Monsieur le Président, mes chers collègues, je voudrais d'abord donner une appréciation générale sur les crédits du programme gendarmerie nationale proposés pour 2018. Compte-tenu de l'analyse faite devant notre commission par le directeur général de la gendarmerie nationale et d'après les éléments que nous avons pu recueillir lors de nos travaux et de nos auditions, ce budget me parait globalement correct, avec toutefois certaines réserves que j'exprimerai dans la suite de mon intervention.
Avec une hausse d'environ 100 millions d'euros des autorisations d'engagement et 50 millions d'euros de crédits de paiement pour l'ensemble du programme, ainsi qu'une progression des effectifs d'environ 500 emplois, les gendarmes devraient en effet pouvoir continuer à remplir leurs missions de manière correcte.
Cette progression des crédits permettra d'abord aux gendarmes de consolider leur action en faveur de la sécurité quotidienne, puisque l'augmentation des personnels devrait bénéficier en priorité à la gendarmerie départementale. Le directeur général de la gendarmerie nationale a également évoqué l'expérimentation des brigades territoriales de contact, qui sont déchargées des tâches administratives et se consacrent au contact avec la population et les élus. Ce dispositif, qui a été implanté à titre expérimental dans 30 brigades en 2017 avec des résultats semble-t-il positifs, devrait être élargi en 2018.
Nous pouvons également saluer l'achèvement du déploiement des équipements connectés « Néogend » ; 65 000 équipements mobiles ayant été acquis au profit des tous les gendarmes des unités opérationnelles. Comme l'a souligné mon collègue M. Philippe Paul, cela leur permet d'accéder partout à leurs applications et à la documentation. Il est encore trop tôt pour en mesurer avec précision les effets mais cette évolution devrait améliorer incontestablement la productivité des gendarmes et faciliter l'exercice quotidien de leurs fonctions.
À ce propos, et c'est là le premier sujet de préoccupation que j'évoquerai, je voudrais faire rapidement le point sur l'application de la directive « temps de travail » dans la gendarmerie nationale.
Compte tenu du contentieux engagé par deux associations, la gendarmerie nationale a mis en application, depuis le 1er septembre 2016, les règles de la directive relatives au repos de 11 heures. Depuis cette date, chaque gendarme dispose de 11 heures de repos physiologique par tranche de 24 heures. Si des motifs opérationnels conduisent à réduire cette période de repos, des repos compensateurs sont prévus. Globalement, ces règles conduiraient à une perte de capacité opérationnelle représentant environ 5 % pour les unités territoriales pour les services de jour, 2,3 % pour les services de nuit, et 12 % pour la gendarmerie mobile. Au total, le directeur de la gendarmerie nationale évalue la perte engendrée par la mise en oeuvre de cette directive à un peu moins de 6 000 ETP, tout en soulignant que cette perte a été absorbée par l'institution. Je voudrais faire deux remarques à cet égard. D'abord, la gendarmerie nationale n'aura pas, en principe, à aller plus loin dans la transposition des autres aspects de la directive, car l'institution respecte déjà pour l'essentiel les règles relatives au repos hebdomadaires ou celles qui concernent le travail de nuit. Néanmoins, dans son discours aux forces de sécurité intérieure du 18 octobre 2017, le président de la République a indiqué qu'il n'était pas favorable à l'application de la directive aux militaires en général et aux gendarmes en particulier ; position qu'a ailleurs rappelée, la Ministre des armées, Madame Florence Parly, lors de son audition devant notre commission.
Ce n'est pas une question simple. D'un côté, le fait que les gendarmes bénéficient d'un temps de repos convenable est une bonne chose et il sera sans doute difficile de revenir sur la mise en place de cette pratique globalement bien perçue au sein de l'institution. De l'autre, l'exigence de disponibilité propre à l'état militaire et la nécessité de préserver le niveau d'activité de la gendarmerie face à tous les défis qui se présentent actuellement, invitent à envisager soit des aménagements permettant une application plus souple, soit une compensation d'au moins une partie de la perte en temps de travail par de nouveaux recrutements. Il faudrait aussi tenir compte des effets en termes de productivité de la modernisation de l'activité des gendarmes, en particulier à travers le projet NEOGEND que j'ai déjà évoqué. Cette question doit donc être traitée avec prudence et nous en suivrons les futurs développements avec vigilance. Si une remise en cause apparaît difficile, des aménagements semblent, en revanche, envisageables.
Un deuxième point de préoccupation pour nous est la question de la dette de loyers.
Comme l'a expliqué le général Lizurey lors de son audition, en 2016 la gendarmerie a été autorisée à faire porter les 8 % de mise en réserve sur les loyers, afin de sanctuariser le financement des plans liés à la lutte antiterroriste. À la fin de l'année 2016, la dette de loyers de la gendarmerie - due notamment par la gendarmerie aux collectivités locales - avait ainsi atteint environ 50 millions d'euros. En 2017, la gendarmerie a été autorisée à faire porter le gel, non plus sur les seules dépenses de loyers, mais proportionnellement sur les différentes unités de dépenses. Après divers mouvements de dégel et de redéploiement intervenus en 2016 et 2017, la dette loyers de la gendarmerie s'élève actuellement à environ 110 millions d'euros en AE et 89 millions d'euros en CP, ce qui grève d'emblée le début de l'exercice 2018. Pourtant, la gendarmerie n'est pas vraiment responsable de cet état de fait, qui découle directement de l'obligation de mise en réserve et d'une décision du Premier ministre de la faire porter plus spécifiquement sur les loyers. Toutefois, en commission élargie à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur a indiqué que l'apurement de cette « dette loyers » serait étalée sur plusieurs années, avec un premier remboursement de 13 millions d'euros l'an prochain, ce qui permettra de ne pas faire peser massivement cette charge sur les dépenses d'investissement en 2018. Cette décision nous paraît aller dans le bon sens.
Toutefois, comme les années précédentes, nous estimons qu'il serait également judicieux de lever la réserve sur les crédits de la gendarmerie nationale aussi vite que possible en 2018. Certes, cette mise en réserve ne sera en 2018 que de 3 % au lieu de 8 % en 2017, ce qui constitue un progrès notable.
Il y aura donc des choix difficiles à faire. Le directeur général sera probablement conduit à faire porter encore une fois la mise en réserve sur des programmes notamment l'immobilier, qui jouent traditionnellement le rôle de variable d'ajustement, d'où la persistance de certains points noirs, à Nanterre, à Melun ou à Satory. Il semble difficile d'agir autrement, car il nous paraît essentiel en tout état de cause de sanctuariser les achats de véhicules, qui constituent le premier outil de travail des gendarmes et dont l'état reste préoccupant, malgré l'effort de remise à niveau des trois dernières années.
Au total, sous réserve de ces quelques points de vigilance, compte-tenu de l'augmentation qui me paraît satisfaisante des crédits et des personnels et compte tenu également du plan d'étalement de la « dette loyers » annoncé par le Ministre de l'intérieur, je vous propose pour ma part de donner un avis favorable aux crédits du programme 152 du PLF 2018.