Intervention de Josiane Costes

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 novembre 2017 à 9h15
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « justice » - programme « protection judiciaire de la jeunesse » - examen du rapport pour avis

Photo de Josiane CostesJosiane Costes, rapporteur pour avis :

Il me revient, pour la première fois, de vous présenter l'avis budgétaire sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », inscrits au projet de loi de finances pour 2018.

Je souhaite d'abord souligner les évolutions contrastées qu'a connues le budget de la protection judiciaire de la jeunesse au cours des dernières années.

Il est en effet important de rappeler qu'entre 2008 et 2011, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a fortement été mise à contribution pour la réduction de la dépense publique. Ses crédits ont ainsi baissé de 6 %, au cours de cette période, et son plafond d'emplois a été réduit de 632 équivalents temps plein (ETP).

En revanche, les crédits de la PJJ ont connu une croissance sensible entre 2012 et 2017, traduisant l'engagement du Président de la République d'alors en faveur de la jeunesse.

Après deux quinquennats aux tendances très opposées, le projet de budget pour 2018 pour la PJJ était donc attendu, et je note à ce titre que le gouvernement actuel a choisi de poursuivre l'effort de consolidation entamé ces dernières années.

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » connaît une croissance de ses moyens en 2018. Les crédits de paiement s'élèvent à 857 millions d'euros, soit une hausse de 3,4 %, principalement du fait de l'augmentation des dépenses de personnel qui connaissent une croissance de 4,1 %.

Les autorisations d'engagement s'élèvent à 875 millions d'euros, soit une hausse de 3,8 %.

Par ailleurs, le plafond d'autorisation d'emplois pour le programme s'élève à 9 108 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2018, soit 16 ETPT supplémentaires par rapport au plafond prévu pour 2017.

Je souhaite, en particulier, saluer la création de quarante postes d'éducateur, affectés au milieu ouvert, en 2018.

Il convient donc de se féliciter de la hausse des moyens consacrés à ce programme, qui représente près de 10 % de l'ensemble des crédits de la mission « Justice ».

Cependant, je note qu'en première lecture l'Assemblée nationale a procédé, sur amendement du Gouvernement, à une réduction des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » d'un montant de 3,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Cette réduction est un mauvais signal envoyé aux personnels et aux partenaires associatifs de la PJJ, qui ne souhaitent pas que les moyens alloués à leur action soient considérés comme une variable d'ajustement.

Malgré cette réduction en première lecture des crédits de la PJJ, ce budget présente une tendance à la hausse qui doit être saluée.

Je souhaite cependant relever plusieurs éléments qui méritent notre attention.

Tout d'abord, après plusieurs années de fortes hausses liées aux plans de lutte contre la radicalisation, on observe une relative stagnation du plafond d'emplois. Ce budget présente la plus faible hausse de ce plafond depuis 2012. Les besoins de personnel qualifié, en particulier d'éducateurs, sont pourtant très importants et nécessitent des moyens considérables. Je crois donc que la hausse des moyens humains consacrés à la PJJ est encore insuffisante.

Ensuite, je rappelle que le parc immobilier de la PJJ présente certaines particularités. Il est composé pour partie de bâtiments anciens et il subit des dégradations volontaires nécessitant des réparations rapides et onéreuses. Lors des auditions que j'ai menées, les syndicats représentatifs du personnel ont souligné le niveau élevé de détérioration d'une partie du patrimoine immobilier de la PJJ. Il est pourtant essentiel de disposer d'équipements adaptés aux missions confiées, singulièrement pour ce qui concerne la mission éducative de la PJJ. Cette vétusté constatée des locaux a pour effet de rendre le recrutement et surtout la fidélisation du personnel plus difficiles.

Pour répondre à cette problématique, les crédits de paiement alloués au patrimoine dont la PJJ est propriétaire sont en hausse de 4,2 %. Un montant de 6 millions d'euros est mobilisé en 2018 pour donner de la réactivité face aux dégradations et pour programmer un entretien préventif des bâtiments. Je salue cette attention apportée à la question immobilière, mais je note aussi qu'elle n'est pas suffisante pour maintenir le patrimoine de la PJJ à niveau. Seule une hausse sensible des crédits affectés au parc immobilier permettra d'enrayer la dégradation et de rattraper le retard accumulé.

Enfin, le secteur associatif habilité (SAH), partenaire historique de la PJJ, a connu, à compter de 2008, une diminution importante de sa dotation budgétaire. Celle-ci est passée de 307 millions d'euros en 2008 à 223,9 millions d'euros en 2016. Vous trouverez le détail de cette diminution sur le document qui vous a été communiqué. Je salue donc le redressement, pour la deuxième année consécutive, des crédits alloués au secteur associatif habilité. L'enveloppe qui lui est consacrée connaît une hausse de 0,7 %.

