Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je citerai trois chiffres : 9, 4 ; 6 623 100 ; 1, 5.
Le premier de ces trois chiffres – 9, 4 – correspond au taux de chômage de la métropole, selon la publication de l’INSEE du 16 novembre dernier. Le deuxième – 6 623 100 – est le nombre de chômeurs en octobre, pour l’ensemble des catégories dans la France entière. Le dernier chiffre – 1, 5 milliard d’euros – correspond à la diminution, à périmètre constant, des crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » pour 2018.
Personne ne doutera de l’ambition du Président de la République de ramener le taux de chômage à 7, 5 % en 2022 ; personne ne niera les autres chantiers déjà ouverts ou à venir. Quel étonnant paradoxe tout de même, au cœur des priorités de notre pays, de constater cette diminution de crédits accompagnée d’une chute majeure des autorisations d’engagement, en recul de 2, 7 milliards d’euros, à 13, 7 milliards d’euros.
Paradoxe plus inquiétant encore quand la programmation triennale prévoit une réduction de budget à 12, 89 milliards d’euros en 2019, puis à 12, 57 milliards en 2020. Le budget pour 2018, quant à lui, s’élève donc à 16, 4 milliards d’euros, en incluant les crédits de l’allocation de solidarité spécifique.
Le projet de loi de finances pour 2018 affirme une mobilisation en faveur du déploiement de la garantie jeunes, ce dont nous nous réjouissons, pour permettre à 100 000 jeunes d’y accéder. Ce dispositif, qui ouvre la voie à une intégration sociale et professionnelle grâce à un parcours intensif et personnalisé, apprécié dans ses objectifs comme dans sa mise en œuvre par les missions locales, est programmé à 514, 6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 503, 27 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui semble sous-estimé.
Les montants débloqués en 2017 sont à l’origine de notre première interrogation. N’y a-t-il pas, madame la ministre, contradiction entre une hausse de plus de 17 % des bénéficiaires et une baisse de 9 % des crédits ? Nous serons attentifs à votre réponse.
Dans notre pays, 780 entreprises adaptées apportent une réponse efficiente au chômage des personnes en situation de handicap, employant 27 000 d’entre elles, sur un total de 35 000 salariés.
Elles bénéficient de deux aides : une aide au poste compensatoire du handicap du salarié et une subvention spécifique destinée au suivi social, à l’accompagnement et à la formation spécifique de la personne handicapée.
Si le projet de loi de finances pour 2018 prévoit d’augmenter le nombre d’aides au poste de 23 036 à 24 036 équivalents temps plein, ou ETP, il introduit aussi une dégressivité, après le mois de juillet 2018, induisant une baisse de 8 millions d’euros du montant global de l’aide, accompagnée d’une autre baisse de la subvention spécifique estimée à 9 millions d’euros.
Ces propositions non seulement méconnaissent la réalité de l’entreprise adaptée, mais vont fragiliser un certain nombre de structures et sont contraires aux engagements de l’État et aux propos tenus par le Président de la République. Madame la ministre, ces propositions financières sont-elles définitives ou seront-elles corrigées, améliorées, en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale ?
Vive interrogation, encore, sur la création de 10 000 emplois francs dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville, par une aide différenciée suivant le type de contrat, avec une période expérimentale en 2018 et en 2019.
Comment un dispositif non ciblé en termes d’âge ou de niveau de qualification pourrait-il ne pas entraîner un fort effet d’aubaine ? France Stratégie recommandait en 2015 « de restreindre le dispositif aux habitants les moins qualifiés pour éviter les effets de dépréciation des plus diplômés ». Pourquoi une telle précipitation quand, dans le même temps, les contrats uniques d’insertion-contrats initiative emploi, les CUI-CIE, sont supprimés dans le secteur marchand ?
Je veux enfin vous dire, madame la ministre, notre opposition totale à votre approche du dossier des contrats aidés, leur diminution ou suppression pour 2018 et la chute de 70 % à 50 % du taux de prise en charge par l’État.
Je l’illustrerai en parlant du ressenti de la situation dans mon département, l’Aisne, parmi les plus foncés – hélas ! – sur les cartes du chômage, mais où la détermination des élus, acteurs associatifs ou économiques est totale pour rapprocher de l’emploi les habitants les plus en difficulté.
Nous nous souvenons de cette annonce, au cœur de l’été, comme d’un coup de poignard. Les municipalités, les associations, les maisons de retraite, les centres culturels, les centres sociaux ont appris avec stupéfaction qu’ils ne bénéficieraient plus des contrats aidés dans les semaines à venir.
Non, ce ne sont pas de faux emplois ! Ce sont des emplois socialement, économiquement, humainement indispensables quand, ici, leur disparition met en danger un organisme caritatif qui rayonne dans tout le département et distribue chaque année l’équivalent de plus de trois millions de repas et quand, là, elle met en danger des services de restauration ou de transport scolaires.
L’annonce de l’été, c’est aussi un coup de massue, l’opprobre jeté sur des personnes souvent inscrites depuis plus de douze mois à Pôle emploi, allocataires de minimas sociaux, confrontées à divers handicaps de la vie et pour lesquelles l’emploi aidé représentait un rôle dans la société, une dignité retrouvée, plus d’estime de soi.
Cette dimension humaine est sans commune mesure avec les statistiques. D’autant plus quand la DARES, en novembre dernier, indique que 43 % des personnes sorties d’un contrat initiative emploi et 66 % des personnes sorties d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi sont en emploi six mois après la fin de l’aide.
Cet aspect du projet de loi est non seulement humiliant pour des personnes humbles, courageuses, devenues un jour d’été des coûts pour la société, mais aussi destructeur d’activité et de lien social dans les territoires les plus fragiles de notre République.