Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 décembre 2017 à 17h35
Économie finances et fiscalité — Ventes de biens en ligne : communication de m. andré gattolin et mme colette mélot

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Je partage l'avis de Colette Mélot. La Commission européenne connaît notre position sur l'harmonisation maximale au regard du principe de subsidiarité. Si elle refuse d'en tenir compte, nous pouvons lui faire connaître notre position au fond, par le biais du dialogue politique.

Nous ne sommes pas les seuls à nous interroger sur le niveau de l'harmonisation. Notre gouvernement s'interroge aussi et n'est pas le seul. Je remarque que lors des négociations sur la proposition concernant la fourniture de contenus numériques qu'a évoquée Colette Mélot, le gouvernement français a obtenu qu'en ce qui concerne la limitation dans le temps de la responsabilité du fournisseur de contenu, la clause d'harmonisation soit minimale. Ainsi, le jeu de pression politique existe, même si sur le principe, la Commission européenne nous a opposé une fin de non-recevoir. C'est donc la preuve qu'il ne peut y avoir d'harmonisation maximale sur tous les aspects du droit des consommateurs, qui relève parfois de cultures juridiques nationales très différentes.

La Commission le reconnaît d'ailleurs. Mais, dans son approche, elle dit : si sur certains aspects tel ou tel pays verra la protection des consommateurs régresser, il faut regarder les réformes dans leur ensemble pour voir si, au total, les consommateurs seront mieux ou moins bien protégés. C'est pourquoi, je pense moi aussi que nous devrions approfondir notre étude de cette réforme.

J'en reviens maintenant au contrôle de subsidiarité. La Commission européenne profite d'une ambiguïté dans la rédaction du protocole n° 2 au traité sur l'Union européenne qui ne me paraît pas de nature à nourrir des échanges constructifs avec les parlements nationaux.

Si l'article 5 de ce protocole prévoit que, je cite, « les projets d'actes législatifs sont motivés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité », l'article 6 énonce que « tout parlement national ou toute chambre de l'un de ces parlements peut adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité » uniquement, et pas au principe de proportionnalité.

On voit bien ici la différence entre la lettre et l'esprit du texte et l'intérêt qu'à la Commission européenne à nous contenir dans un contrôle plus étroit. Mais est-ce démocratique ? Est-ce le sens qu'ont voulu donner les rédacteurs du traité ?

Jean-Claude Juncker a annoncé, le 14 novembre dernier, la création d'une task force « subsidiarité, proportionnalité et « faire moins et de manière plus efficace ». Elle devra remettre à la mi-juillet 2018 un rapport avec des recommandations sur la manière de mieux appliquer les principes de subsidiarité et de proportionnalité, en recensant les domaines d'intervention dans lesquels l'activité pourrait être « redéléguée » ou définitivement réattribuée aux États membres. Elle doit également réfléchir sur les moyens permettant de mieux associer les autorités régionales et locales à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de l'Union européenne.

Je ne sais pas comment cette équipe va travailler, ni comment nous pouvons l'interpeller. Mais je crois, Monsieur le président, que nous devrions lui faire part de nos interrogations quant à l'interprétation que fait la Commission européenne du contrôle de subsidiarité par les parlements nationaux.

Je crois que nous pouvons aussi poser la question de ces directives d'harmonisation maximale qui ne laissent quasiment aucune marge aux États. Ainsi, cette directive s'apparente de plus en plus à un règlement d'application totale et directe. Le marché unique ne peut pas tout justifier.

Il y a une tendance, une volonté, via des outils comme les actes délégués, d'aller vers un renforcement de la Commission européenne, au détriment des États membres. En l'espèce, sur la protection des consommateurs, la Commission cherche à mettre tout le monde à un même niveau moyen. Pour certains pays, notamment les pays de l'Est cela sera une progression, mais pour d'autres pays comme la France, c'est une régression de la protection qui se profile. Ce n'est plus l'esprit du « mieux disant » qui prévalait dans la rédaction des directives européennes. Je suis pour la construction européenne, mais elle doit se faire avec les États membres et pas contre eux, surtout quand ils veulent améliorer les droits de leurs citoyens.

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