Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous ne pouvons évidemment pas, lors de la discussion de ce premier budget du quinquennat, évaluer l’action du Gouvernement ni lui faire un procès d’intention. On le sait, une politique du travail et de l’emploi se mesure essentiellement dans la durée.
Notre groupe a soutenu les orientations de la politique de votre gouvernement, madame la ministre, en votant la loi d’habilitation des ordonnances. Nous attendons avec intérêt les lois sur l’apprentissage et la formation professionnelle.
Venons-en à votre budget. Il suscite, chez nous, quelques interrogations.
Je n’insisterai pas sur la baisse des crédits de paiement pour 2018, dont on connaît les causes. Je m’inquiète davantage des crédits à venir, dont le plafond baisse significativement, à 12, 6 milliards d’euros, en 2020.
J’y vois d’ailleurs une contradiction avec le plan quinquennal de 14, 6 milliards d’euros d’investissement dans les compétences, qui se traduit par 1, 1 milliard d’euros cette année, dont 467 millions sont déjà engagés pour la garantie jeunes.
Je m’attarderai plus longuement sur les acteurs de la politique de l’emploi, les contrats aidés et les aides à l’emploi.
Le constat du morcellement du service public de l’emploi est unanimement partagé. Il existe trop de structures, ce qui conduit à un manque de visibilité et à un inévitable gaspillage d’argent public.
Je considère, pour ma part, qu’il est nécessaire de territorialiser beaucoup plus qu’aujourd’hui la politique de l’emploi, afin qu’elle soit au plus près des réalités du terrain. Les besoins ne sont pas les mêmes à Arras, à Marseille ou à Strasbourg.
C’est pourquoi les structures qui en ont la charge doivent connaître la situation et les besoins de l’emploi dans leur périmètre et anticiper les mutations économiques. Elles doivent être actrices du développement local de l’emploi, en accompagnant les entreprises qui recherchent des salariés - parfois vainement.
Ces missions sont celles des maisons de l’emploi. Pour en présider une, je connais bien ces structures, qui représentent, selon moi, l’outil le plus adapté pour orienter efficacement les politiques de l’emploi. La raison principale est qu’elles réussissent, là où elles existent, à mettre autour de la même table tous les acteurs : élus, représentants de l’État, syndicats, chambre de métiers et de l’artisanat, chambres de commerce et d’industrie et, bien sûr, Pôle emploi. Tous construisent ensemble, dans le cadre des maisons de l’emploi, des solutions que l’on pourrait qualifier de « sur mesure ».
Je ne comprends donc pas la volonté de l’État de diviser par deux, cette année, les crédits affectés aux maisons de l’emploi. Surtout, je n’adhère pas à l’annonce de la suppression des crédits en 2019.
La raison avancée par Mme la ministre est la montée en puissance de Pôle emploi, ce qui peut s’entendre du point de vue du Gouvernement. Je dis, pour ma part, que les deux structures sont complémentaires. Pôle emploi se concentre sur les prestations de l’État en matière d’accès et de retour à l’emploi, quand les maisons de l’emploi doivent fédérer toutes les autres structures afin d’améliorer l’efficacité de leur gestion, ainsi que des dispositifs d’insertion et de lutte contre le chômage.
Dans cet esprit, l’impératif serait plutôt de fusionner les plans locaux pour l’insertion et l’emploi et les missions locales – j’en préside une également – au sein des maisons de l’emploi.
Par conséquent, je soutiendrai, avec nombre de mes collègues, les amendements visant à rétablir au niveau de 2017 les crédits des maisons de l’emploi.
Je vais à présent aborder l’épineuse question des contrats aidés.
Vous décidez de financer, l’an prochain, 200 000 contrats aidés dans le secteur non marchand, tout en diminuant le taux de prise en charge par l’État.
L’annonce de cette mesure a été mal reçue cet été, en raison, me semble-t-il, d’un défaut de pédagogie et d’un excès de précipitation. Il faut, en la matière, que l’on clarifie l’objectif des contrats aidés : soit on considère qu’il s’agit de mettre en piste des personnes peu ou pas qualifiées – c’est ma conviction –, soit on considère qu’il s’agit d’une aide pour les associations ou les collectivités territoriales.
Les contrats aidés ne sont une bonne solution en matière d’accès à l’emploi que s’ils sont accompagnés d’une formation solide qualifiante. Sinon, il ne s’agit que d’emplois précaires sous perfusion d’argent public. Tout le monde partage ce constat, mais la formation n’est pas toujours effective. Or les emplois précaires ne sont satisfaisants ni pour leurs titulaires ni pour les finances publiques.
Pour les mêmes raisons, je suis assez réservé sur le dispositif d’emplois francs, que le Gouvernement souhaite expérimenter, sur l’initiative d’une partie des députés de la majorité présidentielle. Il ne s’agit certes que d’une expérimentation, mais je partage les inquiétudes de notre rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le coût de ce dispositif en 2018.
En la matière, je suis plutôt partisan de dispositifs comme la garantie jeunes, dont je salue la montée en puissance l’année prochaine. Plutôt qu’un emploi subventionné, il s’agit d’un parcours d’accompagnement vers l’emploi fondé sur des obligations et des engagements réciproques entre le jeune bénéficiaire et la structure d’accompagnement qu’est la mission locale.
Les contrats aidés ont été considérés par de nombreux élus et par les gouvernements précédents comme une aide aux collectivités publiques et aux associations. Une diminution a conduit à des réactions virulentes. Il est vrai que les collectivités territoriales ont de plus en plus de difficultés à assumer les missions qui leur sont transférées. C’est ce que traduit la vigueur des réactions. Mais la solution doit être adaptée et ne peut reposer sur le dévoiement d’un dispositif conçu initialement pour lutter contre le chômage. C’est une question de cohérence.
Il faudra, madame la ministre, qu’un débat soit ouvert sur ce point, très important pour les collectivités.
En dépit de ces quelques critiques, je considère, mes chers collègues, que ce budget traduit une volonté d’amélioration de la lutte contre le chômage. Le groupe de l’Union Centriste votera donc favorablement les crédits de cette mission.