C'est cependant à une revalorisation très modérée que l'on assiste ; elle n'apportera pas au secteur associatif habilité de marge de manoeuvre substantielle pour l'accompagnement et la prise en charge des mineurs sous mandat judiciaire.

Je souhaite donc appeler, dans la continuité du message porté par notre collègue Cécile Cukierman ces dernières années, à une revalorisation de la relation partenariale entre la PJJ et le SAH. L'amélioration de cette relation nécessiterait un dialogue renouvelé et des moyens substantiellement réévalués.

J'ai également souhaité, dans le cadre de ce rapport pour avis, me pencher sur la question des centres éducatifs fermés (CEF). Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé, lors de son audition hier, son projet de création de 20 nouveaux CEF, contre 50 annoncés initialement. Les premiers crédits dédiés à ces projets seront ouverts en 2019.

Il existe déjà 52 CEF qui constituent une alternative à la prison pour les mineurs multirécidivistes. Chacun d'entre eux peut accueillir en moyenne 12 jeunes, pour un coût par mineur et par jour estimé à 690 euros en 2018. Étant donné ce coût élevé, ils représentent 11 % du budget de la PJJ, pour 1 % des jeunes pris en charge.

Si la décision d'étendre le dispositif est justifiée au vu des besoins constatés, je souhaite rappeler que cela ne doit pas se faire au détriment des autres modalités de prise en charge qu'offre la PJJ, en particulier en milieu ouvert. Les ouvertures de CEF ont, en effet, jusqu'ici été compensées par une réduction des autres dispositifs.

Cette tendance avait d'ailleurs fait l'objet de prises de position de notre commission, soulignant la nécessité de ne pas sacrifier la diversité des prises en charge des mineurs délinquants à la mise en place de ces centres éducatifs fermés.

Sans nier l'utilité des CEF dans la panoplie dont dispose la PJJ, j'appelle à la vigilance face au risque de se concentrer sur les nouvelles ouvertures de CEF en négligeant l'amélioration des conditions de prise en charge dans les centres existants et le développement des moyens du milieu ouvert.

En écho au rapport de 2011 de notre collègue François Pillet et de notre ancien collègue Jean-Claude Peyronnet, je rappelle la nécessité de mieux évaluer ce dispositif, en particulier son impact sur le taux de réitération. Les efforts d'évaluation menés depuis leurs préconisations n'ont pas été suffisants ; il est nécessaire, avant d'étendre un tel dispositif, d'en évaluer finement la pertinence.

Enfin, j'ai souhaité porter une attention toute particulière à la question de la prise en charge des jeunes filles par la protection judiciaire de la jeunesse qui me semble cruciale. La mixité de la prise en charge est un principe fondateur de la PJJ, destiné à favoriser l'égal accès de tous les mineurs aux dispositifs mis en place et à donner aux lieux de vie une dimension « familiale » et sécurisante.

Si le principe de mixité apparaît tout à fait justifié au fondement de l'action éducative, sa mise en oeuvre peut s'avérer complexe pour les professionnels.

En effet, les jeunes filles ne représentent que 10 % des mineurs confiés à la PJJ, ce qui soulève des interrogations sur leur intégration dans les structures collectives majoritairement masculines, et peut faire obstacle aux principes d'individualisation et de continuité de la prise en charge.

En outre, la délinquance des jeunes filles est en croissance. En effet, la part des jeunes filles dans le total des personnes mises en cause augmente chez les mineurs de 15 % à 19 % entre 2002 et 2016. Sur la même période, leur nombre augmente fortement, de 32 %, alors que celui des garçons mineurs mis en cause reste relativement stable, en croissance seulement de 1 %. La proportion de jeunes filles parmi les mineurs écroués quant à elle est passée de 2,5 % en 2011 à 4,4 % en 2017.

Le rôle de la PJJ se trouve donc renforcé, à la fois pour le suivi éducatif des jeunes filles détenues et pour le développement d'une offre de placements alternatifs adaptés.

Il est donc nécessaire de développer une réflexion sur l'amélioration des conditions d'accueil dans les structures de la PJJ et sur la formation des personnels aux enjeux de la mixité. Je crois, à ce titre, que la mise en place de structures non mixtes, comme il en existe déjà plusieurs, doit être envisagée.

Au bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la PJJ pour 2018.

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