Mes observations rejoignent les vôtres, mon cher collègue ; nous sommes tous attachés au respect du secret de l'instruction, et je pense que la médiatisation de ce genre d'interpellation n'est souhaitable, ni pour le parquet, ni pour la gendarmerie. Je vois le danger d'une mise en cause d'un corps qui ne mérite pas de l'être par les médias, les réseaux sociaux, des gens peu informés. Mon intervention s'arrêtait là. Tout comme vous, je suis attaché au secret de l'instruction, et au respect des familles qui apprennent ces choses par voie de presse, et doivent se poser des questions. Il ne s'agit en aucun cas pour le Parlement de se mêler de cette enquête, mais simplement de rappeler la nécessité de laisser la justice travailler dans la sérénité et d'éviter des interpellations par voie de presse. Les résultats ne sont en général jamais très bons.
Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie. - Les gardes statiques mobilisent environ 1 600 personnels militaires, gendarmes et gardes républicains. Ces derniers ne rentrent pas dans une logique de remise en cause, car leurs missions consistent à garder les palais institutionnels. Nous gardons aujourd'hui encore des emprises diplomatiques, ce qui répond à une protection habituelle de ces bâtiments. Pour Calais, il y a actuellement un escadron et demi qui garde le tunnel sous la Manche. Ce dernier avait été bloqué par un certain nombre de migrants il y a trois ans. 7 escadrons avaient été engagés pour rétablir l'ordre et empêcher l'arrêt des trains. Entretemps, la société Eurotunnel a procédé à d'importants de sécurisation du site. On peut peut-être aujourd'hui s'interroger sur l'évolution du dispositif, qui pourrait peut-être ressortir d'une société de sécurité privée.
Le Président de la République et le ministre de l'Intérieur ont souhaité que nous réfléchissions ensemble à la meilleure manière d'assurer la sécurité du quotidien, à la fois sur des zones bien définies, mais aussi sur l'ensemble du territoire. Pour ce qui relève des zones de gendarmerie nationale, les propositions que j'ai faites visent à intégrer cette sécurité du quotidien à une logique de proximité rapprochée et de présence auprès de notre population. On retrouve ici la fonction contact qui est, pour moi, la déclinaison du dispositif gendarmerie en matière de sécurité du quotidien. Une augmentation ou un report d'effectifs dédiés sont également prévus, et seront possible grâce à l'annonce d'un recrutement de 2 500 gendarmes supplémentaires sur une période de 5 ans. Ceux-ci ont vocation principalement, voire exclusivement, à être consacrés aux unités territoriales. Vous connaissez tous des brigades qui subissent aujourd'hui un déficit d'effectifs. Mon objectif est de renforcer ces dernières en hommes et moyens afin qu'elles puissent remplir leurs missions.
Parallèlement, je vais également proposer la mise en place de deux systèmes. Le premier doit permettre à chaque élu et chaque parlementaire d'avoir un point de contact au sein de sa gendarmerie de proximité. Ce n'est pas forcément le commandant de brigade. Mais je souhaite que chacune et chacun d'entre vous ait un contact privilégié avec un militaire de la gendarmerie. Il en est de même pour les maires, afin qu'ils puissent nous faire part d'un certain nombre d'observations, de questions, et de pouvoir être tenus informés de ce qui se passe dans le département ou la circonscription. Je considère qu'il est légitime que les maires soient informés.
En outre, je souhaite mettre en place l'année prochaine une réunion semestrielle d'une demi-journée, au niveau de l'arrondissement entre les compagnies départementales, les préfets, pour échanger avec les élus et faire le point sur l'action passée de la gendarmerie, mais aussi pour imaginer ensemble les évolutions et adaptations possibles.
La mise en place des communes nouvelles et des métropoles nous concerne. En effet, 20 % des effectifs des métropoles sont des effectifs de gendarmerie. On a ainsi 3 600 militaires de la gendarmerie nationale dans le périmètre des métropoles actuelles ou à venir, hors métropole parisienne. Ces effectifs sont de 14 000 si on y inclut les structures d'état-major et de gendarmerie mobile. Nous devons davantage travailler la coopération opérationnelle avec la police nationale, municipale et la sécurité privée. La métropole représente un état d'esprit, un partenariat élargi qui regroupe l'ensemble des forces en charge de la sécurité. Nous sommes très présents dans certaines métropoles : nos unités représentent 38 % des effectifs de sécurité dans la métropole rennaise. En revanche, nous sommes complétement absent de celle de Nancy. La question des communes nouvelles est plus délicate car elles peuvent regrouper des territoires qui étaient dans des zones de compétences différentes. Dès lors, par texte réglementaire, la commune nouvelle relève de la compétence de la police nationale. Ainsi, si 4 anciennes communes - dont l'une était en zone de police nationale - se regroupent, alors la totalité de la commune nouvelle passe en zone de police nationale. Annecy est une commune nouvelle depuis le 1er janvier 2017 et regroupe la ville centre et la totalité des communes périphériques. Cela représente 54 000 habitants qui étaient jusqu'à présent en zone de gendarmerie nationale et qui se retrouvent en zone de police nationale. Aucun texte n'a prévu la manière dont la gendarmerie nationale devait se retirer de cette zone.
