Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 4 décembre 2017 à 10h00
Loi de finances pour 2018 — Culture

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Madame la ministre, vous avez déclaré que le projet de loi de finances pour 2018 était un « budget de transformation ». Les crédits de paiement prévus pour la mission « Culture » sont constants ; cette sanctuarisation est déjà un signal encourageant. La culture, dans son ensemble, sera pérennisée en 2018.

Tout en étant d’un naturel optimiste, je reste prudente, car je m’interroge : ces moyens seront-ils suffisants pour insuffler une dynamique de transformation ? Si l’on s’attache à l’évolution des crédits budgétaires ligne par ligne, mon analyse est plus nuancée.

Pour commencer, je tiens à relever la volonté de développer l’éducation artistique et culturelle. Le bien-fondé de l’effort budgétaire porté sur le financement de ces actions n’est plus à démontrer. C’est un outil très efficace pour démocratiser l’accès de tous les enfants à la culture. Les membres du groupe du RDSE et moi-même saluons cette orientation, qui sera très utile pour lutter contre les fractures culturelles et progresser vers l’égalité d’accès de tous à la culture. C’est en effet sur les bancs de l’école et dès le plus jeune âge que cela se joue. J’aurais néanmoins souhaité qu’un budget plus important y soit consacré, dès maintenant. Pour moi, cette dépense aurait dû être prioritaire par rapport au pass culture.

En effet, si je suis convaincue du bien-fondé de ce sésame, je serai vigilante sur les conditions de sa mise en œuvre, car beaucoup de questions d’ordre pragmatique se posent. Il me semble important de tenir compte des expérimentations qui se déroulent déjà sur notre territoire et de bien définir les conditions dans lesquelles les jeunes pourront bénéficier de ce dispositif. Si l’on ne leur offre aucune préparation ou aucun accompagnement dans leurs choix, je doute que le résultat soit à la hauteur de nos ambitions. Il est donc urgent de prendre du temps pour encadrer ce dispositif, comme l’a précisé notre collègue Sylvie Robert.

Je ne perds néanmoins pas de vue que ces crédits contribueront indirectement à redynamiser la demande auprès des artistes et du secteur de la création artistique et culturelle dans son ensemble. En effet, pour citer les paroles de l’acteur Philippe Torreton, « la culture est une force de frappe économique » ; comme lui, j’en suis persuadée.

Concernant l’augmentation de 3 millions d’euros des crédits alloués au plan Conservatoires, ce nom est presque une tromperie ! Il s’agit plutôt d’un plan Chorales, qui bénéficiera non pas directement aux conservatoires, mais bien aux établissements scolaires. Nous pouvions là aussi espérer davantage de progrès dans la mise en œuvre des réformes prévues par la loi LCAP.

Quant aux crédits relatifs au patrimoine, ils s’inscrivent désormais, fait important, dans la stratégie pluriannuelle que vous avez présentée. Je tiens d’ailleurs à souligner, comme M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, que l’attrait nouveau des Français pour notre patrimoine national est entretenu par un intérêt croissant des médias. Cette dynamique s’est traduite par le choix de confier une mission sur ce sujet à M. Bern et, bien sûr, par le fameux loto.

Nous avons aussi pu bénéficier de deux rapports, celui de M. Malvy et celui de M. Dauge, qui ont permis de lancer des pistes de travail pour mieux valoriser le patrimoine de nos territoires.

Des expérimentations sont lancées dans trois régions pilotes pour évaluer la mise en œuvre des recommandations faites en vue de revitaliser les petites communes, les centres-villes et les villes moyennes. Il reste à espérer que les expérimentations réussies seront étendues au reste de notre territoire. En outre, une aide de 15 millions d’euros, transitant par les DRAC, est prévue pour aider les petites communes à faible potentiel financier à sauvegarder leur patrimoine historique.

Je voulais aussi vous faire part de mon incompréhension face à la diminution de moitié des crédits consacrés au FONPEPS. Ces crédits sont passés, en un an, de 55 millions à 25 millions d’euros alors que, d’une part, ce programme n’est pas encore arrivé à son terme et que, d’autre part, le secteur culturel dans son ensemble s’inquiète de l’annonce de l’arrêt des contrats aidés. Pourquoi procéder maintenant à cette coupe massive dans les crédits destinés à soutenir l’emploi dans le spectacle, avant même d’avoir évalué les premières mesures en question et essayé de les améliorer ?

Je conclurai mon propos en rappelant que les mesures de sécurité sont désormais devenues une dépense incontournable pour l’organisation de tout événement artistique et culturel. Nous devons prendre en compte cet état de fait dans la programmation budgétaire. En effet, il est à craindre que le budget consacré aux mesures de sécurité n’empiète sur celui de la création. Je pense, par exemple, à l’organisation de festivals dans nos départements et nos régions. C’est ce qui est ressorti de l’enquête réalisée auprès des sénateurs membres du groupe de travail sur les arts de la scène, de la rue et des festivals en régions, que je préside. Cette question est d’autant plus importante que le fonds d’urgence créé en décembre 2015 s’arrêtera à la fin de 2018. Madame la ministre, que pouvez-vous nous dire au sujet des crédits attribués au fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui est censé s’y substituer ?

En conclusion, compte tenu de la pérennisation du budget de la culture dans le projet de loi de finances pour 2018, j’indique que les membres du groupe du RDSE, dans leur ensemble, voteront en faveur des crédits de cette mission.

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