Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites, mais nous pouvons tous, ici, nous accorder sur un constat : il est temps que notre pays remporte la bataille de l’emploi, qui nous préoccupe depuis près de trente ans.
Malgré nos sensibilités politiques différentes, nos appartenances partisanes diverses, nos territoires d’élection aux problématiques variées, ce combat est notre combat partagé, le combat de notre siècle.
Une grande nation comme la France ne peut plus supporter que près de 10 % de sa population soit en situation de chômage ; une grande nation comme la nôtre ne peut plus accepter que près de 25 % des moins de 25 ans ne trouvent pas de travail ; une grande nation comme la France ne peut pas baisser les bras face à cette situation très grave.
Depuis trop longtemps, nous reculons face aux réformes structurelles indispensables. Ce statu quo ne peut plus durer !
Dans notre société, accéder à l’emploi est synonyme de statut social. Je crois, à titre personnel, au rôle émancipateur du travail pour l’individu. Travailler, c’est sortir de chez soi ; c’est retrouver de la confiance, une estime de soi-même ; c’est, souvent, retrouver une dignité perdue à force de chômage et d’échecs.
En France, nous avons pris la très fâcheuse habitude de toujours traiter le problème du chômage sous l’angle social : plus d’indemnités, toujours plus d’aides, comme si la puissance publique pouvait, à elle seule, combler le défaut d’embauche du secteur privé. Si le traitement social du chômage est une condition indispensable du respect de la dignité de nos compatriotes les plus fragiles, il ne doit plus constituer l’alpha et l’oméga de nos politiques en matière d’emploi.
Madame la ministre, dans votre projet de budget, certaines mesures vont dans le bon sens.
Je pense notamment au grand plan d’investissement en faveur de la formation que vous souhaitez mettre en place : oui, la formation des demandeurs d’emploi est aujourd’hui le point faible de notre pays.
Toutes les études démontrent très bien qu’un chômeur formé, et de surcroît bien formé, a plus de chances d’accéder à l’emploi. En ce sens, la montée en puissance de la garantie jeunes, la formation des demandeurs d’emploi faiblement qualifiés ou encore la formation des jeunes « décrocheurs » constituent autant d’annonces intéressantes et ambitieuses, qu’il convient de saluer.
Néanmoins, madame la ministre, permettez-moi d’émettre des doutes quant à la réalisation de ces louables objectifs.
Si l’on regarde de plus près la trajectoire budgétaire pluriannuelle que vous avez dessinée pour la période 2018-2022, en effet, on constate avec étonnement une diminution prévisionnelle des crédits alloués à la mission « Travail et emploi ».
Je sais, madame la ministre, que l’État est un habitué de la formule « faire mieux avec moins » ; ce ne sont pas les représentants des collectivités territoriales que nous sommes qui vous diront le contraire.
Mais je suis persuadée d’une chose. Si l’argent public ne règle pas tout, notamment en matière d’emploi, il a quand même une vertu sur laquelle nous pouvons nous accorder : il est la condition sine qua non de la réalisation de politiques publiques ambitieuses comme celles que vous nous présentez.
Je voudrais également revenir sur certaines annonces décevantes, qui soulèvent un certain nombre de questions.
Je pense par exemple à la suppression de l’aide financière aux jeunes apprentis.
Madame la ministre, l’apprentissage est une richesse ; il fait partie de l’ADN de notre pays. Depuis huit siècles, la France est le pays du compagnonnage, le pays de cette transmission technique et philosophique d’un savoir-faire artisanal et de valeurs symboliques fortes.
La non-reconduction de l’aide financière à l’apprentissage constitue un signal profondément négatif à l’endroit de nos jeunes et des chefs d’entreprise de notre pays.
Souffrant déjà d’un déficit d’image important, dû à des années de politiques discriminantes à l’égard des apprentis, et plus généralement des métiers dits « manuels », l’apprentissage, que vous comptez pourtant revaloriser, ne peut se développer sans dispositifs incitatifs forts. Pourtant, « l’intelligence de la main vaut l’intelligence de l’esprit ».
À l’heure actuelle, madame la ministre, aucune mesure nouvelle en faveur de l’apprentissage n’est contenue dans le projet de loi de finances. Le Gouvernement nous demande d’attendre un projet de loi annoncé pour le printemps 2018, sans que nous en connaissions encore les contours.
Je peux, au nom de mon groupe tout entier, vous assurer de notre pleine vigilance sur ce sujet. En effet, nous croyons ardemment à l’apprentissage et à la nécessité de son développement partout sur le territoire national.
Je regrette également, madame la ministre, la fin de l’aide à l’embauche à destination des PME, qui constituent pourtant le sel de notre économie, les forces vives qu’il convient de mobiliser si nous voulons gagner ensemble cette bataille pour l’emploi.
J’ajoute à ce tableau le manque d’ambition de votre budget à destination de l’emploi des seniors, grand absent de ce projet de loi de finances pour 2018, alors même que les problèmes s’accumulent sans que nous puissions y répondre de manière claire et volontaire.
Je voudrais enfin exprimer une inquiétude.
Très attachée aux politiques d’inclusion, j’ai rendu en milieu d’année un rapport sur la culture et le handicap et préconisé, dans ce cadre, un certain nombre de mesures très concrètes pour faciliter l’accès des personnes handicapées à la culture. Aussi dois-je vous dire, madame la ministre, que le rejet par l’Assemblée nationale de deux amendements qui visaient à sécuriser le financement de l’accès à l’emploi des personnes handicapées suscite chez moi une crainte réelle.
Il est du devoir de l’État d’encourager massivement l’emploi des personnes en situation de handicap. Notre pays ne peut se satisfaire qu’un trop grand nombre de nos compatriotes, déjà profondément accablés par la maladie, se voient refuser un emploi au motif que les mécanismes d’incitation sont insuffisants.