Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier une nouvelle fois M. Lecerf de son travail et de ses propositions.
Plusieurs orateurs m’ont demandé ce qu’étaient devenues les propositions contenues dans le rapport de M. Lamanda.
Parmi les mesures non législatives, ce rapport préconisait notamment le développement de la formation initiale et continue en criminologie clinique des différents professionnels concernés. La formation initiale des magistrats prend en compte ce besoin. L’École nationale de la magistrature, qui intègre d’ores et déjà cette discipline dans ses programmes, développera son offre de formation continue, en organisant des stages et des formations pluridisciplinaires.
Il était également suggéré d’augmenter le nombre des conseillers d’insertion et de probation, afin de permettre aux SPIP de spécialiser une partie de leurs effectifs dans le suivi renforcé, avec le soutien d’équipes pluridisciplinaires départementales ou interdépartementales. Dans cette perspective, 516 créations de poste ont été prévues dans le budget de la justice pour 2010.
Le rapport Lamanda préconisait par ailleurs d’intégrer la prévention de la récidive dans les missions des SPIP. Dans cette optique, nous avons lancé une expérimentation tendant à adapter le suivi au profil des personnes placées sous main de justice, la prévention de la récidive s’organisant à partir de diagnostics à visée criminologique. Cette expérimentation est actuellement en cours sur onze sites pilotes. Si elle donne des résultats satisfaisants, elle pourra être généralisée dès 2011.
Comme toute matière scientifique, la criminologie, qui n’est pas une discipline nouvelle – je me souviens avoir suivi des cours de criminologie lorsque j’étais étudiante –, est appelée à progresser. Je rappelle, à cet égard, que le Gouvernement a souhaité la création d’une chaire de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, ce qui est un signe fort de l’attention que nous portons au développement de l’enseignement et de la recherche dans cette discipline. La criminologie sera également intégrée dans le champ des travaux de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’INHESJ.
Les mesures que je viens d’énumérer reprennent donc des propositions contenues dans le rapport de M. Lamanda.
Pour le reste, M. le rapporteur a détaillé les propositions de rétablissement d’une partie des dispositions du projet de loi initial, qui a été modifié par des amendements de l’Assemblée nationale ; je l’en remercie.
En ce qui concerne les initiatives conjointes des ministères de la justice et de la santé que vous avez appelées de vos vœux, monsieur le rapporteur, je rappelle que, dès mon arrivée à la Chancellerie, je me suis entretenue avec Mme Bachelot-Narquin afin d’envisager un travail commun de nos cabinets sur l’ensemble des problématiques présentant de près ou de loin un intérêt pour nos deux ministères. Des réunions se tiennent régulièrement et ont déjà donné de premiers résultats, notamment en matière de sensibilisation de certains personnels médicaux, en particulier les psychiatres, à l’importance de leur présence en milieu pénitentiaire. Nous savons tous, et je reviendrai ultérieurement sur cette question, que le manque de psychiatres en prison est un véritable problème, lié à un manque non pas de moyens – ceux-ci ont été considérablement accrus –, mais de motivation. Depuis trois mois, nous voyons se créer des groupes de professionnels à l’échelon local, et la situation semble s’améliorer.
Il est évident, monsieur About, que les traitements inhibiteurs de la libido ne constituent pas la solution miracle, qui serait appropriée dans tous les cas. Je l’avais précisé dans mon intervention liminaire. Ils conviennent à certaines catégories de personnes, dont je me garderai de quantifier l’effectif, et doivent le plus souvent être accompagnés d’autres traitements. Pourquoi caricaturer les choses en disant que c’est la seule solution que nous proposons ? Ce n’est pas du tout mon approche ! Ces traitements représentent une réponse parmi d’autres : c’est en combinant plusieurs mesures de nature distincte – mesures médicales, de suivi, de probation, présence de forces de police et de gendarmerie – que nous parviendrons à lutter contre la récidive. Vous avez souligné à juste titre qu’il est nécessaire de recueillir l’adhésion de la personne au traitement pour que celui-ci puisse être efficace.
Il est demandé aux médecins non pas de prendre en charge le problème de la délinquance, mais de concourir, en tant que sachants, dans la mesure de leurs connaissances et de leur expérience, à l’évaluation de la personnalité afin de déterminer le mode d’intervention le plus adapté. C’est en ce sens que les médecins font partie du processus de prise en charge. L’articulation de leur mission avec celle des magistrats est tout à fait essentielle, mais doit s’inscrire dans le respect de l’identité de chacun et donc, bien entendu, dans le respect de la déontologie médicale. J’insiste sur ce point, que j’avais sans doute évoqué trop rapidement lors de mon intervention liminaire.
Je ferai observer à M. Masson que l’on peut toujours dire qu’un texte intervient à la veille d’une échéance électorale, dans la mesure où nous sommes en permanence à la veille d’une consultation ! On ne pourra donc jamais échapper à ce reproche, sauf évidemment à renoncer à présenter des textes législatifs… Il faut être un peu plus sérieux que cela : la nécessité du présent projet de loi se fait sentir depuis un certain temps déjà, et voilà cinq mois qu’il a été examiné par l’Assemblée nationale ! M. Masson semble ignorer, par ailleurs, les effets de la réforme constitutionnelle, mais c’est son affaire !
Les propos de Mme Borvo Cohen-Seat comportaient un certain nombre d’inexactitudes, que je vais maintenant tenter de rectifier.
Vous avez ainsi prétendu, madame le sénateur, que le nombre de personnes emprisonnées était en augmentation. Or c’est faux : il a diminué au cours des trois dernières années, et l’on compte maintenant quelque 2 000 détenus de moins. C’est là un fait incontestable, et je pourrai vous communiquer les chiffres précis à cet égard.
Selon vous, le temps passé en prison ne serait pas utilisé aux fins de soins. Là aussi, c’est faux, puisque des dispositions du projet de loi visent au contraire à organiser les soins en détention.
En outre, vous affirmez que notre politique réduirait le délinquant à l’acte qu’il a commis, sans prendre en considération sa personnalité. C’est exactement le contraire, le présent projet de loi tendant précisément à ce qu’il soit tenu compte de sa psychologie et de son psychisme. J’observe d’ailleurs que vous soutenez parallèlement que le délinquant doit être jugé à l’aune de ce qu’il a fait : vos propos sont quelque peu contradictoires…
Nous avons, les uns et les autres, la responsabilité importante d’accomplir un acte législatif, au service de nos concitoyens. La criminalité et la délinquance évoluent : dès lors, le droit doit s’adapter pour tenir compte d’un certain nombre de données nouvelles. Tous les gouvernements ont élaboré des lois pénales.