Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » regroupe les moyens consacrés à la politique de l’emploi. L’évolution de ses crédits a donc des répercussions directes sur la vie quotidienne de millions de Français.
Or force est de constater que cette mission est, avec celle qui réunit les crédits du logement, l’une des deux sacrifiées du projet de loi de finances pour 2018. Ce budget va fragiliser nombre de demandeurs d’emploi et de personnes précaires, alors que le taux de chômage demeure très élevé – il atteignait 9, 5 % au deuxième trimestre 2017 – et qu’il est surtout très inquiétant pour les publics les plus éloignés de l’emploi, pour lesquels il n’a cessé de croître. Je pense notamment au taux d’emploi des seniors, qui demeure faible.
À périmètre constant, la diminution des crédits de la mission sera record : elle atteindra plus de 4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et plus de 2 milliards d’euros en crédits de paiement.
Ce budget est donc un mauvais coup pour les personnes les plus fragiles.
La diminution du nombre de contrats aidés en est probablement l’exemple le plus emblématique. Pourtant, la décision brutale prise à l’été 2017 de réduire l’enveloppe de ces contrats, qui s’est traduite par d’importantes difficultés pour les collectivités territoriales et les associations, mais aussi dans de nombreuses écoles, à quelques semaines de la rentrée scolaire, a bien montré l’utilité de ces derniers, sans parler de la détresse dans laquelle des bénéficiaires non reconduits ont été jetés.
Ces contrats constituent des instruments importants pour l’insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires. En leur absence, la plupart des personnes concernées n’auraient tout simplement pas eu accès au marché du travail.
La baisse prévue dans le présent budget a donc déjà conduit et conduira encore à une fragilisation de certains services publics. Elle aura des conséquences sociales importantes.
En outre, le taux moyen de prise en charge par l’État étant revu à la baisse, passant de 72, 1 % à 50 % du SMIC brut entre 2017 et 2018, certaines structures associatives auront plus de difficultés à s’engager dans le dispositif des contrats aidés.
De plus, cette baisse drastique jette l’opprobre sur les collectivités territoriales, qui ont été soupçonnées de tirer profit de l’effet d’aubaine provoqué par ce dispositif pour bénéficier de financements complémentaires. Or les recrutements réalisés ont, pour la plus grande majorité, fait bénéficier les personnes concernées de véritables démarches d’insertion.
Par ailleurs, le présent budget porte un coup aux actions en faveur de l’amélioration des conditions de travail, avec la baisse du montant de la subvention versée à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, alors que l’Organisation mondiale de la santé estime que 1 euro dépensé dans le domaine de la santé au travail se traduit, pour les entreprises, par une économie de 13 euros.
La poursuite de la réduction des effectifs de l’inspection du travail est elle aussi dommageable, surtout dans le contexte de la multiplication des sources de droit bientôt mise en place avec la mise en œuvre des ordonnances réformant le code du travail.
De surcroît, le budget qui est soumis à notre examen est révélateur de l’incohérence de la politique menée par le Gouvernement, qui souhaite relancer l’apprentissage et, « en même temps », supprime l’aide financière en faveur des jeunes apprentis, qui lance un grand plan d’investissement dans les compétences et, « en même temps », diminue les crédits consacrés aux opérateurs chargés, sur le terrain, d’aider et d’accompagner les demandeurs d’emploi.
Ainsi, la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi diminuera de 50 millions d’euros, en contradiction avec le montant inscrit dans la convention tripartite Pôle emploi-État-UNEDIC, qui liait l’État.
Les effectifs de l’opérateur devraient diminuer de 297 équivalents temps plein travaillé, les ETPT, et de 3 783, si l’on inclut les effectifs hors plafond. Cette baisse risque de mettre en péril les réformes mises en œuvre et les nombreux efforts entrepris ces dernières années.
L’opérateur améliore son accompagnement, mais il peine encore à répondre aux besoins des demandeurs d’emploi, notamment des plus éloignés de l’emploi, dans un contexte de montée de la précarité. En effet, dans leur récent rapport, l’Inspection générale des finances, l’IGF, et l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, notent que « si l’amélioration est réelle pour le délai de démarrage de l’accompagnement, plus de 50 % des demandeurs d’emploi en accompagnement renforcé n’ont pas encore eu d’entretien avec leur conseiller référent trois mois après leur inscription ». En outre, ce rapport précise que « les demandeurs d’emploi de longue durée sont sous-représentés dans l’accompagnement renforcé ».
Que dire de la division par deux des crédits consacrés aux maisons de l’emploi ? Il semble que l’on crée les moyens de leur suppression par la diminution progressive de leur subvention.
Le Gouvernement veut poursuivre la généralisation de la garantie jeunes et « en même temps », il ne réévalue pas sa contribution au financement des missions locales, alors que celles-ci devront accompagner près de 15 000 jeunes supplémentaires et que nombre de ces structures font face à une instabilité chronique de leurs financements, liée au retrait des financeurs locaux.
Concernant le plan d’investissement dans les compétences, présenté par le Gouvernement comme l’alpha et l’oméga de sa politique de l’emploi, je constate que l’effort réel est bien inférieur au montant mis en avant dans la communication gouvernementale, tant sur le nombre de personnes formées que sur les moyens dégagés.
En effet, dans la mesure où les crédits consacrés à la garantie jeunes et au « plan 500 000 formations » figuraient déjà dans le périmètre de la mission « Travail et emploi », l’effort consenti ne s’élèvera qu’à 750 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 430 millions d’euros en crédits de paiement.
En outre, des questions demeurent en suspens s’agissant du financement de ce plan et des moyens humains qui y seront consacrés. On peut aussi s’interroger sur le nombre de bénéficiaires annuels, qui sera certainement inférieur à celui du « plan 500 000 formations », auquel il se substitue. On nous annonce 2 millions de formations sur cinq ans, soit 400 000 personnes accompagnées chaque année.
Mes chers collègues, le budget 2018 de la mission « Travail et emploi » n’est pas un bon budget. Sa dynamique baissière sera aggravée au long des prochaines années par le projet de loi de programmation des finances publiques, qui prévoit une diminution de 17 % de ses crédits entre 2018 et 2020.
Aussi, en l’état, et bien que la commission des finances se soit exprimée en faveur de leur adoption, je vous proposerai, à titre personnel, de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi », mais d’adopter sans modification les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».