Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parmi les crédits consacrés à cette mission, je concentrerai l’essentiel de mon propos sur la société France Télévisions, qui bénéficie de plus de 2, 5 milliards d’euros pour 2018, soit les deux tiers des moyens alloués au secteur de l’audiovisuel public.
Comme on le dit en langage courant, France Télévisions alimente beaucoup la gazette depuis quelques semaines.
C’est normal, dira-t-on, qu’un grand média fasse parler de lui, mais, en l’occurrence, ce n’est ni la qualité de tel ou tel programme, ni l’exclusivité de telle ou telle information diffusée sur ses antennes, ni ses succès d’audience qui nous valent autant de remue-ménage autour de cette entreprise.
De rapports confidentiels en notes tout aussi confidentielles savamment répandues dans la presse – nous y avons encore eu droit pas plus tard qu’hier –, de critiques pas même voilées à l’endroit de sa tutelle en déclarations fracassantes sur telles coupes à venir dans les achats de programmes ou dans les émissions d’information, on ne peut pas dire que la direction actuelle de France Télévisions ménage ses efforts.
Sans compter l’intense travail de lobbying déployé auprès de certains de nos collègues ou des syndicats de producteurs…
Non, on ne chôme pas en matière de communication au siège de l’entreprise.
Dommage d’ailleurs qu’il n’existe pas d’indicateur de performance en la matière, car il y aurait là précisément matière à satisfaction !
Mais quelle est donc l’origine de cette effervescence ?
Après plusieurs années d’augmentation continue des crédits alloués à France Télévisions, le Gouvernement a demandé 50 millions d’euros d’économies pour 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens, soit moins de 1, 5 % d’un budget global qui s’élève à 2, 9 milliards d’euros.
Mais, bizarrement, ce qui est demandé à l’ensemble de la Nation pour redresser les comptes publics paraît irréalisable pour cette société de service public, plus marquée par la culture de la dépense que par la culture de l’efficacité et de l’innovation.
Certes, à la décharge de France Télévisions, il faut reconnaître que l’entreprise évolue dans un univers extrêmement concurrentiel et marqué par des évolutions technologiques profondes.
Quelques initiatives ont bien été prises, mais, dans la grande inertie et les errements stratégiques qui caractérisent depuis longtemps cette entreprise, celles-ci n’ont pas toujours été très judicieuses.
La création en 2016 de France Info TV, supposée coûter peu d’argent, en est l’illustration.
Fruit d’une mutualisation de moyens avec Radio France et, plus accessoirement, avec France Médias Monde, son audience s’avère pâle pour un coût réel qui reste totalement opaque.
La comptabilité analytique ne semble pas être le fort de la maison et aucun chiffrage sérieux n’a jusqu’à présent été produit à ce sujet.
Selon les experts du secteur, son coût réel serait de 60 à 80 millions d’euros par an, soit plus du double de celui de LCP et Public Sénat réunis, pour une audience inférieure à ces deux chaînes !
En concurrence directe avec LCI, BFM TV et CNews, on ne s’étonne guère de la faiblesse de son audience, d’autant qu’on peine à voir, en dehors de l’absence de publicité à l’antenne, de grandes différences de contenus avec ces autres chaînes d’information continue.
Était-il pertinent de lancer une chaîne linéaire supplémentaire dans un marché déjà saturé ?
Difficile de ne pas avoir le sentiment d’une certaine gabegie quand on sait que la contribution à l’audiovisuel public, la CAP, finance déjà une chaîne d’information de qualité qui s’appelle France 24, mais qui demeure largement inaccessible à celles et ceux qui paient pour qu’elle existe.
Il aura d’ailleurs fallu batailler ferme en 2013 pour que cette chaîne dispose enfin d’une fenêtre de quelques heures sur un canal de la TNT en Île-de-France.
Elle sert désormais aussi de bouche-trou sur le canal de France Info TV entre minuit et six heures du matin quand les programmes de la première s’arrêtent.
Bref, France 24, c’est comme une belle chambre, payée plein tarif, mais avec deux lucarnes en guise de fenêtres et sans vue sur la mer… Trouvez l’erreur !