Intervention de Xavier Bertrand

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 6 décembre 2017 à 9h00
Table ronde sur le canal seine-nord europe

Xavier Bertrand, président du conseil de surveillance de la société du Canal Seine-Nord Europe :

S'agissant de l'exploitation du canal, bien évidemment, VNF est candidat, mais je voudrais être sûr de ses motivations. Elle est forte, sans doute, mais j'en attends les preuves, comme en amour.

Je n'ai pas d'exploitant de rechange, mais c'est une question ouverte que je pose. La réponse dépendra aussi de la position de l'État. Jusqu'à maintenant, sur ce dossier, je n'ai pas senti un engagement à 110 % de la part des différents acteurs.

Les problèmes se sont crispés avec la pause décrétée cet été, mais la responsabilité n'incombe pas seulement à ce gouvernement et le problème ne date pas de l'élection du président Macron. Autant les politiques se sont toujours engagés, autant je reste persuadé que la technostructure n'a jamais « calculé » ce projet, comme disent les jeunes.

En plus, comme Mme Lherbier vient de le dire, ce projet n'est pas pensé pour le seul bénéfice de la région ou des habitants des Hauts-de-France. Il s'agit d'un projet national.

Le Président de la République, alors candidat, avait déclaré que deux projets ne souffriraient aucun retard : Lyon-Turin et le canal Seine-Nord Europe.

Par ailleurs, l'engagement de l'Europe est clair. Le problème, c'est qu'il va bientôt y avoir des élections européennes, avant l'engagement de la deuxième partie de l'enveloppe. Nous savons qu'il y aura une réduction d'à peu près dix milliards d'euros sur l'ensemble des financements, à cause notamment du Brexit. Mais vous devez savoir que le canal est l'un des projets prioritaires pour la Commission européenne. Elle y croit vraiment. J'ai eu l'occasion de rencontrer, sur l'initiative de Dominique Riquet, qui fait un énorme travail au Parlement européen sur cette question, les fonctionnaires directement en charge du dossier. Ils nous ont dit très clairement que nous avions désormais besoin non seulement de crédibiliser la motivation de la région et des départements, mais également de montrer ce que nous engagions sur les différents appels d'offres, et pas uniquement sur les acquisitions. Le premier coup de pioche doit être donné au début de 2019 ; après, il sera trop tard, et la Commission se retirera.

La deuxième partie de l'enveloppe sera engagée, mais si, pour une raison x ou y, elle ne l'était pas, la région ou les départements ne seraient pas en mesure de garantir ce qui relèvera d'une discussion d'État à Union européenne. D'autres discuteront pour nous, donc, quand la technostructure nous enjoint de nous débrouiller avec l'Europe, cela me pose problème. Ce n'est pas convenable de nous opposer de telles réponses.

Vous devez aussi savoir que le conseil départemental des Yvelines nous a indiqué qu'il participerait financièrement à hauteur de quelques dizaines de millions d'euros et le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine m'a dit qu'il était intéressé. Au-delà, pourquoi ne pas imaginer la participation du conseil régional de l'Île-de-France. C'est la preuve, encore une fois, qu'il ne s'agit pas d'un projet uniquement pour les Hauts-de-France.

M. Jacquin, comme d'autres, s'est interrogé sur l'avenir de l'État aménageur. La Datar, devenue le CGET, le commissariat à l'égalité des territoires, n'est plus rattachée au Premier ministre, mais au ministre de la cohésion des territoires, ce qui en dit long. J'ai demandé au président Macron quels étaient nos interlocuteurs sur ce dossier. Il m'a parlé de Jacques Mézard, sur l'égalité des territoires, d'Élisabeth Borne, sur les transports, de Gérald Darmanin pour le budget, et de Gérard Collomb pour les questions ayant trait aux collectivités locales. Je lui ai rétorqué qu'avoir quatre interlocuteurs revenait pour moi à n'en avoir aucun. Il faut qu'il y ait un seul interlocuteur. Si c'est la volonté de l'État, c'est transversal, donc forcément au niveau des services du Premier ministre.

Je ne reviens pas sur ce qui s'est passé voilà quelques jours avec le président du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Cela en dit long aussi sur le rôle d'ingénierie que doit assumer l'État. Pourquoi est-il parti ? Posez-lui la question !

La question, qui n'est pas liée à notre positionnement sur l'échiquier politique, est désormais la suivante : est-ce que l'État a encore des projets au-delà des investissements dans le numérique, dans la technologie ? Pour ma part, je reste persuadé qu'il faut de la finance, de la technologie, de l'industrie, du transport, de l'agriculture, de l'agroalimentaire, des artisans, de la construction, du bâtiment. Il faut tout cela, en même temps.

Monsieur Manable, vous avez raison, nous serons la risée de l'Europe si nous échouons. Nos interlocuteurs européens ont bien vu qu'il y avait un changement avec mon élection à la tête du conseil de surveillance. Depuis que nous avons repris la main, il y a déjà eu deux réunions et la troisième se tiendra le 21 décembre 2017.

Les groupes techniques avancent de nouveau, mais je souhaite maintenant avoir des réunions politiques, et je jouerai la totale transparence avec vous pour vous dire exactement où l'on en est. Je sais, pour avoir été des deux côtés de la barrière, quand on a envie et quand on n'a pas envie. Je réclame que l'État soit un partenaire loyal, et j'attends la confirmation de cela. Nous sommes prêts à reprendre, mais pas dans n'importe quelles conditions, car nous ne sommes pas riches. Je n'ai pas trouvé de planche à billets dans les sous-sols du conseil régional.

Madame Tocqueville, nous ne nous faisons pas concurrence. Il y a de la place pour tout le monde, et le discours du Premier ministre est intéressant à ce titre : il faut que l'on se parle et que l'on bosse ensemble. Les ports belges et néerlandais voient bien que leurs concurrents sont ailleurs, par exemple en France. On a une carte à jouer.

Le port d'Anvers marche très bien, grâce à sa gouvernance, mais pas seulement. Il y a également une autoroute pour arriver au port : le canal Albert. C'est ce qui nous fait défaut aujourd'hui. J'aurais très bien pu m'élever contre le projet du Grand Paris, qui allait jusqu'à Rouen et au port du Havre. Jamais je ne l'ai fait ! On a beaucoup plus intérêt à travailler ensemble, une perspective ouverte par Édouard Philippe, plutôt que s'observer en chiens de faïence. Les Belges et les Néerlandais pensent que les Français continuent à jouer la carte du village d'Astérix et de l'esprit gaulois. Au contraire, il y a une nouvelle donne, et nous devons avoir une véritable stratégie portuaire. Le port de Dunkerque peut augmenter en volume, si l'on parvient à attirer des investisseurs internationaux en faisant des Hauts-de-France un hub, qui pourrait irriguer vers le bassin de la Seine et, plus largement, l'ensemble du territoire. L'idée est non pas de se partager le gâteau en faisant des parts plus petites, mais d'avoir un gâteau plus large ! Dunkerque ne sera pas demain Le Havre : le port a vocation à prendre des parts de marché avec des chargeurs de la région qui ont pris d'autres habitudes depuis longtemps.

Pour terminer, nous envisageons une mise en service en 2025.

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