Intervention de Marie-France Hirigoyen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 30 novembre 2017 : 1ère réunion
Audition de Mme Marie-France Hirigoyen psychiatre sur le harcèlement

Marie-France Hirigoyen, psychiatre :

Quand il y a des interventions d'associations bénévoles dans les établissements, elles portent généralement sur les aspects médicaux (SIDA, MST...). Il y a une sorte de terrain glissant quand il s'agit de parler de respect et de consentement, il est difficile de ne pas tomber dans la leçon de morale.

La semaine dernière, à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, j'ai réalisé plusieurs interventions, dont une à Strasbourg avec Ernestine Ronai. Des classes entières sont venues nous écouter et une mère m'a confié qu'elle regrettait de ne pas être venue avec ses enfants. Il manque en effet quelque chose. Comment mettre en place cette information de façon régulière dans les établissements ?

Ce que vous avez dit sur le devoir conjugal, je l'entends très souvent. Dans certains cas, le mari empêche la femme de sortir et lui dit qu'elle lui « appartient ». Dans d'autres cas plus graves encore, les hommes imposent des pratiques sexuelles à leurs partenaires qui les désapprouvent (échangisme, sadomasochisme). Ces femmes acceptent de se prêter à ces pratiques malgré leur répugnance, en pensant que cela aidera leur couple et que leur conjoint en sera moins violent. Or elles peuvent se faire piéger si elles sont filmées et que le mari menace ensuite de donner la vidéo au juge en cas de séparation. Elles craignent dans ce cas de perdre la garde des enfants.

Je veux redire l'importance d'associer les hommes à la lutte contre les violences faites aux femmes. Il faut qu'ils soient le plus nombreux possibles. Par ailleurs, il ne faut pas tomber dans la caricature et la stigmatisation auxquelles nous incitent certains médias - notamment américains- qui font leurs choux gras des scandales sexuels actuels : la grande majorité des hommes sont respectueux des femmes et non violents.

J'en profite ici pour faire une incise sur la proposition de loi relative à la résidence alternée, en cours de discussion à l'Assemblée nationale. Ce texte me paraît particulièrement dangereux dans le contexte actuel, comme s'il voulait donner l'opportunité à certains de régler leurs comptes avec des femmes. On ne peut pas fonctionner comme cela, cela ne va rien régler. On a au contraire besoin de travailler ensemble sur ce sujet.

Concernant la prescription, le problème de preuve est réel. Il est vrai qu'on voit des personnes pour qui cela remonte aujourd'hui, longtemps après les faits. Mais cela remonte en ce moment aussi, parce qu'on en parle. Il y a une zone grise entre ce qui est humainement acceptable et ce qui est juridiquement démontrable. La justice ne peut agir qu'avec des preuves.

Vous avez parlé de l'armée : il y aurait probablement encore beaucoup à faire. Je pense aussi aux casernes de pompiers et aux policiers...

En ce qui concerne le faible nombre de condamnations au titre des violences psychologiques, il me semble que les magistrats craignent de se faire manipuler, notamment en cas de séparation et de divorce. Toutefois, on ne peut pas simuler la peur. Sur la violence psychologique, la loi précise qu'on peut recueillir tous les éléments de preuve suffisants. En particulier, les praticiens médicaux qui accueillent régulièrement une personne et ont suivi son évolution peuvent rédiger des certificats pour attester de la réalité de ces violences. Le problème est qu'il y a parfois des personnes qui viennent nous voir une fois, se déclarant victimes de violences et demandant un tel certificat. Or il est évident qu'il ne m'est pas possible de rédiger ce type de document pour une personne que je n'aurais vu qu'une ou deux fois. Je précise d'ailleurs que le Conseil de l'Ordre des Médecins nous déconseille de faire le moindre papier dans ces situations.

Je suis très concernée par la violence faites aux enfants en cas de violences conjugales, et cela commence dès la grossesse. On sait qu'un enfant dont la mère enceinte a été victime de violences en sera fortement impacté. Cela donne des enfants de petit poids, voire des enfants qui présentent un stress post-traumatique à la naissance. Plus ils sont jeunes et plus les conséquences seront graves pour leur développement. Enfin, ils risquent eux-mêmes, une fois adultes, de reproduire la violence dans leur couple. C'est pourquoi, lutter contre les violences faites aux femmes, c'est aussi faire oeuvre de prévention pour les générations suivantes.

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