Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 novembre 2017 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « défense » - examen de la position de la commission

Photo de Christian CambonChristian Cambon, Président :

Mes chers collègues, j'ai pris la responsabilité de vous solliciter une seconde fois sur le vote relatif aux crédits de la mission Défense prévus pour 2018. Nous avons, la semaine dernière, donné un avis favorable aux crédits, mais la quasi-totalité des groupes avait alors souhaité émettre un point de vigilance très fort sur les 700 millions d'euros de crédits gelés pour 2017. Une somme de cette importance conditionne à la fois la fin de l'actuel exercice budgétaire et celui de 2018. Nous attendions des signaux positifs ; j'avais moi-même relayé ces attentes auprès de la Ministre des armées. Nous pouvions penser, la semaine dernière, que tout ou partie de ces 700 millions allaient être dégelés assez rapidement. Force est de constater qu'à l'heure où je vous parle, nous n'avons reçu aucun signe en ce sens. Il m'a ainsi paru utile de vous consulter pour savoir s'il n'était pas nécessaire de signifier notre inquiétude et de mettre une pression sur les services de Bercy en passant à un vote d'abstention - et non plus favorable - sur les crédits de la mission « Défense ». Il y va du respect du vote du Parlement sur les crédits 2017 et de toute la crédibilité, en fait, de l'examen du budget par le Parlement. Si le gouvernement peut décider unilatéralement de mettre au congélateur des crédits que nous avons votés, à quoi servons-nous en fait ?

Nous sommes fin novembre 2017 à trente jours de la fin de l'exercice budgétaire, et nous ne sommes toujours pas fixés ... Au-delà de l'exécution 2017, c'est, en vérité, l'entrée dans la future programmation militaire qui est remise en question. En effet, si les 700 millions d'euros de crédits pour 2017 sont annulés, ces dépenses se reporteront sur 2018 et la hausse de 1,8 milliard d'euros, prévue pour l'an prochain, risque d'être anéantie par ce nouveau report de charges. Déjà, cette hausse est très largement consommée d'avance : d'une part, 200 millions d'euros seront consacrés à la première étape du « resoclage » budgétaire des dépenses d'OPEX ; d'autre part, 420 millions d'euros seront consommés par l'aggravation immédiate du report de charges lié à l'annulation de 850 millions intervenue en juillet dernier ; enfin, le reste, ou presque, sera consacré au financement des mesures arrêtées en 2016 qui n'avaient pas été alors inscrites dans la LPM. Ces mesures avaient en effet été légitimement prises, au lendemain des attentats, par le Président François Hollande, qui avait notamment demandé d'accélérer les recrutements dans les armées ; mais leur non-inscription en crédits budgétaires a logiquement aujourd'hui des conséquences financières. Le financement de l'ensemble de ces mesures obère singulièrement l'augmentation affichée par la loi de finances pour 2018. En ce qui concerne 2017, si les 700 millions d'euros de crédits restent gelés, la direction générale de l'armement ne pourra pas en disposer sur le programme 146 d'équipement des forces. Quand bien même la décision serait prise, si elle est trop tardive, il sera difficile à la DGA de pouvoir les consommer, même si une telle décision serait naturellement meilleure que la non-décision qui semble aujourd'hui se profiler. En outre, les produits de cessions immobilières prévus - 200 millions d'euros - ne seront pas entièrement au rendez-vous. Au total, le report de charges de la mission « Défense » risque de ne pas être maîtrisé et pourrait par conséquent atteindre un niveau historique de 3,5 milliards d'euros fin 2017 ! Le dégel des 700 millions d'euros est donc essentiel pour le budget de nos armées. Une telle situation est insupportable à moins d'un mois de la fin de l'année. Mais enfin, au nom de quoi fait-on peser sur la Défense cette épée de Damoclès, tandis que nos soldats risquent leur vie en opération ! Pourquoi ceux-ci n'ont-ils pas le droit de disposer des ressources que le Parlement a votées pour l'exercice de leurs missions ? Je vous propose que la commission s'abstienne donc sur ces crédits. Alors que les avis favorables proposés par nos rapporteurs sur chaque programme témoignaient de notre satisfaction sur les orientations affichées, cette abstention viserait à dénoncer l'exécution budgétaire si peu conforme aux votes du Parlement et à l'absence totale d'information, malgré nos démarches.

Notre démarche permettrait de mettre le Ministre chargé des comptes publics en vigilance sur l'urgence à débloquer ces crédits qui restent bloqués par les bureaux de Bercy. J'ouvre la discussion pour que les groupes puissent s'exprimer sur la proposition que je viens de vous soumettre.

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