans renouvelables la durée de la surveillance de sûreté, abaissé de quinze à dix ans le quantum de peine prononcée permettant la surveillance de sûreté et de dix à sept ans le seuil de peine prononcée pour le placement sous surveillance judiciaire, le tout assorti d’un nouveau répertoire relatif aux expertises psychiatriques et de nouvelles obligations portant sur les fichiers existants. On n’attend même pas de voir comment le système fonctionne pour le modifier en fonction de l’affichage médiatique recherché.
Il s’agit là d’une dérive catastrophique ! Je vous remercie, madame le ministre d’État, des propos pertinents, et même indispensables, que vous avez tenus à la suite d’un récent fait divers concernant une personne âgée.
Vous l’avez noté, monsieur le rapporteur, une seule mesure de surveillance de sûreté a été prise à ce jour… Nous considérons que les dispositions législatives et réglementaires existantes permettaient dans une large mesure d’atteindre les objectifs en matière de lutte contre la récidive. Ce qui manque toujours, ce sont les moyens humains et matériels d’appliquer sur le terrain la loi pénitentiaire. Le rapport de M. Lecerf met à juste titre en exergue « l’absence de structures adaptées », en contradiction avec l’article 763-7, et même le manque de moyens dans les structures existantes. Il rappelle également la pénurie de psychiatres, la faiblesse du nombre de spécialistes formés à la prise en charge thérapeutique de la délinquance sexuelle, l’insuffisance du nombre de médecins traitants, le fait que quarante tribunaux de grande instance et dix-sept départements sont dépourvus de médecins coordonnateurs. Voilà la réalité !
Je salue à nouveau la sagesse de la commission des lois d’avoir réservé le répertoire des données à caractère personnel à l’autorité judicaire et de ne pas en avoir rajouté pour le fichier des délinquants sexuels, qui compte déjà 43 000 inscrits !
Quant au traitement anti-libido, il était temps d’affirmer que sa prescription relevait de la seule compétence du médecin traitant, en supprimant l’obligation, pour ce dernier, d’informer le juge de l’application des peines du refus ou de l’interruption du traitement. Nous savons gré aussi à M. About d’avoir rappelé qu’il ne fallait pas assigner à la médecine un rôle qui ne peut être le sien, que « soigner n’est pas la même chose qu’empêcher de nuire », …