Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 6 décembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — Cohésion des territoires

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Je le répète, je ne suis pas là pour faire le procès de ce qui a été fait avant moi : je suis là, simplement, pour dire que nous avons encore des difficultés – si tel n’était pas le cas, cela se saurait !

Si nous avons engagé cette réforme profonde de la politique du logement, c’est non seulement pour faire face aux contraintes budgétaires, mais aussi parce que, dans le système actuel, malgré 40 milliards d’euros de dépenses assumées chaque année par l’État, plus de 4 millions de personnes restent mal logées en France.

Voilà pourquoi il est nécessaire d’opérer une réforme structurelle ; dans l’ensemble, ce constat fait d’ailleurs l’objet d’un large consensus.

Un certain nombre d’entre vous dénoncent la brutalité de la méthode employée. Toutefois, Julien Denormandie et moi-même avons toujours privilégié le dialogue, que ce soit avec les professionnels, avec les bailleurs sociaux ou avec les acteurs du monde de la construction. J’entends parfois qu’il n’y aurait eu aucun dialogue : or nous avons consacré plusieurs centaines d’heures à la concertation, ce qui est tout à fait légitime. Je peux vous dire que nous avons tenu compte des avis des uns et des autres.

À ce titre, je tiens à remercier très clairement le Sénat de la contribution qu’il a apportée et qu’il continue d’apporter sur ce dossier du logement. Le Sénat et le Gouvernement pourront ainsi, dans quelques jours, engager conjointement une conférence de consensus sur le logement. À mon sens, c’est une excellente chose. Au demeurant, de tels exemples démontrent la volonté du Gouvernement d’être à l’écoute du Sénat de la République.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis également que cette conférence de consensus puisse être coanimée avec le président du Sénat, avec vous toutes et vous tous.

J’insiste : quand on consacre plus de 40 milliards d’euros à une politique, il n’est pas raisonnable de se contenter de résultats considérés, globalement, comme négatifs – et je nous mets tous dans le même sac ! La nécessité de changer les choses est aussi une affirmation courageuse.

Nous avons effectivement proposé de réduire le montant des loyers de solidarité dans le parc social, pour les locataires les plus fragiles. Parallèlement, nous proposons de baisser les APL pour les mêmes locataires : ainsi, l’ensemble de cette politique restera neutre pour leur pouvoir d’achat.

Cela étant, j’ai siégé longtemps parmi vous et j’ai très souvent entendu parler des « dodus dormants ». Je n’en déduis pas que tout va bien, que tous les organismes de logement disposent de trésoreries considérables ! Mais ces cas de figure existent, et nous le savons : je l’ai entendu de la bouche de nombre d’entre vous.

Si nous allons vers une réforme structurelle, c’est parce que notre pays en a besoin. Certains secteurs ont déjà engagé ce travail : en la matière, il est grand temps de le faire, et nous le ferons dans le dialogue. Encore aujourd’hui, je ne désespère pas que nous arrivions à la solution la plus consensuelle possible. Y compris dans ce secteur, nombre d’intervenants considèrent qu’il est nécessaire d’évoluer.

Le budget alloué aux aides au logement traduit cet objectif : l’État y consacrera 13, 6 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront une participation des employeurs et les concours des collectivités territoriales en faveur de l’accès et du maintien des ménages dans leur logement. Au total, la dépense publique d’aide au logement s’établira à 16, 4 milliards d’euros.

Il est nécessaire de réformer le secteur, d’opérer des mutualisations, de regrouper des organismes. Ainsi, ces derniers atteindront une taille suffisante pour disposer des moyens de construire mieux. Des économies d’échelles seront dégagées et l’organisation du secteur sera simplifiée.

Toutefois, je vous ai entendus et, à cet égard, j’ai le même avis que vous : je veillerai à ce que cette réforme n’entre pas en opposition avec la nécessaire préservation de la proximité. Je pense en particulier aux territoires ruraux : il ne serait pas bon d’aboutir à des organismes éloignés du terrain. Sachez que je serai particulièrement attentif à cette question.

Cette réforme sera déployée au cours des trois prochaines années. Bien sûr, elle doit être mise en cohérence avec la réforme financière des aides au logement que nous avons engagée.

Nous sommes venus devant vous avec un texte voté par l’Assemblée nationale ; je considère que cette rédaction peut encore évoluer, et je ne m’en suis jamais caché. Vous avez commencé à apporter diverses modifications. À cet égard, je remercie tout particulièrement Philippe Dallier et Dominique Estrosi Sassone du travail considérable qu’ils ont accompli pour faire évoluer l’article 52.

Nous ne sommes pas au bout du processus. Vraisemblablement, ce dernier ne sera pas totalement achevé ce soir. Le travail accompli au Sénat n’en était pas moins indispensable, et il va dans le bon sens.

J’indique en particulier que, à titre personnel, le choix de recourir à la TVA pour financer les actions de l’article 52 m’a toujours paru une bonne chose : je suis heureux qu’il soit revenu au Sénat de mettre cette idée dans le circuit !

Bien sûr, nous discuterons plus longuement de l’article 52 en débattant des amendements que vous avez soumis à la Haute Assemblée.

Pour l’heure, je n’ajouterai qu’une précision. Tout le monde a essayé de réformer ce pays. D’ailleurs, tous les gouvernements l’ont fait au cours des dernières années. Or j’ai rarement vu des réformes mises en œuvre sans provoquer un certain nombre de réactions. C’est légitime, c’est la vie démocratique. Mais ce n’est pas une raison pour multiplier les marques d’inquiétude, en déclarant que le monde des bailleurs sociaux va s’écrouler, que des organismes vont finir en cessation de paiement : nous l’avons dit, nous ferons le nécessaire.

