Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi de finances est la deuxième étape du moment clé que nous vivons ; moment clé où, pour les cinq années à venir, le Gouvernement installe le cadre de sa politique. Justice fiscale et justice sociale, nous le regrettons, n’y sont pas au rendez-vous.
La première étape a été le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous avez amplifié les choix des gouvernements précédents. Vous avez agrémenté, certes, votre action d’une novlangue technocratique, mais vous avez déconstruit point par point le modèle social français, modèle que nous envie pourtant le monde entier.
La deuxième étape, c’est la partie « recettes » de ce projet de loi de finances. Les choix qui en découlent ne répondent pas à la grande tâche qui devrait être celle de démocratiser la République, c’est-à-dire la réponse à l’intérêt général.
Si votre politique, monsieur le secrétaire d’État, ne répond pas aux attentes des Françaises et des Français, c’est d’abord parce qu’ils ne l’ont pas décidée. La France est prise en otage par le traité européen de 2012, celui de la « concurrence libre et non faussée », traité d’ailleurs non ratifié par le peuple et qui verrouille la souveraineté budgétaire de notre pays.
Détaillons les faits.
S’agissant de l’impôt sur le revenu, vous procédez à un relèvement du barème estimé à 1, 1 milliard d’euros. Cela n’entraîne aucune augmentation de pouvoir d’achat pour 98 % des Français, mais 440 millions d’euros en plus pour les 2 % des ménages les plus riches.
Quant au prélèvement forfaitaire unique, il représente 1, 4 milliard d’euros de gains, toujours pour les mêmes 2 %.
Et pour les Français modestes ? Vous leur imposez – nous venons d’en parler – une hausse de la TVA dans les HLM : 140 euros par an et par locataire. Et à la demande des banques et des marchés financiers, vous fiscalisez l’épargne logement !
Concernant la taxe d’habitation, vous prenez les Français en étau : d’un côté, la droite sénatoriale maintient un impôt injuste ; de l’autre, le Gouvernement supprime des services publics locaux. Nous disons, quant à nous, qu’il faut avoir le courage de réformer la taxe d’habitation, mais pour la rendre plus juste.
Rien d’étonnant à ce que vous ayez refusé nos propositions d’augmentation de la dotation globale de fonctionnement. Nous en avons débattu ici : les collectivités territoriales sont une nouvelle fois des variables d’ajustement pour servir l’appétit de la finance.
Parlons enfin de l’impôt de solidarité sur la fortune. Là, c’est le récit du hold-up des marchés financiers et des banques qui se dévoile ouvertement. Version majorité présidentielle : la réforme coûte 4, 2 milliards d’euros aux contribuables. Version majorité sénatoriale : la réforme coûte 5 milliards d’euros.
Deux versions de droite, donc, cohabitent docilement, de temps en temps assorties, au gré de l’échange parlementaire, d’un verbe plus haut que l’autre, pour animer la discussion. Mais l’enjeu est bien de supprimer, d’une manière ou d’une autre, l’ISF.
Ce projet, dicté par l’Europe de la finance, c’est celui de la classe des milliardaires, qui s’enrichit toujours plus. Oui, elle s’enrichit ! Arrêtez de parler de l’exil fiscal et des malheurs des riches ! Personne ici n’a pu nous contredire : la DGFiP conclut que les exilés fiscaux ne représentent que 0, 2 % des assujettis à l’ISF. Je renouvelle mon zoom sur Neuilly-sur-Seine : la fortune s’y élevait en 2004 à 16 milliards d’euros ; douze ans plus tard, elle a doublé pour s’établir à 32 milliards d’euros !
Une nouvelle fois, on assiste à un désengagement des plus fortunés de l’effort de solidarité nationale et de financement des services publics de la nation. Supprimer l’ISF, quelle belle idée nouvelle ! Rappelez-vous, les plus anciens, c’était déjà celle de Jacques Chirac en 1986. Merci pour la nouveauté !
Ainsi, et malgré les divergences, les droites et En marche se complètent plus qu’ils ne s’opposent.
Beaucoup d’articles, beaucoup d’amendements, parmi ceux que nous avons examinés, étaient animés par la thèse selon laquelle seul l’argent a des idées. C’est au nom de ce principe que vous avez refusé notre proposition d’un impôt sur le revenu plus progressif, plus juste pour les classes moyennes et populaires. C’est aussi au nom de cette idée de l’argent que vous avez refusé de mettre à contribution le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et le crédit d’impôt recherche, lesquels, conjointement, représentent 27 milliards d’euros de pertes de recettes pour l’État, grâce à l’omerta de Bercy.
Monsieur le secrétaire d’État, vous ne mettez pas la République en marche, mais l’égalité à l’arrêt. Vous refusez le projet d’une France en commun ; c’est pourquoi nous voterons contre cette loi.