Intervention de Fabienne Keller

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 22 novembre 2017 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « écologie développement et mobilité durables » et articles 53 54 à 54 quater - comptes d'affectation spéciale « aides à l'acquisition de véhicules propres » « transition énergétique » et « financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale facé » - programmes « infrastructures et services de transports » et « sécurité et affaires maritimes pêche et aquaculture » et le compte d'affectation spéciale « services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » - programme « expertise information géographique et météorologie » et le budget annexe « contrôle et exploitation aériens » - examen des rapports spéciaux

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller, rapporteure spéciale :

Pour reprendre les termes de la ministre des transports devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de notre Haute Assemblée, 2018 constitue pour les infrastructures et services de transport un « budget de transition », dans l'attente des résultats des Assises de la mobilité qui ont été engagées en septembre 2017, parallèlement à la création d'un comité chargé de travailler sur les infrastructures de transport et d'une mission le modèle ferroviaire français confiée à Jean-Cyril Spinetta. Ces trois réflexions nourriront le futur projet de loi d'orientation des mobilités que le Parlement examinera au premier semestre 2018.

À ce projet sera annexée une programmation financière pluriannuelle des infrastructures de transport que le groupe de travail de notre commission des finances sur le financement des infrastructures de transport, présidé par notre ancienne collègue Marie-Hélène des Esgaulx, avait réclamée en septembre 2016.

Le programme 203 dont je suis la rapporteure ne présente qu'une partie des dépenses consacrées aux transports en raison du rôle majeur joué par l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) dans le financement des grandes infrastructures.

Établissement public administratif de l'État créé en 2004 et placé sous la tutelle de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), l'AFITF est financée par des taxes qui lui sont affectées par l'État, selon une logique de report modal : redevance domaniale des sociétés d'autoroutes, taxe d'aménagement du territoire également payée par les sociétés d'autoroutes, une partie des amendes des radars automatiques et une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.

L'AFITF reverse ensuite une partie de son budget au programme 203 sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement fléché les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Au total, cet « opérateur transparent de l'État » permet au Gouvernement de sanctuariser des crédits en échappant à la contrainte de l'annualité budgétaire pour financer des projets d'infrastructures pluriannuels, ce que je veux bien admettre. Je salue ici Gérard Longuet, ancien président de l'AFITF.

Ce qui me paraît beaucoup plus problématique, en revanche, c'est que je sois contrainte d'envoyer de multiples questionnaires à la DGITM pour pouvoir vous présenter les grandes lignes du budget 2018 de l'AFITF, alors que la DGITM élabore ce budget parallèlement à celui du programme 203.

Je dirai donc au Gouvernement en séance publique qu'il est indispensable qu'à compter de 2019 le budget prévisionnel de l'AFITF nous soit systématiquement transmis au moment de l'examen de la loi de finances : c'est là la condition sine qua non pour que le Parlement puisse se prononcer de façon éclairée sur le montant effectivement consacré par l'État au financement des infrastructures de transport.

J'en viens à présent à l'analyse de la situation financière de l'AFITF.

Ainsi que l'avait souligné à maintes reprises Marie-Hélène des Esgaulx, qui suivait le budget des transports avant moi, l'AFITF fait face actuellement à une « impasse financière » liée aux trop nombreux engagements pris par l'État par le passé. C'est ce constat qui a conduit le Gouvernement à décréter une pause en matière d'infrastructures de transport, ce qui s'est traduit par une révision à la baisse de quelque 800 millions d'euros des dépenses initialement prévues pour l'AFITF en 2018, les engagements concernés ayant été repoussés à une date ultérieure.

Les dépenses de cet opérateur augmenteront toutefois de 200 millions d'euros en 2018 pour atteindre 2,4 milliards d'euros, avec un effort particulier consenti pour les deux priorités affichées par le Gouvernement, à savoir la régénération des réseaux existants - notamment routier et ferré - et les transports du quotidien. Je précise que ces deux priorités sont exactement celles qu'avait mises en avant le groupe de travail de notre commission des finances que j'ai déjà cité.

L'équilibre financier de l'AFITF demeurera néanmoins singulièrement précaire en 2018 et les années suivantes avec des restes à payer en augmentation à 12,3 milliards, ce qui conduira le Gouvernement à devoir se poser de nouveau la question de ressources supplémentaires à affecter à cet établissement public, jamais véritablement résolue depuis le fiasco de l'écotaxe poids lourds en 2013. La taxation des poids lourds étrangers en transit, qui endommagent notre réseau routier sans participer à son financement, demeure une piste que nous devons creuser. La ministre en a souligné l'intérêt comme taxe à l'échelle des régions.

Les crédits du programme 203 n'évolueront qu'à la marge en 2018, avec une très légère hausse de 0,4 % en crédits de paiement (CP) à 3 159,6 millions. La subvention à SNCF Réseau diminuera très légèrement, celle de Voies navigables de France restera stable et les crédits en faveur du dragage des ports augmenteront d'un tiers.

J'en viens aux trois grands opérateurs qui relèvent du programme 203 : SNCF Réseau, la Société du Grand Paris et Voies navigables de France.

SNCF Réseau devra en 2018 poursuivre le grand plan de modernisation du réseau ferré - qui impliquera un effort annuel de 3 milliards d'euros par an à compter de 2020 - alors que sa dette constitue toujours pour l'établissement un fardeau difficilement supportable, puisqu'elle s'élève à 45,7 milliards d'euros. Il s'agit de la dette historique de la SNCF qui n'a cessé de croître au cours du temps.

Petite consolation pour l'établissement : la « règle d'or » ferroviaire est enfin entrée en vigueur, ce qui signifie que ceux qui souhaitent obtenir des développements du réseau ferroviaire devront les financer eux-mêmes !

Comme l'a montré l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), les hypothèses prévues par le contrat de performance décennal signé par SNCF Réseau avec l'État en avril 2017 n'apparaissent guère crédibles et celui-ci devra rapidement être mis à jour sur la base des conclusions de la mission sur le modèle ferroviaire français confiée par la ministre à Jean-Cyril Spinetta. À cette occasion pourrait être abordée la question de la reprise au moins partielle de la dette de cet opérateur par l'État.

Les coûts du Grand Paris Express sont désormais estimés à 35 milliards d'euros, contre 25 milliards d'euros antérieurement, ce qui pourrait conduire le Gouvernement à annoncer très prochainement des ajustements dans le calendrier du projet, voire à renoncer à certaines parties des lignes prévues. Cependant, les lignes du Grand Paris Express forment une boucle et il faudra bien boucler la boucle si l'on veut qu'elles fonctionnent. En 2018, les investissements de la Société du Grand Paris vont continuer à monter en puissance, en particulier avec les premiers travaux de génie civil sur la ligne 15 sud.

Lors de l'audition du Président de la SGP, j'ai eu la surprise d'apprendre que le plafond d'emplois de cet opérateur n'était que de 240 ETP pour 2018.

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