L'une des difficultés de l'outre-mer est de renforcer la présence sur place avec des moyens adaptés. Nous avons 7 escadrons en Guyane, 6 en Calédonie. Depuis deux ans la présence de la gendarmerie a été renforcée à hauteur de 160 ETP et continuera sur cette voie, d'autant plus que la démographie y est dynamique. Toute une logistique est également mise en place en cas de catastrophe majeure. Au côté des autres forces armées, nous avons engagé 5 escadrons à Saint Martin. En outre, les réservistes ont également été mis à contribution. J'ai envoyé il y a une dizaine de jours une compagnie de réservistes volontaires à Saint-Martin, une autre doit partir demain ; Un appel à volontaires pour un séjour de trois mois dans des conditions dégradées a été lancé, et plus de 700 personnes y ont répondu. Les réservistes sont aujourd'hui une composante majeure de la gendarmerie nationale. D'ailleurs, je les compte dans les effectifs. Les premiers retours pour cette mission sont très positifs. Les réservistes font preuve d'un engagement exceptionnel. Cette mission permet également de valoriser le concept de réserve, qui est à inscrire dans la durée.
La cible affichée de disposer de 40 000 réservistes reste en vigueur. Toutefois, elle ne sera pas atteinte en 2019 pour des raisons budgétaires. Je souhaite consolider le dispositif à 30 000 personnes pour l'année prochaine, puis je verrai quelles seront les possibilités militaires pour 2019 et 2020. Le chiffre de 40 000 est un horizon chronologique légèrement différé. Cela dit, disposer de 30 000 réservistes permet d'avoir une empreinte au sol de 3 000 par jour, ce qui est déjà important et mérite d'être maintenu.
Sur la simplification des procédures, le Ministre de l'Intérieur et le Garde des Sceaux mènent un travail conjoint, en liaison avec l'ensemble des juridictions. Une consultation nationale entre les ministères a lieu, tout comme au niveau local, à travers les juridictions départementales et les différents services. Nous avons plusieurs pistes de réflexion. Par exemple, il s'agirait de donner une compétence nationale à l'OPJ, afin d'éviter un certain nombre de complexités, lorsqu'il sort de sa circonscription. Le recours à la visio-conférence pourrait être simplifié. On pourrait également réfléchir à l'extension de la forfaitisation pour un certain nombre de délits, routier, mais aussi en matière de consommation de stupéfiants, ou encore à la suppression de l'accord préalable du Procureur de la République pour un certain nombre d'opérations, notamment les réquisitions adressées aux organismes étatiques. Le contrôle pourrait se faire a postériori. Nous travaillons sur l'ensemble de ces sujets avec la chancellerie.
Il existe aujourd'hui deux APNM se réclamant de la gendarmerie, même si, par nature, ces associations sont interarmées : « Gendarmes et citoyens » et Gend21. Gend21 est historiquement la première à avoir été créée. On estime à 600-700 le nombre d'adhérents à celles-ci. Il me paraît important de les intégrer dans le dialogue social, qui est structuré autour de la concertation. Le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie est d'ailleurs un organisme élu et chaque membre a déjà un mandat local. Ils peuvent ainsi prendre le pouls sur le terrain et échanger avec moi sur la meilleure manière d'avancer. Certes nous n'avons pas encore avec les APNM les relations ouvertes, constructives et franches que l'on peut espérer, mais il y a des progrès.
La directive temps de travail suscite un certain nombre de réactions et de réflexions. Nous nous inscrivons dans une logique statutaire pour sa mise en place. Elle a vocation à être analysée sous l'angle du statut militaire qui précise que ce dernier doit être disponible en tout temps et en toute heure. Il appartient ensuite à chaque responsable d'organiser le temps de repos. C'est ce qui a été fait il y a des années, avec la mise en place des permissions, des repos hebdomadaires, ou des 10 heures de récupération de service après un service nocturne. Depuis le 1er septembre 2016, chaque gendarme dispose de 11 heures de repos physiologique par tranche de 24 heures. Cela conduit à une perte de la capacité opérationnelle, représentant 5 % pour les unités territoriales pour les services de jour, 3 % pour les services de nuit, et 12 % pour la gendarmerie mobile. Nous essayons de contrebalancer cet impact par une évolution technologique qui doit nous permettre de gagner du temps par ailleurs. Ainsi, la perte des 6 000 ETP affichée est absorbée par l'institution, afin d'organiser la continuité du service de la gendarmerie nationale qui doit être assuré 24h/24, 365 jours par an. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous ne souffrons pas de manque d'effectifs. Quant à la suite à donner aux travaux de la Commission européenne, je m'inscris dans ce que fera la ministre des Armées, car s'agissant d'une logique statuaire, c'est à elle de donner le la.
Un travail est actuellement en cours au sujet des Français revenant des théâtres de conflits d'Irak et de Syrie - ce que l'on appelle « les returnees » - sous l'égide du Procureur de la République de Paris, chargé de l'action antiterroriste, et en associant l'ensemble des ministères. Les mineurs nés dans ces territoires est une population extrêmement vulnérable et problématique. Outre les problèmes d'état civil, il s'agit de savoir comment les suivre et les accompagner. Des discussions sont en cours. Pour l'instant, la gendarmerie nationale n'a pas de mission précise en termes de suivi, à l'exception des cas des personnes signalées comme radicalisées.