Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », je souhaite, comme d’autres avant moi, évoquer la situation des maisons de l’emploi et de la formation.
Le projet de loi de finances pour 2018 envisage de supprimer 10, 5 millions d’euros de crédit aux 116 maisons de l’emploi présentes sur notre territoire, soit la moitié de leur dotation, avant d’en supprimer la totalité en 2019.
Ce projet de réduction des aides aux maisons de l’emploi est une catastrophe qui va amener ces structures à des fermetures définitives. Elles réalisent pourtant un travail qu’aucun autre acteur du service public de l’emploi n’effectue, comme l’a souligné M. Vanlerenberghe.
Leurs missions ne sont pas redondantes, bien au contraire. Elles apportent un éclairage supplémentaire, tant d’un point de vue économique – accompagnement des entreprises sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, remontées des besoins locaux pour bâtir le programme régional de formation, création d’entreprises, clauses d’insertion – que d’un point de vue d’ensemblier territorial. Les maisons de l’emploi animent, coordonnent, supervisent, sont des acteurs centraux avec une bonne connaissance du terrain.
Cette baisse, suivie d’un arrêt total, va entraîner, je l’ai dit, la fermeture de nombreuses maisons de l’emploi, dont l’objet social est unique.
En 2005, date de la création de ce guichet unique par Jean-Louis Borloo, 100 millions d’euros étaient inscrits par l’État, dans son budget, au titre de la dotation de ces structures ; ces crédits sont passés à 20 millions d’euros pour 2017, et à 10, 5 millions d’euros pour 2018. L’État a lancé le dispositif des maisons de l’emploi ; il doit donc assurer, a minima, leur fonctionnement.
On veut nous faire croire qu’elles font le même travail que Pôle emploi, alors qu’il n’en est rien – notre collègue Nathalie Delattre l’a très justement rappelé.
Elles sont complémentaires de Pôle Emploi et lui apportent de réelles solutions. En particulier, leur raison d’être est dans l’initiative locale ; elles sont généralement bien pilotées, au même titre que les missions locales, par les élus locaux. Elles déclinent donc des actions qui collent au plus près des problématiques de notre territoire, ce que, précisément, l’établissement public Pôle Emploi ne sait pas toujours faire.
Pour illustrer mon propos, je voudrais évoquer la maison de l’emploi et de la formation de Laon, la ville dont j’ai été maire jusqu’à récemment, et ce durant plus de seize ans.
Elle a été créée en 2008, sa subvention annuelle s’élevant alors à 485 000 euros. En 2017, cette même subvention fut de 89 500 euros ; en 2018, elle sera de 45 000 euros. La baisse est vertigineuse, donc mortifère !
Si l’État campe sur sa position, plus de 50 % des maisons de l’emploi, au niveau national, devraient disparaître ; les capacités de toutes les autres à remplir leurs missions vont être lourdement affectées.
L’année dernière, j’avais plaidé, à cette même tribune, par souci d’une meilleure efficacité, pour une mutualisation des bases de données entre les opérateurs du champ de l’emploi.
Les MEF et Pôle Emploi agissent en parallèle sur le même segment d’activité, mais sans avoir toujours développé de véritables synergies.
L’échange de bases de données aurait été un levier d’amélioration : Pôle emploi possède une meilleure base de données, mais souffre, comparé aux MEF, d’une moindre efficacité opérationnelle. Il aurait été utile de se pencher sur cette question et d’améliorer les partenariats, au lieu de casser cet outil de proximité.
Rappelons que les MEF réussissent à réunir autour de la même table préfets, élus, syndicats, chambres de métiers et Pôle Emploi, et peuvent ainsi proposer des solutions « sur mesure » au bassin d’emploi.
Madame la ministre, que sont ces 10 millions d’euros au regard des presque 6 milliards d’euros de budget de Pôle emploi ? Cette mesure ne signe-t-elle pas la disparition programmée de la quasi-totalité des maisons de l’emploi, à laquelle il faudrait donc se préparer ?
J’en viens maintenant aux contrats aidés – certains de mes collègues les ont déjà évoqués. C’est un sujet important !
Leur suppression, brutale et sans concertation aucune – vous ne pouvez le nier, madame la ministre ; le président Macron l’a d’ailleurs confessé récemment, devant le congrès des maires –, a mis sens dessus dessous les collectivités locales, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, les associations familiales, bref, tout un tissu local d’intervenants qui utilisent ces contrats aidés afin de maintenir un niveau d’insertion économique et social en faveur de personnes souvent peu qualifiées et/ou éloignées du marché du travail.
Les remettre en cause si brutalement, c’est prendre le risque de mettre fin à ces missions, ainsi qu’à des projets de cohésion sociale, sans les remplacer. L’effet est encore plus catastrophique en milieu rural.
Cette annonce en cours d’année, au milieu du mois d’août, a mis le feu aux poudres. Mon collègue de l’Aisne, Yves Daudigny, a très bien décrit la situation dans notre département.
Madame la ministre, vous n’aviez pas d’autre choix – c’est une bien mince consolation – que d’annoncer, en octobre, les domaines ciblés où ce qui reste de ces emplois serait désormais déployé, à savoir l’accompagnement des élèves en situation de handicap, l’urgence en matière sociale et de santé, notamment l’hébergement social et l’aide alimentaire, ceci en outre-mer et dans les communes rurales.
Le paradoxe, madame la ministre, c’est que vous annoncez simultanément avoir confié à M. Jean-Marc Borello une mission relative à l’innovation sociale au service de la lutte contre les exclusions du marché du travail, lutte dont les contrats aidés sont justement le vecteur !
Pourquoi, madame la ministre, n’avez-vous pas décidé de reporter cette baisse drastique des contrats aidés à l’année prochaine, soit après les conclusions de cette mission, qui sont attendues pour la fin de cette année, au lieu de nous proposer un texte qui les supprime, ou presque ? Vous procédez à l’envers, et c’est bien dommage !
Concernant les orientations en faveur d’un véritable soutien à l’apprentissage, je veux, à titre personnel, souligner que les propositions du Gouvernement vont dans le bon sens. Je laisserai ma collègue Nicole Duranton développer ce point. Il était temps d’agir pour la formation de nos jeunes, afin de les insérer durablement dans l’emploi et il sera indispensable d’inscrire ces efforts, précisément, dans la durée.
Concernant la mission « Travail et emploi », notre groupe suivra la commission des finances et ne votera pas les crédits présentés par le Gouvernement.