Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 17 février 2010 à 14h30
Récidive criminelle — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Je formulerai tout d’abord quelques remarques d’ordre général sur cette exception d’irrecevabilité.

Il est curieux de présenter l’intervention du Président de la République et sa demande de rapport au premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, comme la volonté de contourner la décision du Conseil constitutionnel. S’il avait souhaité, à Dieu ne plaise, contourner cette dernière, ce n’est pas au premier magistrat de France qu’il aurait pu demander conseil ! Il s'agissait tout simplement à trouver des solutions pour faire face aux risques actuels de récidive. Nous avons d’ailleurs été nombreux à souligner le grand intérêt que présente le rapport Lamanda, dont on peut tirer aujourd’hui un grand parti, tant d’ailleurs sur des aspects législatifs que sur des aspects réglementaires.

En outre, je ne partage pas votre pessimisme sur les textes que nous avons votés. La loi pénitentiaire a été adoptée à une assez large majorité par la Haute Assemblée, puisque nos collègues socialistes se sont simplement abstenus, manifestant ainsi la part qu’ils avaient prise à son élaboration et l’intérêt de cette réforme.

Mme la ministre d’État nous a rappelé une très heureuse nouvelle, à savoir la diminution du nombre de personnes incarcérées depuis maintenant deux ans. L’encellulement individuel, qui n’était qu’un rêve il y a peu, devient de plus en plus fondé à se réaliser et pourrait se concrétiser dans les années qui viennent. Le moratoire que nous avons voté pourrait bien être le dernier.

Par ailleurs, les dispositions que nous avons votées ne me paraissent pas mériter l’exception d’irrecevabilité. En d’autres termes, elles ne sont pas contraires aux exigences constitutionnelles.

À propos de la surveillance de sûreté qui va passer de un à deux ans, vous savez qu’il faut se préoccuper de son renouvellement à l’issue d’une période de six mois, et que l’on souhaite dans le même temps que la juridiction de la rétention de sûreté puisse être attentive à l’évolution de la personne. Sur une période aussi courte, il était difficile de ne pas solliciter de manière systématique le renouvellement de la surveillance de sûreté. Ce sera beaucoup plus facilement envisageable avec un délai de deux ans. La commission des lois a en outre prévu une possibilité de mainlevée tous les trois mois, ce qui veut dire que les libertés de la personne seront parfaitement protégées.

Certains ont dénoncé l’absence de liberté de refuser le placement sous surveillance électronique mobile ou l’injonction de soins, dans la mesure où la sanction serait prise de manière automatique. À les entendre, en cas de refus, on basculerait de la surveillance de sûreté à la rétention de sûreté. Il n’y a rien de tel dans le texte ! Celui-ci préserve à chaque fois intégralement la liberté de choix des autorités qui auront à décider. Le texte rappelle seulement que le refus ou l’interruption d’un traitement constitue une méconnaissance des obligations fixées au condamné mais il n’entraîne aucune conséquence obligatoire.

Certains parlent de fichage généralisé. Qui peut ignorer, pourtant, que le répertoire des données à caractère personnel dans le cadre des procédures judiciaires qui est mis en place est extrêmement différent des fichiers que nous connaissions jusqu’à présent ? Son rôle est de permettre au juge, notamment, une appréhension plus fiable de la situation de la personne. Qui peut ignorer que ce répertoire constituera la plupart du temps une aide pour la personne poursuivie, et non un outil de stigmatisation ou de caractère répressif ?

Quant à l’expression « castration chimique », je pense qu’il faut la bannir. Nous n’y voyons nullement une panacée, comme en témoignent les propos de M. About et le rapport de la commission des lois. Un traitement médicamenteux peut avoir un intérêt dans certaines circonstances pour certains délinquants sexuels. Il ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité.

La différence fondamentale entre nous vient de ce que l’opposition refuse le principe même de la rétention de sûreté, tandis que la majorité l’a accepté. La loi relative à la rétention de sûreté a été votée, et je suis de ceux qui estiment que, pour une part très limitée – que je qualifierais d’homéopathique – de personnes détenues, la société court des risques considérables à les remettre un jour en liberté. Mais, comme nous l’avions dit lors de l’examen de ce texte, seul un nombre extrêmement limité de personnes est concerné. Actuellement, la seule personne placée en surveillance de sûreté est d'ailleurs plus proche du malade mental que du délinquant.

J’attendais les arguments d’inconstitutionnalité, et j’avoue que je ne les ai pas trouvés.

En refusant l’abaissement du quantum de peine prononcée susceptible de donner lieu à une surveillance de sûreté introduit par l’Assemblée nationale, la commission des lois a rendu sa virginité d’origine au projet de loi. L’abaissement de ce quantum de quinze ans à dix ans aurait dans une certaine mesure contribué à banaliser la rétention de sûreté, puisque la surveillance de sûreté est un sas vers la rétention de sûreté. La commission des lois, en proposant de revenir sur cette modification, n’a pas semblé susciter l’opposition de Mme le ministre d’État, bien au contraire.

Pour le reste, je ne vois pas l’ombre d’une esquisse d’inconstitutionnalité : c’est la raison pour laquelle je vous demanderai de bien vouloir rejeter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

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