Intervention de Benjamin Griveaux

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 septembre 2017 à 16h25
Projet de loi de finances pour 2018 — Projet de loi de programmation des finances publiques - Audition de Mm. Gérald daRmanin ministre de l'action et des comptes publics et benjamin griveaux secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

Benjamin Griveaux, secrétaire d'État :

Concernant les Gafa, la France a pris une triple initiative.

À moyen terme, il s'agit de revoir, dans le cadre de l'OCDE, les règles de taxation internationale, en avançant l'idée d'une présence fiscale numérique.

À plus court terme, nous tâchons de compléter l'initiative prise concernant l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (Accis). Une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires nous permettrait au niveau européen de mettre en place une contribution plus juste. Une dizaine de pays soutiennent de manière explicite la position française, dont Bruno Le Maire est à l'initiative, et huit autres pays sont également favorables à cette idée, mais de manière moins explicite. Vendredi prochain se tiendra le sommet numérique de Tallinn auquel participera le Président de la République.

Par ailleurs, la Commission européenne devrait faire des propositions d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. C'est dans ce cadre-là et en fonction de ce calendrier somme toute raisonnable que nous traiterons ce sujet important pour de nombreuses plateformes françaises qui ont fait leurs preuves, tel Le Bon Coin. Il n'est pas normal que la concurrence fiscale soit à ce point démesurée.

Concernant l'innovation de rupture, l'État ne doit pas être soumis à la dictature et à la tyrannie court-termiste des marchés. Il doit retrouver sa capacité à s'extraire de cette immédiateté en proposant des programmes d'investissement - c'est la destruction créatrice de Schumpeter avec les grappes d'innovations technologiques et des révolutions importantes dans le monde de l'innovation. Toutes les grandes innovations américaines de ces dix dernières années sont issues du Defense Advanced Research Projets Agency (DARPA). L'idée est de mettre en place un fonds doté de 10 milliards d'euros, qui crée des revenus compris entre 200 et 300 millions d'euros totalement dédiés à l'innovation dite de rupture, en vue de conjurer l'immédiateté des marchés.

Le dispositif de l'ISF-PME, critiqué dans un rapport de la Cour des comptes de 2015, sera supprimé. Premièrement, le dispositif est coûteux. Deuxièmement, des réserves ont été émises quant au bon fléchage. Troisièmement, les intermédiaires se rémunèrent de manière importante. Au regard de cette triple limite, la sortie des valeurs mobilières de l'impôt sur la fortune immobilière permettrait sans doute de réorienter ces sommes vers nos PME. Il faudra évaluer ce dispositif pour voir s'il fonctionne ou pas.

Sur les micro-entreprises, nous avons prévu le doublement du plafond du chiffre d'affaires pour bénéficier du régime simplifié d'imposition. Cette question a été débattue avec les professionnels, les artisans, les fédérations de commerçants, les professions libérales. Pour être clair, cette mesure ne vise pas spécifiquement les micro-entrepreneurs : entre 5 000 et 7 000 artisans et commerçants en bénéficieront essentiellement. Cela n'accroît en rien la différence de traitement entre les artisans et les micro-entrepreneurs, car on ne touche pas à la franchise de TVA.

Je peux rassurer Éric Bocquet, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus n'est pas supprimée dans le cadre de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Les contribuables ayant des revenus supérieurs à un certain seuil devront continuer à s'acquitter de cette contribution, même s'il s'agit de revenus de capitaux imposés.

J'évoquerai maintenant la question de la bascule du CICE en allégements de charges pérennes. Ceux qui réclamaient encore récemment cette mesure à cor et à cri tombent aujourd'hui dans des déclarations d'amour insensées pour le CICE. Le Gouvernement veut remettre de la lisibilité, de la visibilité et de la stabilité dans nos dispositifs fiscaux. Le crédit d'impôt est susceptible de varier d'une année à l'autre ; il ne crée donc pas un environnement suffisamment stable pour les entreprises. L'idée sous-jacente de l'allégement pérenne de charges est un gain de compétitivité-prix. Le secteur associatif pourra bénéficier de cette mesure, car le mécanisme du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) ne fonctionne pas très bien.

Le rapprochement entre Siemens Mobility et Alstom est, à l'évidence, de nature à créer un champion européen et mondial : numéro deux pour le matériel roulant au niveau mondial et numéro un pour la signalisation. Il fera face au géant chinois CRRC qui s'est constitué en peu de temps, avec un chiffre d'affaires d'un peu moins de 30 milliards d'euros chaque année, mais en croissance de 10 % et qui aurait des vues sur un opérateur européen dont il pourrait prendre le contrôle.

La valorisation entre les deux groupes est quasiment de même ordre en termes de valeur de marché. Des garanties ont été apportées sur la recherche et développement, les sites de production et la gouvernance, avec, très concrètement, une direction française, un siège en France et une cotation à la Bourse de Paris. Il est heureux que cet accord soit intervenu. Un accord entre Siemens-Mobility et le canadien Bombardier aurait placé la société Alstom dans une difficulté bien plus grande.

Pour répondre à la question relative au Brexit, l'ensemble des interlocuteurs que j'ai rencontrés voilà dix jours à Londres s'interrogent sur les conditions de sortie de l'Irlande du Nord, les droits des citoyens européens et les conditions financières qui occupent évidemment le débat avec, parfois, les outrances qu'on connaît outre-Manche. Tant que les conditions de sortie ne sont pas connues, il est assez difficile d'envisager des provisions en termes budgétaires. Un premier rendez-vous sur ce sujet avec les Britanniques doit avoir lieu en octobre. La position de négociation de Michel Barnier est très claire. Les positions du Premier ministre britannique ont en revanche bougé il y a quelques jours encore dans son discours de Florence. Nous attendons donc une stabilisation des positions du Gouvernement britannique.

Enfin, le taux du livret A est fixé à 0,75 % pour les deux prochaines années, avec une modification du mode de calcul qui est en cours. L'idée est là encore d'assurer une stabilité de la rémunération, de la lisibilité, et de baisser les ressources pour le financement du logement social en donnant de la visibilité aux bailleurs sociaux.

Éric Bocquet a évoqué le dogme de la baisse de la dépense publique du Gouvernement. La dette est l'ennemi de l'État, des pouvoirs publics : un État endetté est un État qui n'a pas de marges de manoeuvre, qui ne peut plus mettre en place des stratégies à moyen et de long terme. Ce n'est pas parce que l'on aura moins de riches que l'on aura moins de pauvres.

Certes, nous nous éloignons un peu de la rigueur budgétaire et des chiffres, mais, pour avoir été chargé, pendant un mandat, des questions du RSA dans le département de Saône-et-Loire, je puis vous affirmer que le fait d'envisager la pauvreté sous un angle strictement monétaire est, à mon avis, un mal bien français. La véritable question qui se pose est de savoir si l'on a suffisamment de capitaux publics pour l'éducation, l'accès à la culture, aux transports, les services publics. La conception de la pauvreté s'apprécie en fonction non pas uniquement de l'état de son compte en banque, mais aussi de l'accès aux services publics. C'est cette lutte-là qu'il faut engager. Je ne minimise pas la situation des personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays, mais je ne crois pas que la réponse à apporter ne soit que monétaire.

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