Les hypothèses de croissance présentées par le Gouvernement sont en ligne avec pratiquement tous les organismes internationaux, qui les ont tous révisées à la hausse pour 2017 et 2018. Notre sentiment, appuyé par les enquêtes de conjoncture, notamment, est que nous vivons un moment de consolidation de la croissance en France et en Europe. Nous sommes bien sûr plus prudents au-delà de 2020. La programmation budgétaire à cinq ans est un passage obligé : il est difficile d'avoir des hypothèses affirmées à cet horizon, mais disons que le point de départ apparaît prudent.
J'insiste aussi sur un point : nous raisonnons toutes administrations publiques confondues, c'est-à-dire y compris la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Vous êtes d'ailleurs bien placés pour savoir que ces dernières ont contribué à une amélioration des comptes. Alors, bien sûr, le budget de l'État a tendance à prendre en charge toutes les compensations des mesures qu'il décide.
J'en viens à la question de Vincent Delahaye sur les notions de déficit structurel et conjoncturel. La composante conjoncturelle du déficit est liée à l'écart de production. Il se peut donc très bien qu'il n'y ait plus de composante conjoncturelle dans le déficit. À mesure que l'écart de production diminue, la composante conjoncturelle s'amenuise. Je l'ai dit, cela ne résout pas tous les problèmes. En cas de nouvelle crise, la composante conjoncturelle retrouvera un niveau élevé, qui s'additionnera à la composante structurelle.
Je vais tenter de répondre à l'observation malicieuse de Claude Raynal. Les hypothèses s'apprécient au moment où on les formule. En septembre 2016, lorsque le Haut Conseil des finances publiques a considéré que les hypothèses de croissance faites pour 2017 par le précédent Gouvernement étaient élevées, cette position faisait consensus. Le deuxième trimestre affichait même une croissance de 0 % ! Au moment, donc, où le Gouvernement arrête ces hypothèses, elles sont optimistes. Puis la conjoncture a changé.
Les prévisionnistes ne sont pas Madame Soleil. Ils raisonnent à partir de données objectives. Mais il y a aussi une part de psychologie dans l'économie. Les conséquences du Brexit pour 2017 ont par exemple été surestimées par les économistes ; elles se feront sentir dans le temps long.
Quand le précédent Gouvernement a présenté son programme de stabilité, ces hypothèses étaient encore considérées comme optimistes. Mais le Haut Conseil avait alors indiqué qu'elles lui apparaissaient comme plausibles. Il avait en effet des éléments pour modifier son appréciation. Le Haut Conseil doit partir d'analyses objectives, prendre en compte les aléas, mais la situation peut évoluer, en bien ou mal. Et de manière générale, nous préférons les bonnes nouvelles aux mauvaises.
D'ailleurs, même l'ancien Gouvernement n'avait pas prévu cette accélération de croissance, puisqu'il en était resté à 1,5 %.
Aujourd'hui, nous estimons que la prévision de 1,7 % est prudente car elle est déjà, pour partie, réalisée, l'acquis de croissance étant de 1,4 % ! Cela n'était pas le cas l'année passée. Certains aléas ont disparu, les élections sont derrière nous, la croissance se consolide au niveau mondial, aux États-Unis, dans les pays en développement, en Europe, et la France en tire parti.
Vous me posez également la question de la transformation du CICE en baisse de charges. Ce sujet n'est pas, pour l'heure, de la responsabilité de la Cour des comptes et du Haut Conseil. Quand nous aurons à apprécier ces dispositifs, nous le ferons. Mais il s'agit, pour l'instant, d'une décision politique, qu'il vous appartient d'examiner.
J'en viens à la question des risques en dépenses. Des économies substantielles ont été annoncées, sur les aides au logement notamment. Nous sommes comme saint Thomas : nous attendons de le voir pour le croire.
Néanmoins, les engagements pris en dépenses par le Gouvernement doivent être tenus pour que la trajectoire de déficit qu'il s'est fixée soit respectée. Je l'ai dit, le scénario du Gouvernement est prudent sur les recettes. Mais la France a plutôt des problèmes du côté des dépenses. Les objectifs affichés ne sont pas toujours tenus, et il y a un vrai décalage entre le niveau de dépenses et l'efficacité des politiques publiques. Pour améliorer notre déficit structurel, il nous faut donc respecter nos engagements en matière d'économies et de dépenses.
Pour ce qui est des prévisions relatives aux dépenses de l'assurance maladie, notre graphique s'explique par le fait que des dépenses nouvelles vont peser sur l'année 2018 ; elles sont l'effet de conventions récentes passées avec les professionnels de santé, de la poursuite de la mise en oeuvre du protocole Parcours professionnel à l'hôpital, de l'arrivée de plusieurs médicaments innovants, etc. L'évolution tendancielle des dépenses a même été augmentée par le Gouvernement. Cela requiert donc un quantum d'économies plus important, par rapport à 2017, pour tenir un objectif exigeant d'économies.