Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Presque tout ce qui caractérise l’humanité se résume par le mot culture », affirmait François Jacob. Vecteur de tolérance, d’émancipation et d’épanouissement, elle est tout à la fois porteuse de diversité dans les formes qu’elle revêt et gage d’unicité et de cohésion en ce qu’elle favorise les échanges et le partage, ce qui permet de « faire société ». Sans culture, point d’humanité : tel était le message de la déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, qui établissait celle-ci comme un droit fondamental. À l’aune d’un tel constat, l’enjeu du budget alloué pour 2018 à la culture apparaît primordial.
Nous nous félicitons, madame la ministre, que vous nous soumettiez un budget conforté. Cette légère hausse globale masque toutefois une certaine modification des équilibres internes : le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle » bénéficie d’un effort plus important, tandis que les crédits du patrimoine sont en baisse.
Nous nous réjouissons de la priorité donnée à la jeunesse et à l’accessibilité de toutes et tous à la culture. Une véritable coopération entre le ministère de l’éducation nationale et le vôtre est attendue depuis de nombreuses années ; elle semble commencer, mais à hauteur de 3 millions d’euros seulement !
Pourtant, face à cette priorité affichée d’une démocratisation culturelle effective dans l’ensemble des territoires, certaines dispositions inquiètent les acteurs culturels et les élus.
En tant que compétence partagée, la politique culturelle doit faire l’objet d’une réelle collaboration entre l’État et l’ensemble des collectivités. Ces dernières investissent à hauteur de 57 %, et le Gouvernement se doit d’encourager leurs actions, garantes d’un développement de l’offre culturelle en tout point du territoire. Toutefois, à l’heure des budgets serrés, la culture constitue encore trop souvent la variable d’ajustement. Le risque qui en découle est bien celui d’une véritable fracture territoriale.
J’ai une autre inquiétude : l’annonce de la suppression des contrats aidés, qui constituent une part non négligeable des emplois du secteur artistique et culturel. Je rappellerai à ce propos que 35 000 structures publiques et associatives sont les vecteurs de la culture dans les territoires, car elles mettent en œuvre des propositions à destination de publics multiples et, notamment, des plus fragiles. Sans les contrats aidés, ces structures se trouvent bouleversées. Cela va à rebours d’un accès équitable à la culture. Ces contrats aidés, très souvent pérennisés, constituent en outre pour de nombreux jeunes artistes une première insertion dans la vie professionnelle en lien avec leur pratique. Les crédits du FONPEPS, dont le budget – j’insiste sur ce point – a été réduit de moitié, ne doivent pas constituer une solution d’urgence pour remplacer ces contrats aidés supprimés.
Vous avez marqué votre volonté de soutenir les artistes dans leurs conditions de vie, artistes sans lesquels toute politique culturelle serait vaine. Un effort budgétaire plus important pourrait être consenti afin de favoriser leur accompagnement vers la vie active : aujourd’hui, seuls 10 % des élèves diplômés parviennent à vivre exclusivement de leur pratique artistique, faute de moyens et d’accompagnement. Une telle déperdition de talents est extrêmement dommageable.
Notre rapporteur pour avis Sylvie Robert a évoqué la question des écoles d’art, que nous envient beaucoup de pays. La démocratisation culturelle et l’attention portée à la transmission des savoirs passent aussi par un nécessaire soutien à ces écoles et à leurs personnels.
Par ailleurs, je souhaiterais évoquer le mécénat culturel. S’il n’est pas question de le remettre en cause, il ne doit pas constituer un prétexte au désengagement financier de l’État. En effet, le mécénat des grands groupes comme celui des multinationales concerne surtout les grandes villes et peu les territoires ruraux : il s’agit là d’un autre point de vigilance, car il ne doit pas constituer une nouvelle fracture entre territoires.
Le budget dédié à la politique d’égalité entre les femmes et les hommes est transversal et concerne tous les ministères, mais le vôtre, madame la ministre, doit en être le porte-voix tant l’image que la culture française véhicule dans le monde est emblématique de notre société.