Intervention de André Gattolin

Réunion du 4 décembre 2017 à 10h00
Loi de finances pour 2018 — Culture

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Précisons que « consolidation » ne signifie heureusement pas ici « reproduction à l’identique » des choix passés. Cela reviendrait en effet à une forme de conservatisme culturel : tout le contraire de ce dont le secteur a besoin aujourd’hui. Au cours des décennies écoulées, les pratiques culturelles des Français ont considérablement évolué. L’explosion du numérique et son impact sur celles-ci constituent l’un des exemples les plus visibles de ce bouleversement, mais ce n’est pas le seul.

Face à ces changements, nos politiques publiques sont restées beaucoup trop statiques et pas toujours à la hauteur des défis à affronter. C’est le revers de la création, en 1959, d’un grand ministère des affaires culturelles en France. L’institutionnalisation à la française a rarement été source d’agilité et de réactivité…

Parmi les quatre grandes missions historiques assignées à ce ministère – encourager la création, protéger et valoriser notre patrimoine, assurer le rayonnement international de la culture française et démocratiser l’accès de nos concitoyens à la culture –, cette dernière, qui est pourtant la légitimation première de toute politique publique dans un État démocratique digne de ce nom reste pourtant sur un échec patent. « La culture pour tous » est en effet loin d’être une réalité dans notre pays. La dernière grande étude conduite par le ministère sur les pratiques culturelles, qui date de près de dix ans, souligne que 52 % de nos concitoyens ont une fréquentation nulle ou très exceptionnelle des équipements culturels. Certes, nos grands établissements culturels – en particulier les musées – enregistrent des niveaux élevés de fréquentation, mais leur clientèle est de plus en plus touristique et étrangère.

Durant le dernier quinquennat, les ministres de la culture qui se sont succédé ont, de façon un peu malhabile, tenté de justifier les moyens qui leur étaient alloués par un discours de nature toujours plus économique – attractivité touristique du pays, nombre d’emplois induits, retombées économiques du secteur… –, reléguant de fait la démocratisation de la culture au rang d’objectif louable, mais non prioritaire…

Au mois de mai dernier dans les colonnes du Monde, Michel Guerrin posait crûment cette question : « Comment séduire les 50 % de Français exclus de la culture ? Disons-le brutalement, la culture est le seul secteur où les pauvres paient des impôts qui contribuent à construire une offre qui ne profite qu’aux riches. » Il poursuivait en rappelant que le problème de l’accès à la culture se pose non seulement en termes d’inégalités sociales, mais également en termes géographiques : « Nos flambeaux culturels sont plantés dans les grandes villes et, plus que cela, au centre de ces métropoles : le déséquilibre entre territoires est vertigineux. »

Dans un rapport de 2004, trop prestement passé aux oubliettes, Bernard Latarjet pointait déjà un inquiétant paradoxe : le nombre d’artistes et de spectacles ne cesse d’augmenter depuis trente ans, alors que le public de l’offre culturelle stagne.

C’est bien pour cette raison que le Président de la République a choisi de faire de l’accès à la culture sa priorité.

À quoi servent en effet une politique de soutien à la création, une politique de préservation et d’enrichissement du patrimoine national, une politique d’acquisitions d’œuvres et d’édification de nouveaux établissements, si celles-ci ne sont pas accompagnées d’une vigoureuse politique de diffusion et d’accessibilité sur tout le territoire national et d’un réel effort à destination de l’ensemble du corps social et plus seulement d’une petite élite culturelle ?

À quoi cela sert-il si nous ne savons pas nous adapter aux nouvelles pratiques culturelles de la jeunesse afin de mieux leur transmettre notre richesse artistique et patrimoniale en pleine intelligence et complémentarité avec les moyens déployés par notre système éducatif ?

Cette volonté politique d’affronter enfin le défi de l’accessibilité de la culture de qualité au plus grand nombre, c’est celle qui, dans cette mission budgétaire, s’incarne notamment à travers une augmentation très sensible des crédits de soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle : 173 millions d'euros en 2018, contre 119 millions d'euros programmés pour 2017.

Faire davantage circuler sur tout le territoire les grandes œuvres que recèlent nos musées parisiens, faire tourner en France les spectacles mis en scène par nos grands théâtres nationaux, élargir encore les horaires d’ouverture de nos bibliothèques et de nos musées et – plus qu’une cerise sur le gâteau – préfigurer la mise en place d’un pass culture destiné à notre jeunesse, en prenant au préalable soin de dresser un véritable état des politiques tarifaires existantes, de bien circonscrire les champs culturels concernés pour mieux calibrer cette offre et les moyens pour la faire connaître afin de la rendre effective et performante dès le courant de l’année 2019, c’est bien cela dont la mission « culture » pour 2018 est le nom. L’enjeu est de taille.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est sans réserve que le groupe La République En Marche votera les crédits de cette mission.

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