Intervention de Nassimah Dindar

Commission des affaires sociales — Réunion du 29 novembre 2017 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « outre-mer » - examen du rapport pour avis

Photo de Nassimah DindarNassimah Dindar, rapporteur pour avis :

J'ai le plaisir et l'honneur de vous présenter, pour la première fois cette année, mes observations sur le budget alloué aux outre-mer dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2018.

Permettez-moi tout d'abord de vous dire, à titre liminaire, ma satisfaction de voir la situation économique, sociale et humaine des outre-mer devenir peu à peu plus présente dans le débat public. Notre commission elle-même a d'ailleurs eu l'occasion de se mobiliser sur le sujet au cours des deux dernières sessions parlementaires, en conduisant une mission d'information sur la santé des populations de l'Océan Indien mais également en se saisissant pour avis de la loi sur l'égalité réelle outre-mer (loi Erom). Quoi que l'on puisse penser de la portée concrète de ce texte, l'attention portée aux réalités de ces territoires ne pourra que contribuer à changer les choses. Alors que cette année parlementaire sera jalonnée d'étapes importantes (adoption de la stratégie nationale de santé et de sa déclinaison ultramarine en décembre, tenue des Assises de l'outre-mer au printemps prochain), je fais en tout état de cause le voeu que notre commission ne relâche pas ses efforts sur cette question.

Car les défis restent immenses ; nous avons tous pu nous en rendre compte à l'occasion des tristes événements qui ont secoué cette année la Guyane, avec le mouvement social de mars dernier, et les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, touchées par le passage de l'ouragan Irma. Je ne citerai, à titre d'illustration, que quelques chiffres qui me paraissent rendre compte de manière particulièrement parlante de la situation difficile, parfois même critique, des outre-mer sur l'ensemble des sujets qui intéressent notre commission.

Sur le plan sanitaire tout d'abord, les derniers chiffres communiqués sur la mortalité infantile continuent de susciter l'inquiétude : alors qu'elle n'est que de 3,5 pour mille naissances en France hexagonale, elle atteint 6,6 %o à La Réunion, 8,3 %o en Guadeloupe, et jusqu'à 8,8 %o en Guyane. La situation sanitaire est particulièrement critique à Mayotte, où le centre hospitalier exsangue doit faire face à un afflux constant de patients en provenance des Comores, dans le cadre d'un système de santé non payant.

Sur le front de l'emploi, les taux de chômage se maintiennent à des niveaux très élevés ; les outre-mer cumulent sur ce point le triste record du département et du territoire les plus touchés par le chômage, avec 27 % à Mayotte en 2016 et 33 % à Saint-Martin en 2013. Le chômage des jeunes, en particulier, culmine à des niveaux insoutenables, avec près de 45 à 50 % de jeunes concernés dans la plupart des outre-mer - soit la moitié d'une génération. Cette situation s'explique en large partie par la petitesse du marché de l'emploi ultramarin, du fait de l'exiguïté de ces territoires. Par ailleurs, alors que le PIB par habitant était en moyenne de 32 307 euros sur l'ensemble du territoire français en 2014, il n'était que de 8 103 euros en Guadeloupe, et de 1 936 euros à Mayotte.

Sur le logement enfin, la situation demeure très préoccupante s'agissant de l'habitat insalubre et indigne, avec plus de 150 000 personnes (officiellement) concernées. Les besoins restent par ailleurs immenses en matière de logement social, alors que 80 % de la population ultramarine y est éligible. Selon la DGOM, il serait ainsi nécessaire, pour répondre aux besoins, de disposer d'ici à 2030 de 50 000 logements supplémentaires en Guadeloupe, dont au moins 25 000 logements sociaux.

Il faut ajouter à ces difficultés structurelles la particulière instabilité de la législation applicable en outre-mer, s'agissant notamment des politiques de soutien aux entreprises, ainsi que les inquiétudes liées à l'application effective des engagements pris par les gouvernements successifs qui, trop souvent, se révèlent être de simples effets d'annonce. Dans ce contexte, on ne peut que comprendre que certains des interlocuteurs que j'ai rencontrés aient qualifié les territoires d'outre-mer de véritables « poudrières ».

Pour autant, je souhaite insister sur la nécessité de changer de regard sur nos territoires ultramarins. A bien des égards, ceux-ci pourraient en effet constituer un formidable terreau d'expérimentation pour les défis que rencontreront demain d'autres territoires français : l'exiguïté et l'éloignement de ces territoires leur impose en effet l'obligation d'innover. Et bien souvent, ce qui nous est présenté comme des « spécificités » ultramarines n'est en réalité qu'une version plus concentrée, si je puis dire, des réalités traversées par d'autres territoires ou départements français. Lorsque nous parlons, en France métropolitaine, des problèmes rencontrés dans les banlieues, je ne peux m'empêcher de penser au territoire réunionnais qui, par certains aspects, a toutes les caractéristiques d'une grande banlieue.

La Guadeloupe et la Martinique, dont la population vieillit très rapidement dans un contexte de délitement progressif des solidarités familiales, pourraient ainsi être envisagées comme le laboratoire de la prise en charge des personnes âgées, défi auquel la majorité des départements français feront également face demain. D'une façon plus générale, en matière sanitaire, la nécessité de compenser l'éloignement pourrait être à l'origine de grandes avancées en matière de télémédecine ou de développement des coopérations interprofessionnelles.

Ces précisions contextuelles étant faites, j'en viens à la présentation proprement dite des crédits consacrés à la mission.

J'observe tout d'abord avec satisfaction que cette mission fait partie de celles que l'on peut considérer comme préservées dans le cadre contraint des finances publiques. Ses crédits sont en effet stabilisés au-dessus de 2 milliards d'euros, ce qui, en ce début de quinquennat, me paraît constituer une mesure au moins symboliquement positive. À périmètre constant, le budget de la mission serait même en légère hausse par rapport à 2017 (+ 3,7 %).

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