Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget pour 2018 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est un budget de transition qui doit ouvrir la réflexion sur un ensemble de réformes structurelles, nécessaires dans la plupart des domaines de cette mission budgétaire. C’est le cas pour l’audiovisuel public – beaucoup en ont parlé –, mais aussi pour l’AFP ou les aides à la presse.
Cette réflexion ne doit pas être vécue comme un risque, mais comme une chance. Au fond, le vrai risque serait de ne pas réformer !
D’ailleurs, les différentes interventions qui viennent d’avoir lieu montrent bien, finalement, que le débat du jour ne porte pas tant sur les choix budgétaires du Gouvernement que sur les pistes de réforme et leur importance. Il faudra débattre de ces réformes, les expliquer et accompagner celles et ceux qui auront à les mettre en œuvre. On voit bien la sensibilité de ces différents sujets et les réactions que tout cela peut provoquer.
J’en reviens à l’examen de la mission, en particulier à son chapitre relatif aux médias.
Notons que les aides à la presse, qui représentent 120 millions d’euros en crédits de paiement en 2018, sont marquées, cette année, par une diminution des aides à la diffusion et un maintien du niveau des aides à la modernisation numérique.
La santé de la presse est notamment mesurable à ses ventes, qui sont en décroissance constante : depuis 2011, la baisse des ventes des quotidiens nationaux atteint un peu moins de 10 %, alors que les ventes numériques augmentent de plus de 42 % sur la même période. Le Figaro, quotidien le plus vendu, accuse une baisse d’environ 2 % et c’est le même constat pour Aujourd’hui en France – pour citer un autre type de presse –, qui subit une baisse de plus de 5 %. Le journal le plus impacté semble être Libération, dont la diffusion chute de 17 %.
Au-delà des chiffres, l’avenir de la presse écrite papier est, à l’ère du tout-numérique, un réel enjeu, qui doit se traduire par une réflexion profonde sur l’évolution de ce secteur, notamment de notre contribution au portage postal.
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur la situation préoccupante de l’AFP, acteur stratégique du rayonnement de la presse française à l’international. Si la diminution de crédits va dans le bon sens, elle devra s’accompagner, elle aussi, de réformes structurelles pour réinventer le modèle de l’agence, en particulier en termes de diversification de ses sources financières – je pense par exemple à la vidéo et aux nouvelles technologies.
Ce besoin de réformes concerne également l’audiovisuel public.
Le législateur devra intervenir avant le 1er juillet 2018 pour consolider l’assiette de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision, à la suite de la décision d’inconstitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel le 27 octobre dernier.
Les économies demandées sont au cœur de l’actualité et je voudrais attirer votre attention sur un point symptomatique des difficultés de notre pays à se réformer.
De 2012 à 2017, le gouvernement de l’époque a proposé l’augmentation du budget alloué à France Télévisions. Cette évolution n’aura pas permis d’engager de véritables réformes structurelles ni de repenser son mode de fonctionnement dans son ensemble.
Aujourd’hui, à l’occasion du projet de loi de finances pour 2018, l’audiovisuel public doit réaliser, contraint et forcé, des économies à hauteur de 47 millions d’euros qui, hier encore, paraissaient inconcevables.
Preuve par l’exemple que, oui, un budget en baisse n’est pas forcément un mauvais budget s’il s’appuie sur des réformes structurelles à la hauteur des enjeux.
Certainement, nous pouvons regretter que ces réformes n’aient pas été menées plus tôt et qu’une fois encore, le précédent gouvernement ait eu recours à la facilité d’une augmentation des crédits budgétaires sans engager les réformes structurelles. Il est désormais indispensable de les faire.
Le groupe Union Centriste est particulièrement sensible à la question de la refonte de la redevance.
Avant d’évoquer ce sujet, je souhaite attirer votre attention sur un point particulier : la redevance est collectée en même temps que la taxe d’habitation et on peut s’interroger sur l’impact que la suppression, à terme, de celle-ci aura ou non sur la redevance.
Concernant la question de la redevance et, de manière plus large, celle du financement de l’audiovisuel public, nous ne pouvons que souhaiter que le Gouvernement s’inspire fortement des recommandations de l’excellent rapport de nos collègues Leleux et Gattolin de 2015, qui présentait des pistes sérieuses et crédibles pour pérenniser les financements, sans peser sur les finances publiques.
C’est le cas notamment du système de financement dit « à l’allemande », pour lequel le groupe Union Centriste a indiqué, à de nombreuses reprises, son intérêt, en particulier au regard du critère de justice fiscale : ce système permet en effet de faire participer l’ensemble des foyers au financement de l’audiovisuel public.
Pour conclure, les crédits du programme « Livre et industries culturelles » sont stables.
Mention honorable en ce qui concerne le financement de la Bibliothèque nationale de France, qui participe au redressement des comptes publics, puisque sa dotation 2018 diminue modérément de 2, 5 %, et le maintien du financement de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, HADOPI, à hauteur de 9 millions d’euros destinés notamment à couvrir la lutte contre le piratage, qui représente aujourd’hui plus d’un milliard d’euros.
Toutefois, la question des missions de la HADOPI, en particulier leur pertinence face à l’évolution du cadre technologique, demeure entière.
Ne perdons jamais de vue l’enjeu principal de toute réforme : l’adaptation à l’évolution des habitudes de consommation de nos concitoyens en lien avec les nouvelles technologies.
Dans les mois et les années qui viennent, nous aurons finalement un adversaire : la tentation du statu quo, celle des demi-réformes ou des demi-mesures. Dans ces circonstances, il ne manque jamais de bons esprits pour préconiser de ne rien faire ou si peu : « À quoi bon réformer en profondeur ? À quoi bon précipiter les choses ? Les réformes sont sûrement un mal nécessaire, mais à trop forte dose, ne risque-t-on pas de tuer le malade ? » Soyons justes, cette inquiétude est légitime, mais elle n’est souvent que l’alibi du conservatisme !
En attendant ces réformes, que nous appelons de nos vœux, le groupe Union Centriste votera cette année en faveur des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».