Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 28 novembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — État a, amendement 619

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement nous a transmis, un peu tardivement, le traditionnel amendement à l’article d’équilibre visant à ajuster le montant des recettes du budget de l’État pour tenir compte des votes du Sénat intervenus en première partie.

Cette année, nous le remarquons, cet amendement intègre de manière inédite, en sus du résultat de nos votes, l’incidence, en 2018, de la décision du Conseil constitutionnel relative à cette bien mauvaise affaire de la taxe de 3 % sur les dividendes.

Cette décision dégradant le solde de l’État de 4, 1 milliards d’euros, ce solde devrait s’établir à plus de 87 milliards d’euros, soit une dégradation de plus de 10 milliards d’euros par rapport à l’année dernière.

Ce n’est pas une surprise, ce chiffre est exactement conforme à celui que je vous avais annoncé lors de la présentation du tome I du rapport sur projet de loi de finances.

Concernant plus précisément ce dont nous sommes responsables, c’est-à-dire l’incidence des mesures que nous avons adoptées en première partie, les votes du Sénat permettent d’améliorer le solde de l’État de 785 millions d’euros.

Nous connaissons le détail des chiffrages grâce à cet amendement. Permettez-moi néanmoins d’évoquer quelques éléments les plus saillants des différentes mesures que nous avons adoptées.

Je remarque tout d’abord que le Gouvernement n’a pas chiffré l’impact de l’amendement n° I-619, voté à la quasi-unanimité du Sénat, relatif à la fiscalité des plateformes de vente en ligne. Nous avons instauré, je vous le rappelle, une responsabilité solidaire des plateformes de vente en ligne en cas de non-paiement de la TVA par les vendeurs issus de pays tiers. Le dispositif proposé permet de prélever la TVA à la source, au moment de la transaction.

Il s’agit d’un dispositif extrêmement important qui pourrait rapporter, à terme, plusieurs milliards d’euros. Je remercie le Sénat d’avoir adopté cet amendement, même s’il faut regretter l’absence de chiffrage à ce stade.

Au-delà, les recettes fiscales sont majorées de 855 millions d’euros.

Tout d’abord, la suppression de l’article 3 relatif à la taxe d’habitation sur la résidence principale permet de minorer les remboursements et dégrèvements de 3, 04 milliards d’euros et de majorer d’autant les recettes.

Ensuite, la suppression totale de l’impôt sur la fortune immobilière minorerait les recettes, d’après le Gouvernement, de 850 millions d’euros. Mais ce chiffrage repose lui-même sur le rendement attendu de l’IFI, lequel – il y a tout lieu de le penser – ne sera pas au rendez-vous : avec une fiscalité très lourde sur l’immobilier et une fiscalité très légère, voire nulle, sur les valeurs mobilières, les acteurs risquent de changer de comportement et de se détourner de l’immobilier.

Les recettes de l’IFI seront d’autant plus minorées que le Gouvernement n’a pas tenu compte de l’incidence du dispositif ISF-PME, qui représente 660 millions d’euros en 2017, soit 80 % du rendement attendu de l’IFI en 2018.

J’en tire une conclusion politique simple, monsieur le secrétaire d’État : mieux aurait valu aller au bout de la logique et supprimer purement et simplement l’IFI, plutôt que de créer une usine à gaz qui ne rapportera pas grand-chose au final.

Enfin, le relèvement du plafond du quotient familial de 1 527 à 1 750 euros par demi-part, à compter de 2018, va réduire les recettes de l’État de 555 millions d’euros – nous l’assumons.

Je tiens également à souligner le relèvement du taux de TVA de 5, 5 % 10 % sur le logement social.

Le Gouvernement avait initialement évalué le rendement de cette mesure à 400 millions d’euros. Comme Philippe Dallier et d’autres, je me suis étonné de la faiblesse de ce chiffre. Ce fut l’objet des discussions de cette matinée ayant conduit à la suspension de séance lors de l’ouverture de nos travaux. Le Gouvernement a rectifié ce chiffre et le rendement du relèvement du taux de TVA à 10 % dans le secteur du logement social atteint désormais 700 millions d’euros.

Il me semble que le Sénat a largement pris sa part pour tenter de trouver une solution équilibrée aux problèmes soulevés par l’article 52 du PLF. À ce titre, par anticipation sur le vote de la seconde partie, le plafond des dépenses brutes du budget général est évidemment augmenté du même montant. Le relèvement du taux de TVA permet de majorer les dépenses du programme 109 « Aide à l’accès au logement » et de la mission « Cohésion des territoires » de 700 millions d’euros.

L’affectation aux collectivités territoriales d’une fraction de la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, réduit les recettes de 340 millions d’euros.

Le Sénat a pris une mesure importante en faveur des PME en rouvrant les dispositifs d’amortissement accéléré et de suramortissement, ce qui diminue d’autant les recettes de l’impôt sur les sociétés – à hauteur de 120 millions d’euros.

Par ailleurs, les recettes non fiscales sont minorées de 29 millions d’euros, notamment en raison de la suppression des prélèvements sur les recettes affectées aux chambres de commerce et d’industrie. Le Sénat a voulu amoindrir l’effort demandé aux CCI, déjà très touchées par les dispositions de ce PLF.

Enfin, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales sont majorés de 42 millions d’euros, en particulier avec l’instauration d’un prélèvement sur recettes de 36 millions d’euros destiné à soutenir les communes vulnérables.

L’amendement du Gouvernement à l’article d’équilibre traduit donc les votes de la Haute Assemblée en première partie. La majorité sénatoriale assume pleinement ses choix en faveur des familles, en faveur des PME et de toutes les entreprises, et en faveur de l’ensemble des populations que nous considérons comme les oubliés de ce PLF. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis favorable sur cet amendement qu’elle vous invite à adopter, mes chers collègues.

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