Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification de deux protocoles relatifs à la sécurité maritime.
À la suite des attentats du 11 septembre 2001, l'assemblée générale de l'Organisation maritime internationale a souhaité réviser les textes relevant de sa compétence et visant à prévenir et réprimer le terrorisme en mer ainsi que la prolifération. À ce titre, deux instruments ont été actualisés :
- d'une part la convention SUA - S.U.A. pour Suppression of Unlawful Acts, qui signifie en français « Répression d'actes illicites » - signée en 1988 et relative à la sécurité de la navigation maritime ;
- et d'autre part le « protocole » SUA, signé la même année et qui concerne la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental.
Les deux traités qui nous sont soumis aujourd'hui ont été adoptés en octobre 2005 et signés par la France en février 2006. Ils sont entrés en vigueur quelques années plus tard, en juillet 2010, lorsqu'un nombre suffisant d'États les a ratifiés. À ce jour, quarante et un États sont parties à la convention SUA et trente-cinq sont parties au protocole SUA, mais toujours pas la France, qui possède pourtant le deuxième domaine maritime au monde avec environ 11 millions de kilomètres carrés.
Le contexte international et la menace terroriste qui pèse depuis plusieurs années sur notre pays et ses intérêts, plaidaient en faveur d'une ratification plus rapide de ces traités.
Je commencerai tout d'abord par vous présenter les principaux apports de la convention SUA de 2005 par rapport à sa version antérieure.
Tout d'abord, le champ des infractions a été étendu aux actes à caractère terroriste, c'est-à-dire des actes qui, - je cite - « par [leur] nature ou [leur] contexte, vise[nt] à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ». L'incrimination terroriste vise aussi bien l'utilisation d'explosifs que les atteintes à l'environnement par déversement de substances dangereuses, ou encore l'usage d'un navire de manière à provoquer la mort ou des dommages corporels et matériels. La menace de réaliser de tels actes constitue également une infraction.
S'agissant de la lutte contre la prolifération en mer, le transport d'armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires (BCN) est incriminé, de même que le transport d'équipements ou de matières nécessaires à la conception ou à l'utilisation de ces armes. Une clause de sauvegarde a toutefois été inscrite, notamment à l'initiative de la France, pour ne pas entraver les transferts entre États dotés de l'arme atomique, comme les y autorise le traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires.
La convention SUA de 2005 crée par ailleurs une infraction de transport par mer d'un fugitif impliqué dans une infraction - ce que le droit français qualifie de « recel de malfaiteur ».
De nouvelles dispositions améliorent la coopération entre les États ainsi que l'entraide judiciaire. Elles prévoient notamment que toutes les infractions définies dans la convention de 2005 puissent faire l'objet d'une extradition. À cet égard, une clause de dépolitisation a été insérée afin d'éviter que les infractions incriminées soient considérées comme des infractions politiques, de nature à faire obstacle à une demande d'extradition. Dans un souci d'équilibre, une clause de non-discrimination a été ajoutée ; elle rend l'extradition non obligatoire si l'État requis considère que la demande a été présentée pour des raisons tenant à la race, à la religion, à la nationalité, aux opinions politiques ou au sexe de la personne concernée.
Une procédure d'arraisonnement, très encadrée, est également introduite. Elle permet à chaque État de contrôler le navire d'un État tiers ainsi que sa cargaison et son équipage, s'il « a des raisons sérieuses de soupçonner que le navire ou une personne à bord du navire a été, est ou est sur le point d'être impliqué dans la commission d'une infraction ». Pour ce faire, l'accord préalable de l'État du pavillon est bien entendu requis.
Enfin, le droit interne de chaque État partie à la convention doit désormais permettre d'engager la responsabilité pénale, civile ou administrative de toute personne morale située sur son territoire ou constituée sous sa législation, pour les infractions et les actes illicites commis à l'encontre de la sécurité maritime.
Le droit français devra quant à lui s'adapter sur deux points, à savoir :
- la prise en compte dans le code de procédure pénale des nouvelles incriminations entrant dans le champ de la compétence des juridictions pénales françaises ;
- et la modification de la loi de 1994 sur les modalités d'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer, pour y apporter quelques précisions.
Deux autres points feront en revanche l'objet d'une déclaration et d'une réserve lors de la ratification des protocoles pour préserver les principes du droit français en matière de menace de violences et de recel de malfaiteur.
J'en viens à présent aux dispositions du protocole SUA. Ce protocole s'applique aux plates-formes ancrées en mer jusqu'à 300 mètres de profondeur, c'est-à-dire sur le plateau continental, et qui permettent d'extraire, de produire ou de stocker du pétrole et du gaz. Je précise toutefois qu'à ce jour, aucune plate-forme de ce type n'est sous juridiction française.
En résumé, les nouvelles dispositions prévues pour la sécurité de ces plates-formes sont, mutatis mutandis, similaires à celles prévues pour les navires, à l'exception de la procédure d'arraisonnement. En effet, en application de l'article 80 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, l'État côtier a juridiction exclusive sur les installations situées sur le plateau continental.
Pour conclure, ces nouveaux instruments répondent aux intérêts de la France dans sa volonté d'une meilleure coopération entre les pays dans la lutte contre le terrorisme. Ils permettront en outre de protéger aussi bien notre domaine maritime que les bateaux battant pavillon français, dont plusieurs ont été attaqués ces dernières années, soit par un groupe terroriste - à l'image du pétrolier Limburg en 2002 au large du Yémen - soit du fait de pirates, comme ce fut le cas en 2008 et 2009 au large de la Somalie pour les voiliers Tanit et Le Ponant.
En conséquence, pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux que recommander l'adoption de ce projet de loi, qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en août dernier.
À cette occasion a été déploré le délai de ratification particulièrement long de certaines conventions internationales, dont celle que je viens de vous présenter et qui concerne un sujet particulièrement important. Pour pallier ce problème, le gouvernement souhaite se fixer l'objectif ambitieux d'un délai de un an entre la signature d'un accord et son examen par le Parlement ; nous ne pouvons, à cet égard, que l'encourager dans cette voie.
Pour ce qui nous concerne, l'examen en séance publique est prévu le jeudi 9 novembre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et le projet de loi précité.
La réunion est close à 13 h 05.