Monsieur Badinter, je suis convaincue de la nécessité d’une entente entre la justice et la médecine, dans le strict respect du rôle de chacune.
Et c’est bien parce que j’y crois que, à travers ce projet de loi, nous ne demandons pas aux psychiatres de juger, mais seulement de dire à un magistrat si les soins mis en œuvre avec l’accord du patient sont acceptés ou refusés, voilà tout !
À travers le présent texte, nous ne demandons pas davantage au juge de soigner ; à l’évidence, seul un médecin peut et doit décider d’un protocole thérapeutique et d’un traitement médical.
Il ne s’agit pas non plus ici de prendre des mesures contre un crime seulement virtuel : le fondement juridique de toute décision, c’est l’existence d’une précédente condamnation qui crée un risque de récidive. C’est en se fondant sur une « première condamnation » que le Conseil constitutionnel a considéré qu’une telle mesure ne pouvait être rétroactive, mais cette référence est bien présente ici.
La rétention de sûreté n’est donc pas une incarcération pour un crime qui n’est pas commis : elle est le prolongement d’une peine dont le fondement réside dans un crime qui a déjà été perpétré et dans un risque de récidive, tel qu’il résulte de la personnalité du condamné.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois qu’il est tout aussi dangereux d’évoquer la « psychiatrisation de la justice » que de considérer que les juges ne doivent pas tenir compte de la psychologie ou du psychisme d’une personne ayant déjà commis un crime. Nous devons être très attentifs sur ce point, car de tels sous-entendus ne sont profitables à personne !
De même, monsieur Badinter, je suis quelque peu étonnée d’entendre un juriste de votre envergure affirmer qu’un projet de loi n’était pas nécessaire pour mettre en œuvre les propositions du rapport Lamanda, les dispositions qui ont été ajoutées à la première version de ce texte pouvant être adoptées par voie réglementaire.
Pardonnez-moi, mais pour créer une interdiction de paraître en certains lieux à la suite d’une condamnation, il fallait bien un texte de loi ! Nous ne pouvions agir autrement. C’était possible autrefois, mais cette pratique a suscité un certain nombre d’oublis et de difficultés.
De même, il était nécessaire de passer par un texte législatif pour permettre à la police ou à la gendarmerie d’interpeller une personne qui ne respecte pas une interdiction.
Ce projet de loi était donc juridiquement nécessaire, j’y insiste ; dans cette matière aussi nous devons faire preuve de modération et de pragmatisme.
Madame Alima Boumediene-Thiery, de longs développements ne seront pas nécessaires pour vous répondre. Vous avez déclaré : « Nous avons combattu la rétention de sûreté – et même, si je vous ai bien compris, la surveillance de sûreté ! –, donc nous sommes opposés à ce texte. » Madame la sénatrice, tout est dit. Il est inutile pour moi d’entrer dans les détails !