En particulier, nous sommes en train de travailler à la question de la péréquation. Parallèlement au projet mis sur la table, nous avons prévu un certain nombre de concours en faveur des bailleurs sociaux. J’y reviendrai éventuellement dans la suite de la discussion : je songe notamment au concours de la Caisse des dépôts et aux prêts de haut de bilan, qui, joints à la péréquation, préviendront la casse que d’aucuns nous annoncent. Au demeurant, une telle issue ne serait dans l’intérêt ni du pays ni de la République.

Ne serait-ce qu’à cet égard, plus de 6 milliards d’euros de prêts bonifiés seront proposés au secteur : ce n’est quand même pas neutre. Et je ne parle pas de la stabilisation du taux du livret A.

Pour ce qui concerne le budget de la cohésion des territoires, je l’ai dit, nous aurons à débattre dans quelques semaines du projet de loi relatif au logement. J’espère que la concertation menée à ce titre, avec le Sénat, sera la plus positive et la plus constructive possible.

Certains d’entre vous ont parlé du PTZ et du dispositif Pinel. J’entends les propositions qu’ils formulent. Mais quelle est la situation que nous avons trouvée ? En vertu du projet de loi de finances pour 2017, ces aides disparaissaient totalement au 31 décembre 2017. Voilà quelle était la réalité !

Nous avons pris la décision de prolonger ces dispositifs pour quatre années, sauf exception, c’est-à-dire pour presque tout le quinquennat. Ce choix assure aux professionnels de l’immobilier une lisibilité et une visibilité.

Le dispositif Pinel sera concentré sur les zones tendues ; mais, si mes souvenirs sont bons, il n’a compris les zones non tendues que pour l’année 2017, et, dans les faits, seules quelques dizaines de logements ont été concernés à ce titre. Voilà aussi quelle est la réalité.

Quant au PTZ, n’inversons pas les faits : sur la base des mesures annoncées par le Président de la République, nous avons fait évoluer le projet de loi de finances initial. Le PTZ sera maintenu pour quatre ans pour les logements neufs dans les zones tendues ; dans toutes les zones non tendues, il sera également maintenu pour deux ans, certes à un taux un peu réduit pour les logements neufs, mais pour quatre ans, et au taux habituel, pour l’ancien. À mon sens, ce choix est davantage une avancée qu’un recul au regard de la situation que nous avons trouvée.

En outre, d’aucuns l’ont rappelé, et je les en remercie : nous avons renforcé les crédits de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH. Nous en avons bien besoin pour lutter contre les passoires thermiques. Chacun, dans cet hémicycle, s’accorde à reconnaître qu’il s’agit là d’un enjeu prioritaire. L’effort accompli témoigne de la volonté du Gouvernement d’avancer sur ce front.

D’autres chapitres qui relèvent non de mon ministère, mais du ministère de la transition écologique et solidaire, mettent en œuvre des crédits importants dans ce domaine, qui concerne aussi le logement.

Cela étant, pour ce qui est de l’ANAH, le programme « Habiter mieux », qui sera doté de 1, 2 milliard d’euros à l’échelle du quinquennat, est une initiative très positive. Cette action va dans le bon sens.

Bien sûr, au titre du projet de loi relatif au logement, nous veillerons aussi à faciliter l’offre. Un dispositif exceptionnel sera déployé pour réduire l’imposition des plus-values immobilières pendant trois ans et favoriser la cession du foncier.

J’en viens à une question que plusieurs d’entre vous ont également abordée : l’hébergement d’urgence et, plus spécifiquement, le plan quinquennal pour le Logement d’abord.

Tous les gouvernements successifs ont dû faire face au problème de l’hébergement d’urgence. J’étais aux côtés du Président de la République, à Toulouse, en septembre dernier, lorsqu’il a fait cette annonce : la politique du Logement d’abord sera préservée, quoi qu’il arrive, dans le cadre de ce budget.

Cet effort prendra des mois, et même des années. Mais le Logement d’abord est le seul moyen d’éviter que la question des sans-abri ne devienne chaque année plus préoccupante.

Depuis des années, quels que soient les gouvernements, les budgets consacrés à l’hébergement d’urgence ont été insincères : c’est une réalité. D’ailleurs, la situation dans laquelle nous nous trouvons démontre la difficulté que représente la question du logement en France.

Notre pays compte plus de 120 000 sans-abri : cela ne remonte pas au mois de mai dernier, c’est une responsabilité collective. Cette situation est encore aggravée par de nouveaux flux migratoires, qui posent les problèmes que l’on connaît et face auxquels on ne peut rester les yeux fermés. Voilà quelle est la vérité !

En la matière, nous avons besoin d’augmenter les crédits : c’est ce qu’assure le budget que nous vous proposons. Cet effort ne résoudra pas tout. Je sais que des difficultés persisteront. Je sais que, malheureusement, cet hiver, des hommes et des femmes sont déjà décédés dans la rue. Ce gouvernement fait ce qu’il peut, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles. Je le dis comme je le pense : peut-être devrions-nous faire plus. C’est là un aspect fondamental du respect que nous devons à nos concitoyens, quelles que soient les sensibilités que nous représentons ici.

Cette stratégie du Logement d’abord, nous y tenons, le Président de la République y tient, et toutes les associations du secteur l’ont saluée : c’est bien la preuve que nous avons retenu la bonne formule, même s’il ne s’agit pas d’un enjeu facile.

Pour ce qui concerne l’aménagement du territoire, d’aucuns ont trouvé que nous n’en faisions pas assez. Certes, on ne fait jamais assez en la matière, surtout quand on hérite d’une situation comme celle que nous avons trouvée !

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