Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 17 février 2010 à 14h30
Récidive criminelle — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui concerne un sujet particulièrement grave. Comme vous le soulignez, madame le ministre d’État, « première des libertés, la sécurité est la condition de toutes les autres ». Vivre en sécurité dans une société démocratique telle que la nôtre est en effet un droit légitime de nos concitoyens ; c’est pour nous, parlementaires, un devoir de le garantir.

Les peines d’emprisonnement constituent la première réponse aux actes criminels les plus graves. Cependant, force est de constater qu’elles se révèlent parfois insuffisantes pour protéger efficacement notre société.

L’actualité médiatique nous rappelle fréquemment la réalité des drames engendrés par la récidive. Si notre action politique ne saurait être dictée par l’émotion que suscitent de tels événements, ce projet de loi répond concrètement à une attente essentielle des Français, que nous ne pouvons ignorer.

La sécurité constitue en effet une aspiration très forte de nos concitoyens. À ceux qui nous accuseraient de ne réagir que sous le coup de l’émotion, j’indiquerai que plusieurs de nos voisins européens ont déjà entrepris une telle évolution législative depuis plusieurs années.

Certes, les taux de récidive en matière criminelle sont faibles : 0, 5 % pour les homicides et 1 % pour les auteurs d’agressions sexuelles sur mineurs. Néanmoins, il est de notre responsabilité de mieux protéger l’ensemble de nos concitoyens, de mieux protéger les victimes d’actes d’autant plus insupportables qu’ils sont commis en récidive de crimes d’une particulière gravité. Au-delà des pourcentages, il s’agit de centaines de personnes qui ont eu à connaître l’horreur.

Les évolutions législatives récentes intervenues au travers de la loi du 10 août 2007, qui a institué des peines plancher pour les multirécidivistes, et de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté, ont déjà apporté de nombreuses réponses au problème qui nous occupe aujourd’hui.

Cependant, sur le fondement du principe de non-rétroactivité de la loi, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions essentielles de la loi du 25 février 2008. Les propositions formulées dans son rapport par M. Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, qui ont été intégrées au texte qui nous est soumis permettront de remédier à ces différentes difficultés techniques.

Surtout, si ces lois ont apporté des réponses à la fois fermes et proportionnées au problème de la récidive, il nous faut aujourd'hui aller plus loin. Il s’agit non pas de voter un énième texte en la matière, mais de faire preuve de lucidité et de pragmatisme face à l’évolution constante de la délinquance et de la criminalité. Nous devons nous adapter en permanence. Tel est le sens de votre action au Gouvernement, madame le ministre d’État. Je m’en réjouis, comme l’ensemble des membres du groupe UMP.

Je voudrais maintenant évoquer les six apports du présent projet de loi qui me paraissent essentiels.

Premièrement, au-delà des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, ce projet de loi pallie certaines lacunes de la loi relative à la rétention de sûreté.

La rétention de sûreté pourra désormais s’appliquer aux auteurs de crimes de meurtre, de torture ou d’actes de barbarie, de viol, d’enlèvement ou de séquestration commis en état de récidive légale contre des personnes majeures, ce qui n’était pas le cas auparavant.

De plus, le texte vise à rendre effectives les interdictions de paraître dans certains lieux et de rencontrer la victime, dont il garantit ainsi la tranquillité. Il permet en effet aux forces de l’ordre d’être informées de l’installation des criminels libérés sur le territoire : l’identité et l’adresse des condamnés à une peine de cinq ans d’emprisonnement au moins devront être communiquées aux services de police et de gendarmerie à l’issue de leur détention.

En outre, le texte renforce la sanction prévue dans le cas où un condamné ne respecterait pas l’interdiction d’entrer en contact avec sa victime. Jusqu’à présent, la violation de cette interdiction ne constituait qu’un motif éventuel de réincarcération. Parce que cette violation ne constituait pas une infraction, les forces de l’ordre ne disposaient pas de la faculté de placer la personne concernée en garde à vue, même dans l’attente de sa présentation au juge de l’application des peines en vue de décider de sa réincarcération. Pour pallier ce vide juridique, il est instauré une mesure de rétention pendant vingt-quatre heures garantissant au condamné les mêmes droits que ceux de la garde à vue.

Deuxièmement, le texte met en place une politique de prévention de la récidive.

En effet, en tant que législateur, notre responsabilité est non seulement de réprimer les actes de délinquance, mais aussi de les prévenir. Ce projet de loi me paraît ainsi véritablement complémentaire de la loi pénitentiaire que nous avons récemment adoptée, car la meilleure prévention de la récidive, c’est avant tout la réinsertion.

