La mission « Administration générale et territoriale de l'État » rassemble les crédits de trois programmes. Le programme « Administration territoriale », qui regroupe les moyens des préfectures, des sous-préfectures, et des représentations de l'État dans les collectivités d'outre-mer. Les crédits sont stables, avec 1 694 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 1 690 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Vient ensuite le programme « Vie politique, cultuelle et associative », finançant l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse. Assez logiquement, après une année électorale particulièrement active et en l'absence de scrutin général en 2018, ses crédits connaissent une baisse de près de 75 %. Enfin, le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » concerne les fonctions support et la gestion des affaires juridiques et contentieuses du ministère. Ses crédits baissent de 4,1 % en AE et de 0,4 % en CP. Cette baisse est notamment due à la fin de projets informatiques mis en place dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste et du plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme, mais aussi à la réduction des crédits affectés au Fonds interministériel de lutte contre la délinquance, ce qui est plus étonnant.
Nous soulignons dans chacun de nos rapports consacrés à cette mission l'acharnement réformateur qu'a dû subir l'administration territoriale depuis près de dix ans en même temps qu'une baisse constante des effectifs. Le plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG) s'inscrit évidemment dans cette logique : le réseau préfectoral connaît sa plus importante évolution depuis 1982, et voit parallèlement ses effectifs réduits de 1 300 équivalents temps plein (ETP), sur un effectif de 27 100 au total, en trois ans. Cette réforme n'est pas encore achevée que le Gouvernement vient d'en annoncer une nouvelle, « Action publique 2022 », dont restent encore à définir les dispositions concernant l'administration territoriale. Mais déjà le ministre de l'intérieur a annoncé une réduction des effectifs des services préfectoraux de 350 emplois par an au cours des prochaines années... La stoïque capacité d'adaptation des agents de cette administration, qui ne cesse de faire mon admiration, sera donc encore une fois mise à l'épreuve.
La réorganisation complète de la délivrance des titres opérée par le plan « Préfectures nouvelle génération » devrait moderniser les procédures, simplifier les démarches administratives et optimiser les moyens. Les effectifs seraient ainsi renforcés sur les missions prioritaires de l'administration territoriale, et la suppression des 1 300 emplois plus indolore...
Cette réforme se veut ambitieuse mais, pour le moment, pose quelques difficultés. S'il est, en effet, important que l'administration territoriale s'approprie l'outil numérique, elle ne doit pas oublier les administrés qui ne maîtrisent pas les nouvelles technologies ou ceux qui n'y ont pas accès. Cette modernisation de la délivrance des titres, par ailleurs souhaitable, entraînera aussi un nouvel éloignement des services de l'État, ce qui n'est pas bien vécu par nombre de nos concitoyens. Elle constitue aussi une nouvelle charge pour les collectivités territoriales, s'agissant des nouvelles modalités de demande de carte nationale d'identité. Elle a aussi justifié la création du fichier TES. L'audit de ce fichier, que le ministre de l'intérieur avait demandé à la suite des réactions des parlementaires, a conclu que la sécurité du système n'était pas parfaite et que celui-ci pouvait être détourné à des fins d'identification. Le ministère nous a dit avoir depuis pris en compte les recommandations du rapport. Nous en sommes là pour l'instant.
Pour ce qui est du renfort des missions prioritaires, on observe, pour le contrôle de légalité, une modeste augmentation des effectifs et le développement de la capacité d'expertise. Mais quel est le sens de ce renfort quand on prévoit parallèlement une nouvelle réduction du périmètre des actes contrôlés ?
S'agissant des sous-préfectures, je rappelle que la réforme de leurs implantations, annoncée depuis longtemps, a heureusement été très limitée. Mais, au-delà de la question de la carte des sous-préfectures, il conviendrait surtout de redéfinir leurs missions et d'adapter leurs moyens, pour leur permettre de remplir concrètement leur rôle de proximité, de conseil et d'appui auprès des élus locaux ; plus symboliquement mais tout aussi essentiellement affirmer la présence de l'État dans les territoires.
Sur le programme « Vie politique, cultuelle et associative », la réforme des modalités d'inscription sur les listes électorales et la mise en place prochaine du répertoire électoral unique sont en bonne voie. Il ne serait néanmoins pas inutile de rappeler aux communes qu'une réforme va prochainement modifier la procédure d'inscription sur les listes électorales.
S'agissant de la dématérialisation de la propagande électorale, le Gouvernement semble décidé à contourner le Parlement une quatrième fois par le biais d'une demande d'habilitation à légiférer par ordonnance, dans le futur projet de loi « pour un État au service d'une société de confiance ». Visiblement la confiance ne s'applique pas au Parlement. Reste donc à rappeler au Gouvernement notre opposition à un projet qui oublie les enjeux essentiels de la participation électorale et plus largement l'impérieuse nécessité de supprimer toutes les bonnes raisons de ne pas participer aux élections.
Malgré la relative stabilisation des crédits dans le projet de loi de finances pour 2018, stabilisation d'une tendance longue à la restriction, le Gouvernement poursuit néanmoins la politique réduction des effectifs de l'administration territoriale, tout en lui imposant de nouvelles réformes.
Ne pensant pas que l'on puisse se satisfaire de cette politique de retrait de l'État des territoires, je propose, comme l'année dernière, un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.