Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 17 février 2010 à 14h30
Récidive criminelle — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État :

Le Gouvernement a donc le devoir d’apporter des réponses concrètes aux évolutions de la criminalité. C’est ce que nous faisons, tout en tenant compte des considérants du Conseil constitutionnel. Nous nous inscrivons ainsi dans la droite ligne du fonctionnement des institutions.

Je ne reviendrai pas sur le fait que le présent projet de loi ne confond pas les soins et la sanction. Il identifie précisément le rôle du médecin et celui du juge.

Mme Borvo Cohen-Seat a en revanche raison de souligner, à l’instar de MM. Mézard et Détraigne, qu’une nouvelle loi est inefficace si elle n’est pas mise en œuvre grâce à des moyens adaptés. C’est justement ce à quoi s’emploie le ministère de la justice, notamment en créant de nouveaux postes dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation ou en publiant des circulaires comme celle du mois d’octobre dernier : il faut à la fois des moyens et des textes pour fixer un cadre.

Monsieur Anziani, vous nous reprochez d’avoir présenté deux projets de loi en deux ans sur le même sujet. Or, dans la mesure où le Conseil constitutionnel avait demandé au Gouvernement d’apporter certaines précisions, il était normal que nous nous conformions à sa requête. Comment aurait-il pu en être autrement ? Nous avons en outre procédé à quelques ajouts, après nous être aperçus que le dispositif de protection des victimes comportait une lacune. Cela relève de notre responsabilité.

Je ne crois pas, monsieur Anziani, qu’il soit inutile de mettre en place un répertoire des expertises et des enquêtes sociales concernant les détenus. Nous avions déjà eu l’occasion d’évoquer ce point lors de l’élaboration de la loi pénitentiaire. Ce répertoire constituera un outil d’individualisation de l’incarcération, qui permettra de rendre celle-ci plus efficace et de mieux lutter contre la récidive. Pensez-vous inutile de permettre aux forces de police et de gendarmerie d’interpeller un individu qui va à la rencontre de sa victime alors qu’il lui a été interdit de l’approcher ? Le présent texte est nécessaire, puisqu’il comporte des dispositions rendant possible une telle intervention.

Ce projet de loi ne constitue nullement une marque de défiance à l’égard des magistrats, que j’ai toujours défendus, y compris dans cet hémicycle lorsque d’aucuns ont émis des doutes sur leur déontologie ou leur motivation. Il leur offre au contraire un certain nombre d’éléments nouveaux. Ce n’est pas manifester de la défiance envers les magistrats que de rendre automatique l’interdiction aux criminels sexuels de s’approcher de leur victime. Dans le cas, qui a été évoqué tout à l’heure, de la joggeuse assassinée, une cour d’assises avait oublié de mentionner une telle interdiction. Le texte vise à apporter une protection aux victimes contre une telle omission, qui peut résulter des circonstances, mais le magistrat conservera la possibilité de lever l’interdiction : le Gouvernement reconnaît le droit d’appréciation du juge et lui témoigne ainsi toute sa confiance.

Monsieur Mézard, il est évidemment nécessaire de préparer la sortie de prison des détenus. La loi pénitentiaire traite largement de ce sujet.

La prise en compte de la maladie mentale soulève des problèmes difficiles. Comme je l’ai déjà dit, le ministère de la justice agit de concert avec le ministère de la santé et les obstacles tiennent moins à un manque de moyens financiers qu’à une insuffisance de la motivation des médecins.

Enfin, le médecin coordonnateur doit informer du non-respect de l’obligation de soins le juge de l’application des peines. Les magistrats doivent pouvoir disposer d’un maximum d’informations.

Madame Des Esgaulx, je vous remercie de votre approche lucide et pragmatique de problèmes extrêmement complexes. Notre mission est d’essayer de définir les meilleures solutions possibles.

De ce point de vue, vous avez rappelé à juste titre, madame le sénateur, que le présent texte a notamment pour objet de décloisonner les interventions des différents acteurs chargés du suivi des délinquants. Si chacun se cantonne à son champ d’action, on perd en efficacité, dans ce domaine peut-être encore plus que dans d’autres. En effet, sans information partagée, il n’est pas possible de travailler correctement. Il faut donc non pas opposer les intervenants, mais leur permettre au contraire de coordonner leurs actions et d’être complémentaires, tout en respectant, je le redis, la déontologie de chaque profession. De même que la chaîne de la sécurité me paraît être la clé de l’efficacité de la lutte contre la délinquance, la chaîne de l’application des peines est la clé d’une lutte efficace contre la récidive.

Monsieur Détraigne, vous avez souligné avec raison la nécessité d’augmenter le nombre de médecins coordonnateurs, qui s’élève, à ce jour, à 218. Pour l’heure, treize départements de métropole et trois d’outre-mer n’en ont pas. Par un arrêté pris au mois de mars dernier, nous avons permis à des médecins non psychiatres de devenir médecins coordonnateurs. Une formation de cent heures est prévue pour leur permettre d’acquérir les connaissances qui pourraient leur manquer dans cette perspective. Les premiers médecins coordonnateurs issus de cette formation seront désignés prochainement. Cette démarche devrait nous permettre de combler les lacunes actuelles. Il s’agit en effet, monsieur le sénateur, d’une condition sine qua non.

La mise en place des unités d’hospitalisation spécialement aménagées a certes pris beaucoup de temps, mais je me tourne vers ceux qui avaient eu l’idée initiale de ce dispositif : entre les lois de 1998 et de 2002, quatre ans se sont écoulés, et ce laps de temps aurait pu être utilisé pour avancer. Quoi qu’il en soit, nous agissons : la première unité ouvrira en 2010, la deuxième en 2011, à Lyon. Mme Bachelot-Narquin et moi-même avons obtenu l’installation immédiate d’une unité par région pénitentiaire, alors qu’il avait été initialement prévu d’attendre le retour d’expérience des deux premières unités avant de décider de la suite. En tout état de cause, une forte motivation des médecins est nécessaire.

Madame Klès, l’adjectif « liberticide », que vous avez employé, est excessif. Devant la douleur éprouvée par certains de nos concitoyens et l’ampleur des problèmes, notre devoir à tous est de nous montrer modérés et justes : c’est une condition de notre crédibilité.

Quand on entend reprocher à un texte d’être mensonger ou inefficace, il ne faut pas soi-même recourir à des mensonges pour étayer son propos… Par ailleurs, vous nous accusez de céder aux victimes, mais il s’agit simplement, pour nous, d’être à l’écoute des Français. Tel n’est peut-être pas votre choix, mais c’est en tout cas celui que j’ai fait quand je me suis engagée en politique. Notre devoir est d’être à l’écoute des plus fragiles, dans tous les domaines.

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