Seulement, nous ne pouvons être laxistes à l’égard des criminels qui présentent les risques les plus graves de récidive. Là aussi, le pragmatisme doit nous guider : à la déclaration de culpabilité doit correspondre une peine, à la reconnaissance de la dangerosité une mesure de sûreté.

Troisièmement, le présent texte protège les criminels contre eux-mêmes.

En réduisant la dangerosité des criminels, nous ne protégeons pas que nos concitoyens : nous protégeons aussi les intéressés contre eux-mêmes. C’est pourquoi le renforcement de leur suivi ne saurait être uniquement judiciaire ; il doit aussi être médical et psychiatrique. Le projet de loi prévoit ainsi, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, que tout placement en rétention de sûreté sera désormais conditionné au préalable à une prise en charge médicale, sociale ou psychologique du condamné pendant sa détention.

Quatrièmement, le texte instaure des garanties en matière de suivi des criminels hors de la prison.

Le projet de loi ne fait pas que répondre à la décision du Conseil constitutionnel. Il instaure également, sur l’initiative des députés, de nombreuses garanties en termes de suivi des criminels en dehors de la prison : d’une part, le placement sous surveillance de sûreté pourra intervenir soit à l’issue d’une surveillance judiciaire, soit directement à la sortie de prison ; d’autre part, des mesures de contrôle pourront être mises en œuvre à l’égard de personnes remises en liberté dans l’attente d’une procédure de révision.

Cinquièmement, le projet de loi tend à améliorer la circulation de l’information à destination des magistrats et des équipes médicales.

L’organisation de notre système judiciaire et médical ne permet pas de rendre suffisamment compte de la dangerosité des criminels. Par exemple, jusqu’à aujourd’hui, les expertises réalisées pendant l’instruction n’étaient pas transmises aux équipes médicales amenées à soigner le condamné en détention. Ce cloisonnement et l’absence de centralisation des données ont parfois contribué à ce que certaines décisions judiciaires soient prises sans que le juge saisi dispose des informations pertinentes pour évaluer la dangerosité d’un criminel.

C’est pourquoi la création du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires va dans le bon sens. Regroupant les « expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires », ce répertoire permettra de faciliter la prise d’une décision éclairée quant à la dangerosité des personnes condamnées ou poursuivies pour une infraction passible d’un suivi socio-judiciaire.

Afin de favoriser une meilleure information des forces de l’ordre, le projet de loi renforce en outre les obligations de l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles. Les personnes qui y sont inscrites devront ainsi justifier de leur adresse plus fréquemment, à savoir tous les six mois, voire tous les trois mois pour les plus dangereuses d’entre elles.

Sixièmement, le présent projet de loi renforce l’incitation au traitement inhibiteur de libido.

La référence à ce traitement dans le code de la santé publique constitue une innovation majeure de ce projet de loi. C’est une nouvelle pierre apportée à l’édifice de la lutte contre la récidive.

Cela étant, le droit à la sécurité nous paraît tout aussi essentiel que le respect des libertés individuelles. Dans un État de droit tel que le nôtre, l’un ne va pas sans l’autre. Si ce texte a pour objet principal de mieux protéger les victimes, nous ne saurions pour autant bafouer les droits fondamentaux des condamnés.

À ce titre, je tiens à souligner l’excellent travail de notre rapporteur, M. Lecerf, qui a su trouver un subtil équilibre entre respect du secret professionnel et volonté de décloisonner les relations entre le corps médical et les services judiciaires. Votre amendement, monsieur le rapporteur, visant à instituer l’obligation, pour le médecin traitant, d’informer le médecin coordonnateur lorsqu’un condamné, contre son avis, refuse ou interrompt un traitement proposé dans le cadre d’une injonction de soins, apporte un excellent outil de lutte contre la récidive.

La commission des lois, constamment guidée, sous l’impulsion notamment de son président, M. Hyest, par la recherche d’un équilibre entre respect des libertés individuelles et nécessité de prévenir la récidive, a apporté des modifications essentielles au texte. Le projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission des lois, prévoit explicitement la faculté de mainlevée de la surveillance de sûreté, dont la durée a été portée de un à deux ans par l’Assemblée nationale. C’est un point très important.

En outre, nous nous félicitons de ce que, sur l’initiative de M. le rapporteur, le seuil de la peine pour l’application de la surveillance de sûreté ait été rétabli à quinze ans. En respectant l’avis du Conseil constitutionnel, le Sénat est bien dans son rôle de garant des libertés.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.

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