Intervention de Marie-France Hirigoyen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 30 novembre 2017 : 1ère réunion
Audition de Mme Marie-France Hirigoyen psychiatre sur le harcèlement

Marie-France Hirigoyen, psychiatre :

J'ai eu l'occasion de faire avec l'Unicef, en 2015, des séances de prévention sur le harcèlement scolaire. Dans ce cadre, nous avions demandé à des jeunes de jouer différents rôles : celui du proviseur, du harceleur et du harcelé notamment. Cet exercice a donné des résultats très probants. Il était malheureusement limité aux seules classes de seconde, et ponctuel. Nous devrions développer ce type d'initiatives et les étendre à toutes les classes.

Sur la réaction des conjoints harcelés, je vous invite à regarder le film Trois huit de Philippe Le Guay, qui met en scène un travailleur victime de harcèlement moral chez Saint-Gobain. Le fils ne supporte pas que son père soit victime et le critique comme quelqu'un de faible. Je souligne à cet égard que les compagnes ont encore plus de mal à comprendre que leur mari ou conjoint soit victime de harcèlement moral, car cela va à l'encontre de leur représentation de la virilité.

S'agissant du harcèlement sexuel, il faut savoir que certaines femmes ne parlent pas car elles craignent la réaction de leur conjoint. Je pense notamment à des victimes de harcèlement sexuel à l'AP-HP qui refusaient de parler, redoutant le déshonneur qui pourrait en rejaillir sur leur famille. Cela explique le silence de beaucoup de femmes.

En ce qui concerne l'accueil des victimes, il faut admettre qu'il y a eu beaucoup de progrès. Dans la plupart des grandes villes, on trouve des référents dédiés pour suivre ce type de plaintes. Ils sont en général bien formés et sensibilisés. Il faudrait accentuer la formation de ces professionnels qui ont une mission complexe et qui peuvent être déroutés par l'ambivalence des victimes.

Il faut le savoir, beaucoup de victimes de harcèlement sexuel que je vois, et qui d'ailleurs ne s'en remettent pas, ont fini par céder. L'exemple classique est celui du déplacement professionnel, au cours duquel le harceleur se retrouve dans la chambre voisine de sa victime et ira frapper à sa porte. La femme ouvrira pour éviter un scandale à l'hôtel. Ou encore une réunion tardive qui aboutit à ce que le harceleur ramène sa victime chez elle en voiture, en l'absence de métro.

Ces femmes ont cédé par lassitude, pour avoir la paix. Ce faisant, elles deviennent complices malgré elles. Mais consentir n'est pas souscrire ! Ces femmes sont épuisées psychologiquement. Malheureusement, elles sont bien souvent, après avoir cédé, rongées par la culpabilité, craignant que leur comportement ne soit ébruité. Injustice suprême, ces victimes perdent souvent leur travail, quand les harceleurs sont rarement sanctionnés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion