Intervention de Yannick Botrel

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 novembre 2017 à 8h30
Agriculture et pêche — Usage du glyphosate : communication de m. pierre médevielle au nom du groupe de travail composé en outre de mm. yannick botrel pierre cuypers daniel gremillet et claude haut

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Il me revient de vous présenter les informations scientifiques disponibles sur la question de la dangerosité du glyphosate pour la santé humaine.

D'une façon générale, au sein de l'Union européenne, les substances chimiques font l'objet d'une évaluation permettant d'en déterminer les dangers pour la santé. Celle-ci est conduite par l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Les substances cancérogènes sont classées en trois catégories selon le niveau de preuve dont on dispose : 1A pour un risque avéré, 1B lorsque le risque est supposé, notamment compte tenu des données animales, et 2 lorsque la substance est suspectée d'être cancérogène.

Quant aux substances susceptibles de se retrouver dans l'alimentation, comme c'est le cas pour le glyphosate, elles font également l'objet d'une évaluation par l'EFSA. Cette évaluation a pour but de déterminer leurs conditions d'utilisation, ainsi que les niveaux d'exposition acceptables. Or pour les deux agences européennes, le glyphosate n'a jamais été considéré comme cancérogène.

À l'inverse, en mars 2015, une étude menée par le CIRC, qui dépend de l'OMS, a conclu à l'existence de preuves suffisantes du caractère cancérogène du glyphosate pour l'animal, ainsi que de risques pour l'homme. Le CIRC a donc classé le glyphosate comme cancérogène au niveau 1B, si on se réfère à la classification européenne.

La Commission européenne a alors demandé aux agences de l'Union européenne de prendre en compte les études du CIRC dans leurs propres évaluations. À la suite de nouvelles analyses, l'ECHA et l'EFSA ont confirmé qu'il leur apparaît improbable que le glyphosate soit cancérogène, et elles ont refusé de le classer comme tel.

Il en est résulté un débat public sur la question de la validité des études publiées par les différents organismes scientifiques. En effet, la suspicion pèse sur les études réalisées par les agences de l'Union européenne car, faute de moyens propres suffisants, elles sont financées par les industriels. Cette suspicion a été attisée par l'affaire dite des « Monsanto papers » : plusieurs grands journaux internationaux ont récemment révélé comment Monsanto convaincraient des scientifiques de signer des articles rédigés par la firme, pour contrer les informations dénonçant la toxicité du glyphosate. La firme américaine semble, par là même, être en mesure d'exercer une véritable emprise sur le processus de décision.

Enfin, au niveau national, l'ANSES considère qu'une classification en catégorie 1A ou 1B ne peut être proposée. En revanche, une classification en catégorie 2 peut se discuter. Au surplus, l'ANSES, qui s'inquiète davantage de l'association entre le glyphosate et un co-formulant, la tallowamine dans certains produits, va procéder à de nouvelles évaluations.

Dernier élément au dossier : une étude scientifique indépendante - dénuée semble-t-il de lien avec l'industrie agrochimique - a été publiée aux États-Unis, le 9 novembre 2017, dans le Journal of the National Cancer Institute. Les chercheurs ont suivi, pendant vingt années, la santé de 54 000 agriculteurs vivant en Caroline du Sud et en Iowa. Ils ont constaté que la prévalence du cancer était sensiblement la même pour les deux populations comparées, celle des agriculteurs utilisant le glyphosate, par rapport à celle n'y ayant pas recours.

Aujourd'hui, on ne peut que constater des désaccords persistant entre scientifiques sur le caractère cancérogène du glyphosate. Pour autant, ces controverses scientifiques suscitent désormais des débats passionnés dans la population. L'angoisse de l'opinion publique est réelle, car des témoignages de personnes supposées malades après avoir été exposées au glyphosate affluent du monde entier.

Le débat n'est donc plus scientifique - quoi qu'il le soit encore semble-t-il -, mais politique, en raison d'attentes sociétales fortes. L'onde de choc du dossier du glyphosate a pris la dimension d'un problème politique majeur, à l'échelle de l'Union européenne, ainsi que cela a été dit.

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